Une garde nationale contre le terrorisme?

© REUTERS / Amit DaveAttentat à Nice
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Deux attentats en deux semaines. Quatre en 18 mois. Le projet de garde nationale, tant critiquée jadis, fait désormais partie du paysage, le président Hollande l’approuve. Une mesure contre le terrorisme ou un peu d'agitation politique pour rassurer le peuple?

Après l'attentat à Saint-Etienne du Rouvray, le quatrième en 18 mois en France et le deuxième en deux semaines, les Français attendent des décisions politiques fortes. Alors, dans la classe politique, c'est la surenchère de propositions plus au moins efficaces, voire extrêmes.

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Les recommandations vont de l'équipement des policiers en lance-roquettes à la prolongation de l'état d'urgence pour six mois, en passant par le renforcement des contrôles de sécurité aux endroits sensibles en allant jusqu'à la construction de murs aux frontières françaises et la déchéance de nationalité pour les terroristes. C'est dans ce mouvement général que le projet de garde nationale et civique proposé par le PS en janvier dernier revient sur le devant de la scène.

Le 20 juillet, François Hollande a déclaré avoir "choisi de faire appel à toutes les femmes et tous les hommes qui, en parallèle d'une carrière d'études ou d'un choix professionnel, ont choisi de s'engager au service de la protection des Français", évoquant la réserve opérationnelle. Puis le 23 juillet, c'est Bernard Cazeneuve qui a lancé un nouvel appel. Désormais, tous les partisans de la garde nationale française s'expriment, mais pourrait-elle être une solution?

Elsa Di Meo, secrétaire nationale du PS à la promotion et à l'action républicaine, qui a travaillé sur le projet de garde nationale proposé par Jean-Christophe Cambadélis, explique sa "nouveauté":

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"Pour moi il s'agit d'avoir un temps où l'ensemble de la jeunesse se retrouve, soit amenée à réapprendre d'abord les valeurs de la République et puis ensuite à faire dans un temps de six ou huit moi, en fonction des possibilités, des actions civiques, des actions républicaines, des actions de vivre ensemble, de solidarité. Bref, de faire en sorte de se rendre compte de ce qui est la cohésion nationale et de la vivre pendant plusieurs mois."

La France est le troisième pays au monde le plus touché par les attentats islamistes. Celui de Saint-Etienne-du Rouvray est loin d'être le premier, mais malheureusement les cas se multiplient. Elsa di Meo donne son explication et estime que la France n'est pas impuissante:

"Je crois qu'on n'est pas dans une situation où on a des réponses toutes prêtes face à ce nouveau terrorisme, puisqu'on voit des actes qui sont isolés, des actes qui sont un peu inattendus comme on a pu le voir hier dans cette église. Donc, je crois qu'il faut tout d'abord s'adapter à ces nouvelles formes, il faut continuer la lutte qui est en place depuis quelques mois, l'intensifier très certainement, mais surtout il faut une certaine vigilance des uns et des autres dans notre quotidien."

Les membres du PS, comme Elsa di Meo, estiment qu'il s'agit d'un "nouveau terrorisme" et qu'il faut apprendre à mieux le connaître, même si c'est le quatrième attentat en quelques mois.

Pour sa part, François Grosdidier, sénateur LR et membre de la "Mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France", insiste sur le fait que cette réserve militaire a été longtemps négligée en France. Il ajoute qu'avec une menace importante présente sur le territoire, son existence peut être une mesure efficace, mais qu'en même temps, la France pâtit d'un manque évident des mesures sécuritaires et que le gouvernement a déjà perdu beaucoup de temps:

"Il manque beaucoup de choses. Sans amalgamer avec l'ensemble de la communauté musulmane, il est certain que l'État n'a jamais voulu, en raison des règles sur la laïcité, se préoccuper suffisamment de la structuration de la communauté musulmane qui ne demandait qu'avoir des moyens, des moyens pas nécessairement venant de l'étranger. Donc, c'est la première difficulté. La deuxième, c'est que nous avons un système judiciaire très protecteur des droits individuels et on l'a vu avec la libération de ce dernier terroriste qui avait été confirmée en appel par la chambre d'accusation, alors même qu'il était signalé comme dangereux, qu'il avait cherché à aller deux fois en Syrie et qu'il n'aurait jamais dû se retrouver libre comme il l'était, même sous un contrôle judiciaire qui ne l'a pas empêché de commettre l'horreur de l'assassinat de ce prêtre dans une église. Donc nous avons un dispositif législatif qui n'est pas encore suffisamment adapté."

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Plus d'une vingtaine de mesures ont été proposées par différents partis politiques depuis un an et demi, mais d'après François Grosdidier, d'essentiel est de revoir le mode de fonctionnement des services de renseignement:

"Nous avons une faiblesse au niveau du renseignement. Ça fait aussi un an, un an et demi que nous sommes un certain nombre à le dire. Il s'agit de recréer un renseignement territorial efficace, à créer de toutes pièces un renseignement pénitentiaire, à avoir un point de convergence de toutes les sources de renseignement, ce qui n'est pas encore le cas et d'avoir les moyens, à la fois législatifs et matériels, de bien davantage surveiller la Toile. On sait en fait que tous les comportements peuvent être détectés sur la Toile, à travers la Toile et il faut une observation beaucoup plus systématique de la Toile — c'est là où tout se passe même pour les terroristes les plus isolés, les plus spontanés."

L'extrême-droite insiste sur un grand nombre de changements dans la politique anti-terroriste depuis des mois, et après deux attentats en deux semaines en France, leur appel se fait très insistant. Robert Ménard, le maire de Béziers, proche du FN, est bien connu pour ses propositions anti-migrants; il a été l'un des premiers à proposer une version locale de la garde nationale, la "garde biterroise", proposition rejetée par la justice. Pour lui, l'efficacité de la garde nationale est évidente, mais ce n'est pas une solution dans la lutte contre le terrorisme et il propose des mesures extrêmes:

"Oui et non. Oui parce que ça me semble une évidence d'associer les Français à leur propre sécurité. Je vous rappelle que j'avais demandé à mon niveau, à ma ville, une garde municipale qu'on m'avait refusée. Je comprends que maintenant on le fasse, je l'entends, il fallait dire tout de suite. Aujourd'hui ce qui est impératif, c'est que toutes les personnes, tous les islamistes +fichés S+ comme on dit en France, c'est-à-dire qui sont surveillés par la police, doivent être mis en détention. Il faut les emprisonner. Si on n'a pas assez de place dans les prisons, on ouvre des camps de détention. D'autre part tous les gens, tous les étrangers qui ont commis des délits avec des actes de violence doivent être expulsés de France."

D'après Robert Ménard, ce ne sont pas seulement des problèmes internes qui sont la cause de cette crise aiguë, mais également la politique étrangère de la France:

"Il y a tout un tas de mesures à prendre. D'abord, pendant des années on a confondu, on a préféré faire la guerre au président syrien qu'à Daech, pardon de vous le dire, mais on s'est sacrément trompés. Ensuite, il y a des centaines de Français qui se battent avec les islamistes en Syrie — il faut leur interdire l'accès à la France, il faut pour ceux qui ont une double nationalité, les déchoir de la nationalité française et pour les autres leur dire: +vous avez trahi, vous êtes avec les ennemis de la France, alors vous y restez.+"

La garde nationale est un projet à long terme, comme le signalent les membres du PS, qui devrait rassembler le peuple français. Mais quel effet aura-t-il sur les services de renseignement, tant critiqués dernièrement? À suivre. (où à survivre).

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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