Au contraire et au vu de la rhétorique toujours en vigueur, la situation pour l'UE ne peut que s'empirer.
Maintenant il serait intéressant de répondre à cet article car je dois avouer que cette arrogance occidentale bien connue a reconfirmé une fois encore une chose évidente : l'Occident politico-médiatique se croit toujours en capacité de donner des leçons au monde entier, particulièrement aux peuples non-occidentaux qu'il considère clairement inférieurs. Cette approche est la même que ce soit envers la Russie, la Chine, la Syrie, l'Iran, la Turquie, les pays d'Afrique ou d'Amérique latine. Absolument la même. Et mêmes les humiliations subies plusieurs fois ces temps-ci semblent ne pas stopper nos « braves bien-pensants » occidentaux.
Deuxièmement pour répondre au fait que la Turquie dépendrait économiquement parlant soi-disant plus de l'UE que de la Russie. Tout d'abord et dans le cas des relations turco-russes, il ne s'agit pas de dépendance : ce sont des relations véritablement issues du concept gagnant-gagnant. Et les représentants du leadership turc ont raison de rappeler que les deux pays se complètent parfaitement. Maintenant parlons de la prétendue « dépendance turque » vis-à-vis de l'UE, et de notamment de l'Allemagne, pays de citoyenneté de l'auteur dudit article. Si l'Allemagne est effectivement la première destination des exportations turques qui s'élèvent à plus de 12 milliards de dollars, néanmoins l'Allemagne exporte en Turquie pour plus de 19 milliards. Par ailleurs et si on regarde le TOP 6 des principales destinations de l'export turc, on retrouve en plus de l'Allemagne l'Irak, l'Iran, le Royaume-Uni, les Emirats arabes unis et la Russie. Sur les 6 pays donc de ce classement, seuls 2 sont ouest-européens. Plus généralement il est admis que les trois principaux partenaires économiques de la Turquie sont l'Allemagne, la Russie et l'Iran. S'ajoute à cela la Chine qui est aujourd'hui également un partenaire économique de premier choix.
Par ailleurs, l'auteur allemand oublie également d'indiquer que depuis la signature à Istanbul le 10 octobre dernier de l'accord russo-turc sur le projet de gazoduc TurkStream allant de la Russie à la Turquie à travers la mer Noire, les deux pays sont passés alors à un niveau encore plus important de leur partenariat bilatéral. Ce projet renforce non seulement le rôle déjà très important de la Russie sur le marché gazier mais également celui de la Turquie. Et l'UE, grande consommatrice de gaz, ne peut se permettre de ne pas en tenir compte. Ajoutez à cela le fait que le marché russe est le plus important pour les entreprises turques du BTP, autre secteur fortement important pour l'économie de la Turquie. Tout comme le principal marché étranger d'écoulement des fruits et légumes frais, autre orientation commerciale turque importante. Et l'un des plus importants dans le domaine du textile et du prêt-à-porter. Enfin la Turquie qui est de loin la première destination de vacances à l'étranger pour les touristes russes. Des touristes russes qui sont deuxièmes en termes de nombre (de très peu derrière les Allemands) mais 3 fois plus dépensiers que les mêmes Allemands, faisant donc de la Russie de loin le marché touristique émetteur prioritaire pour la Turquie. Sans oublier que les leaders des deux pays se sont fixés l'objectif d'atteindre 100 milliards de dollars d'échanges d'ici 2020. Tout cela pour dire que le journaliste allemand peut clairement revoir son enthousiasme à la baisse : le partenariat économique de la Turquie avec la Russie, et plus généralement avec l'espace eurasiatique, est sur beaucoup de points plus important pour la première que ses relations avec l'UE.
Et même si en perspective l'Europe bruxelloise allait à imposer des sanctions économiques à la Turquie, l'UE serait la première à en payer les frais. Vraisemblablement la leçon des contre-sanctions russes n'a rien appris aux donneurs de leçons occidentaux. Soyons clairs : si l'UE imposait des sanctions contre la Turquie (7ème puissance économique européenne et 1ère du Moyen-Orient), c'est en premier lieu tout le business ouest-européen présent en Turquie (un marché de plus de 75 millions de consommateurs) qui criera sa révolte, comme ce fut le cas (et l'est toujours) en Russie. D'autre part, la Turquie pourra prendre exemple sur la Russie et imposer des contre-sanctions à l'Union européenne là où cela fera le plus mal aux intérêts de l'UE. Avec comme résultats des milliards de pertes pour l'économie bruxelloise, déjà pas au mieux ces temps-ci. Enfin, une telle approche exacerbera les sentiments anti-occidentaux au sein de la société turque et convaincra les indécis à suivre définitivement ceux qui en Turquie soutiennent l'idée de rejoindre l'axe Moscou-Téhéran. Et ils sont nombreux.
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