Djihadisme: une étude américaine pointe du doigt la francophonie

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Les ressortissants des pays francophones sont plus susceptibles d’aller faire le djihad en Syrie ou en Irak. C’est ce que dévoile une étude du think-tank américain Brookings Institution, révélée dans la revue Foreign Affaires par ses auteurs, Will McCants et Chris Meserole. Et ce n’est pas une prédisposition génétique…

Depuis le 11 septembre 2001, il n'y a pas eu d'analyses fiables et concrètes sur les causes de la « conversion » au salafisme des jeunes. Les scientifiques américains ont donc décidé de trouver une fois pour toute une réponse adéquate expliquant ce phénomène. « Nous avons compris que la science sur le radicalisme sunnite était en plein désarroi », a indiqué Chris Meserole. Les auteurs de l'étude ont examiné les profils des candidats au djihad, dont les données sont centralisées au Centre international pour l'étude de la radicalisation.

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Ils ont ensuite créé un algorithme complexe qui traite toutes sortes de données sociologiques des pays-cibles, comme le chômage des jeunes ou le niveau d'instruction pour déterminer quels facteurs permettaient de prévoir le taux de djihadistes dans chaque pays.

Ce qu'ils ont découvert les a fortement surpris. Les pays qui « produisent » le plus de djihadistes sont francophones. Camel Bechikh, président de l'association de musulmans patriotes « Fils de France », l'explique par le fait que la communauté musulmane de la France est l'une des plus importantes en Europe.

« Evidemment il y en a depuis la France. Mais ce n'est pas étonnant du tout puisque la France a la première communauté musulmane en Europe. Il y a une histoire de proportionnalité. Il y a plus de musulmans en France qu'en Tunisie. Fatalement, par le jeu de proportionnalité on va la trouver [la France, ndlr] comme étant la première… »

Selon l'analyse des spécialistes américains, quatre pays francophones sur 5 se sont révélés être les plus « radicaux », France et Belgique en tête. Les scientifiques reconnaissent que ce sont des résultats préliminaires. Mais s'ils se confirment, cela pourrait éclairer le phénomène qui préoccupe la communauté internationale depuis les attentats du 11 septembre. Riadh Sidaoui, directeur du Centre arabe d'analyses et de recherches politiques et sociales (www.caraps.net/fr) basé à Genève se dit pourtant surpris du bilan tiré par les experts américains.

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« Il faut définir d'abord qu'est-ce que ça veut dire "francophone". J'habite à Genève. Il y a une bonne partie de la Suisse qui est francophone. Mais on n'a aucun Suisse qui fait le djihad en Syrie et en Irak. On n'a pas non plus de terroristes qui viennent de Montréal, ni de pays africains francophones. Par contre, la France et la Belgique, oui. A mon avis, le lien entre francophonie et terrorisme en Syrie, sociologiquement parlant, n'est pas direct. A Bruxelles et à Paris… on a eu la 1ère et la 2e générations des jeunes qui n'ont pas été intégrés dans la société et en même temps marginalisés par cette société. Ils prennent leur revanche. Il faut expliquer aussi que les deux premières années les médias français appelaient les terroristes qui font le combat contre Bachar el-Assad des combattants pour la liberté».

Will McCants et Chris Meserole soulignent, eux aussi, que c'est le couple franco-belge qui joue le rôle principal dans la « production » des djihadistes. Selon eux, la faute est à la Révolution française… et la laïcité comme l'un des produits de cette révolution. A en croire les scientifiques américains, la laïcité n'est donc pas un acquis mais un fléau qui rend l'Etat vulnérable face à toutes sortes de radicalisme. Riadh Sidaoui estime qu'il y a encore une raison pour laquelle les jeunes francophones, en l'occurrence les Français, partent combattre aux côtés de Daech. Il s'agit des liens forts qui se sont tissés entre la France et les pays du golfe Persique.

"La France aujourd'hui n'est pas celle de Jacques Chirac ou Charles de Gaulle. C'est-à-dire la France s'est approchée de l'Arabie saoudite et du Qatar. Nous savons bien que ces pays ont acheté des quantités énormes des armes françaises alors que l'industrie d'armement française ne trouve pas souvent de débouché. Pour des raisons économiques la position française est très proche de celles du Qatar et de l'Arabie saoudite. Et cela malgré le fait qu'il y a de temps en temps des déclarations comme celle d'Yves Bonnet qui disait qu'il y a un vrai problème [avec le Qatar, ndlr]. Et je me fiche des résultats du Paris Saint-Germain+. Ça veut dire qu'il y a une conscience au sein des élites françaises que cette relation pourrait se retourner contre la sécurité française elle-même ».

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En France, les résultats de l'étude américaine ont suscité une réaction plutôt négative. L'ambassadeur de France aux USA Gérard Araud a écrit sur Twitter que le texte présenté n'avait pas de sens du point de vue de méthodologie. Il est allé encore plus loin en le qualifiant d'insulte à « l'intelligence » («This text doesn't make any methodological sense. An insult to intelligence»). Camel Bechikh ne donne pas non plus raison à l'analyse des Américains et les pointe du doigt.

« Le gouvernement français a des données très différentes parce que pour lui, officiellement, la première nation représentée par les djihadistes de Syrie et d'Irak c'est l'Albanie. Je ne peux pas souscrire à une étude américaine… En mettant le chaos en Albanie, en Tchétchénie et en Bosnie, ils ont facilité le salafisme grâce à leur union avec les Saoudiens. Ayant laissé libre cours aux Saoudiens par le biais du salafisme, on se retrouve avec des gens qui se réislamisent, des gens qui étaient extrêmement violents dans la drogue, dans l'alcool, dans la délinquance. Lorsqu'ils se réislamisent par le salafisme, ce passé violent produit un salafisme violent, du djihadisme. Si les USA n'avaient pas historiquement passé un pacte avec l'Arabie saoudite, jamais l'Europe n'aurait suivi, jamais la France ne se serait permise d'avoir des liens commerciaux qu'elle a aujourd'hui avec l'Arabie saoudite ».

Quoi qu'on en dise, il n'y a pas de fumée sans feu. Malheureusement, c'est en France et en Belgique que se sont produits les récents attentats. Ils ont été commis par des ressortissants de ces pays, comme l'a démontré l'enquête…

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