Communes et administrés se déchirent sur l’accueil des migrants

© REUTERS / Hannibal Hanschkemigrants
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«Monsieur le préfet, écoutez les élus et les habitants», scandent les habitants de Louveciennes. Comme dans cette commune des Yvelines, les mouvements de rejet face à l’implantation de centres d’accueil de migrants se multiplient, même si certaines communes les voient d’un bon œil. Tour d’horizon.

Manifestations, référendums… le refus des habitants de voir s'installer des centres d'accueil pour migrants prend de l'ampleur. En effet, tous n'acceptent pas le plan de répartition des migrants de la jungle de Calais ou des camps sauvages de Paris, décidé par Bernard Cazeneuve. Car pour le ministre de l'Intérieur, le démantèlement de la jungle de Calais passe par le saupoudrage des migrants un peu partout en France… et devant l'urgence, la concertation préalable est souvent passée à la trappe.

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Ainsi, dimanche 2 octobre, à Louveciennes, dans les Yvelines, plusieurs milliers d'habitants ont manifesté contre la construction d'un centre d'accueil sur une friche de 24 hectares. « Monsieur le préfet, écoutez les élus et les habitants » scandent les manifestants, rassemblés à l'initiative du maire Les Républicains de la commune, Pierre-François Viard. Arnaud Soyez, directeur de la production de TV liberté et Louveciennois en colère décrit le site envisagé :

« 24 hectares — pour cent personnes — qui ne sont absolument pas sécurisé, difficilement sécurisables, car le long de l'autoroute ».

Un espace réquisitionné par la Préfecture, à tout juste un kilomètre du centre-ville de cette commune de 7 000 habitants, située entre la forêt domaniale de la Malmaison et les jardins du château de Versailles… Mais si le maire a réussi sa mobilisation, c'est qu'elle répond aux angoisses des riverains, selon Arnaud Soyez :

« Une inquiétude de tous les habitants, à savoir de l'insécurité et puis une image ternie de la ville. Il suffit de voir à Calais, je crois que l'immobilier a baissé considérablement, donc pour les habitants de Louveciennes, leur maison c'est leur investissement principal ».

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Une situation qui est loin d'être isolée. La semaine dernière, c'étaient les habitants de Valfleury qui ont défrayé la chronique lorsqu'ils laissèrent éclater leur colère à l'annonce de la réquisition par le Préfet de la Loire d'un bâtiment en plein centre de ce bourg de 300 âmes — pour en faire un Centre d'Accueil et d'Orientation ( CAO ) capable d'accueillir une cinquantaine de migrants.

Pour tous cas habitants inquiets, ce n'est pas tant l'idée de participer à un « élan de solidarité » qui les rebute que les conditions dans lesquelles se déroule le « plan de répartition national » de Bernard Cazeneuve : dans un cas, il s'agit d'accueillir en plein cœur de leur commune une centaine de migrants principalement de la gent masculine. Dans l'autre, les autorités ont préempté une friche grande comme 34 terrains de football, tout cela pour accueillir seulement 100 personnes, alors qu'une telle superficie pourrait facilement en loger plusieurs milliers… d'où inquiétude quant à la suite des événements.

Mais tous ces administrés partagent surtout l'écœurement d'avoir été mis devant le fait accompli, comme à Allex où Gérard Crozier, maire sans étiquette d'une commune de 2 500 âmes, à découvert que le préfet avait purement et simplement réquisitionné…. Le château du village, le château de Pergaud, pour y installer une cinquantaine de migrants.

Face à la colère de nombre de riverains, un conseil municipal extraordinaire vote le 13 septembre à main levée la consultation, par voie référendaire, des administrés quant à ce projet. Une initiative qui n'a pas plu au préfet, lequel a déposé — comme le rappelle Gérard Crozier — « trois requêtes dont deux en urgence » devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a jugée illégal la tenue d'une telle consultation. Un « acharnement de la préfecture » dénonce l'élu.

Pourtant, peu après l'annonce du démantèlement du camp de sans-papiers de Calais, l'Agence France-Presse avait rendu publique le 17 septembre une lettre adressée aux maires par Bernard Cazeneuve et Emmanuelle Cosse — ministre du Logement et de l'Habitat durable, issue des rangs d'EELV.

Une lettre dans laquelle les deux ministres évoquaient certes le « cadre de solidarité nationale » dans lequel devait être conduit le « Le démantèlement définitif », mais où ils assuraient également que l'ouverture de centres d'accueil pour les migrants venus de Calais se ferait en concertation avec les élus et n'aboutirait pas à la dispersion de « mini-campements » : « Après un premier recensement technique des capacités potentielles d'accueil », les préfets « engageront naturellement une concertation avec les élus locaux ». Une phase qui manque donc souvent à l'appel.

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D'autres élus, concernés par la mesure ne s'opposent pas à « l'appel » du gouvernement : c'est le cas de Régine Ailhaud Blanc, Maire de Champtercier, en Provence, qui suite à la demande préfectorale a accepté de mettre à disposition le camp de vacances de la ville — visiblement pour sa « proximité de l'hôpital et des services » — le tout au nom d'une « démarche responsable, une démarche d'élu de la République, au nom du droit d'asile ».

A l'argument de la taille du village ( 820 habitants ) par rapport au nombre de migrants à accueillir ( une centaine ), l'édile répond qu'il faut voir plus large, invoquant " l'unité du territoire " et mettant en avant la proximité de Digne-les-Bains: « ces personnes-là vont être accueillies sur un bassin de vie et non pas sur un petit village » déclarait-elle au micro de la chaine locale D!CI TV. Pourtant, tous ses administrés ne semblent pas l'entendre de cette oreille et ont rebaptisé leur ville « Calais ».

A Decize, on est aussi en phase avec le plan d'implantation des migrants. Le maire PS Alain Lassus, témoigne:

« À Decize il y a une culture de la mixité, de la solidarité, de l'accueil. On a une tradition, c'est comme ça […] je vous l'ai dit, pour moi ce n'est pas l'objet d'une discussion, ça ne se discute pas, ça me parait normal ».

Pour lui, c'est une question de valeurs :

« On est tous des êtres humains, ces gens ont vécu des choses effroyables, il y a des époques où les Français ont vécu des choses effroyables et ont été contents d'être accueillis, je pense que pour ces gens c'est exactement pareil, c'est simplement pour nous un devoir ».

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Le maire souligne de plus un élan de solidarité vis-à-vis des Calaisiens et de leurs élus:

« C'est aussi un devoir par rapport aux élus et à la population de Calais, parce que lorsqu'on y réfléchi, je ne vois pas trop d'autres solutions que de répartir les gens qui sont à Calais et à Paris, dans différents endroits, de façon à régler très calmement leurs problèmes de papiers et après leur donner une destination ».

Reste à savoir si les premiers concernés, les migrants, souhaitent vraiment s'installer dans la Drôme ou les Yvelines, eux qui ont l'Angleterre en ligne de mire.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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