Alep, Grozny même combat ?

© REUTERS / ABDALRHMAN ISMAILAlep
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La presse s’est emparée de la comparaison entre les batailles de Grozny et d’Alep pour condamner cette dernière. Si les similitudes entre les tactiques employées dans les deux cas existent, cela ne suffit pas pour comprendre ce qui se déroule à Alep et ce qui se joue dans cette bataille terrible.

Je lis les titres parus depuis quelques jours sur la bataille d'Alep…

De Grozny à Alep, un même champ de ruines
Moscou fait-il à Alep en 2016 ce qu'il a commis à Grozny en 1999 ?
Et dans la presse anglophone, ça donne :
Putin Is Playing by Grozny Rules in Aleppo
Grozny rules in Aleppo

Grozny, Alep, Alep, Grozny… soit les journalistes manquent d'imagination, soit ils se sont passé le mot, soit on leur a passé le mot, soit la comparaison est tellement évidente qu'elle s'impose à tous. Il y a peut-être un peu de tout ça. Mais puisqu'on fait des comparaisons militaires, autant être précis.​

Il est certain que l'offensive de l'armée syrienne, appuyée par l'aviation russe, est d'une brutalité inouïe. Qu'il y a dans cette avancée méthodique des troupes au sol, précédées de bombardements massifs, une vraie volonté… de tuer tout le monde, comme l'affirment de nombreux confrères ? Je ne sais pas. Une volonté d'en finir avec cette poche de résistance d'Alep Est, d'atteindre les objectifs stratégiques qui sont de gagner la bataille des villes, ça, c'est certain.

Que la tactique employée soit similaire à la bataille de Grozny, c'est aussi évident. Si on parle de la seconde, bien sûr, celle de 1999-2000. Celle où les Russes ont tirés les leçons de la première, celle de 1995, où ils avaient alterné attaques au sol avec blindés et infanterie et phases de répit pour leurs ennemis avec des moratoires et des cessez-le-feu fréquents et qui avait coûté très cher en vies humaines, tant du côté militaire que du côté tchétchène —civils compris — par la prolongation des combats.

En 1999-2000, les Russes ont aussi déclaré avoir tiré les leçons de l'intervention de l'Otan au Kosovo et contre Belgrade. Durant cette opération, l'Otan a appliqué deux principes : attaquer autant que possible à distance, avec les bombardiers et l'artillerie et attaquer au sol massivement des points aussi précis que possible.

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Bref, c'est ce qui se passe à Alep Est, la réduction zone par zone de la résistance djihadiste avec une préparation de feu particulièrement. Que ceux-ci utilisent les civils et leurs infrastructures comme boucliers humains est une malheureuse évidence, d'autant que cela leur donne un avantage en termes de communication — donc un avantage stratégique — énorme, en mettant en avant hôpitaux bombardés et enfants tués pour discréditer les forces gouvernementales et leurs alliés avec le succès que l'on sait.

Que les troupes gouvernementales passent outre ces boucliers humains est une autre évidence tragique. Entre le maintien de poche de résistance dans lesquelles les djihadistes prennent en otage la population et leur élimination, quel qu'en soit le coût humain, le choix a été fait. Il est dramatique, mais guère plus que l'autre option.

Soulignons tout de même que l'armée syrienne a mis en place des corridors humanitaires par lesquels toute personne peut passer pour évacuer les combats. Il n'est fait aucune distinction entre civils et combattants, ceux-ci sont automatiquement amnistiés et peuvent même conserver leur armement individuel. S'ils ne sont pas plus fréquentés, c'est que les djihadistes empêchent les civils de sortir. Encore une fois, ils n'espèrent pas gagner la bataille militaire, mais celle de l'opinion. Et le martyr d'Alep Est et de ses habitants sert ce dessein.

En attaquant ce billet ce matin, j'avais en tête les tapis de bombes déversés par les B-52 américains au Vietnam, en Irak ou en Afghanistan et qui ne faisaient pas précisément le détail entre cibles civiles et militaires. J'avais en tête les munitions à uranium appauvri, utilisées massivement en Irak et au Kosovo, et dont les débris causent aujourd'hui encore des milliers de morts par cancer et une explosion des naissances de bébés malformés. J'avais en tête pas mal d'autres dégâts collatéraux dans pas mal d'autres conflits.

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Mais en fait, j'avais tort. Le problème n'est pas tant les horreurs de la guerre. La guerre est horrible quand on la fait pour de vrai, en Syrie comme au Vietnam, en Afghanistan, en Irak ou ailleurs.

Le risque d'un excès de compassion est de perdre de vue la nécessité de battre Daech, Al-Nosra et autres groupes aux noms plus ou moins exotiques, étiquettes interchangeables des mêmes combattants partageant la même idéologie totalitaire et mortifère. Si l'objectif est bien de débarrasser la région de ces djihadistes, qui tue là-bas et ici, il faut en assumer les conséquences, même quand elles sont horribles comme à Alep-Est.

Les Russes ont cette force de caractère. Nos pays dits « occidentaux » en semblent incapables. C'est cela aussi qui rend la position russe si inacceptable à nos yeux.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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