Résolution de l’UE contre les médias russes, de la «diabolisation»!

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Le parlement européen réuni en session plénière à Strasbourg a adopté une résolution appelant l’UE à prendre des mesures afin de limiter l’activité des médias russes en Europe. Ricardo Gutierrez, Secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes, commente ce texte.

Le parlement européen a voté ce mercredi 23 novembre une résolution appelant à limiter l'activité des médias russes en Europe. Ces derniers sont accusés de propager de fausses informations ayant pour but « d'affaiblir l'unité de l'Europe ». À ce titre, ils sont mis dans le meme sac que la propagande de Daech sur le net.

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​Outre l'action des médias tels que Sputnik et RT, le document accuse la Russie de subversion, via des financements supposés de partis politiques d'opposition et des organisations au sein des États membres de l'UE. Une sentence de l'organisme législatif de l'UE face à laquelle les agences incriminées n'ont pas eu leur mot à dire, comme le soulignait auprès de Sputnik Philippe Leruth, Président de la Fédération internationale des journalistes.

Ricardo Gutierrez, Secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes (FEJ) tient à préciser que son organisation n'a pas non plus été consultée avant la soumission de la résolution au vote. Une confédération qui rassemble pourtant quelque 68 associations et syndicats de journalistes dans 43 pays et qui représente 300 000 journalistes en Europe, dont 57 000 journalistes russes:

« D'abord j'ai été surpris parce qu'en tant que principale organisation représentative des journalistes en Europe, la Fédération européenne des journalistes n'a pas été consultée du tout par ce texte. Cela nous aurait permis de signaler aux auteurs quelques incohérences voir quelques erreurs dans leur rapport qui a été voté. »

Pour lui, le texte de la résolution « manque de cohérence, est confus et manque de nuance »:

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« On mélange allégrement les politiques de communication publique, l'information au citoyen et la propagande. Et au sein même de la propagande, on mélange allégrement ce qui peut être qualifié de propagande d'État et par ailleurs ce qui est de la propagande terroriste. Donc j'y vois vraiment un texte très incohérent, très confus, pas du tout concerté avec le secteur et en particulier les journalistes. »

Un texte, qui rappelle une autre époque à Ricardo Gutierrez. Il faut dire que l'auteur du texte, l'eurodéputé polonaise Anna Fotyga ne lésine pas sur les moyens qu'elle propose afin de mettre fin aux activités « subversives » des agences publiques de presse russes, comme de recourir au soutien des centres de communication de l'Otan.

« Je suis aussi gêné par une certaine diabolisation. Ce texte est pour moi typique d'un climat de guerre froide ou de nouvelle guerre froide, où l'on aurait d'un côté les bons médias, les bons journalistes et de l'autre côté les propagandistes. Évidemment, les choses sont beaucoup plus compliquées, beaucoup plus nuancées. »

Mais au-delà de cette perception manichéenne des témoins de l'actualité, le texte approuvé par l'Union européenne n'est-il pas en désaccord avec certaines valeurs prônées par l'Union, comme la liberté d'expression et le pluralisme? Si aucun média français mainstream n'a jugé bon de relayer l'événement, Ricardo Gutierrez tient à se montrer rassurant et minimise la portée de la resolution:

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« En termes de conséquences, d'abord c'est une résolution non législative, donc ça n'engage pas à grand-chose. Par ailleurs, ce qui me rassure, c'est que ce texte n'a été voté que par une minorité des parlementaires européens présents: 44 % l'on votée, donc 56 % soit se sont abstenus soit ont voté contre. Je vois aussi que de grands groupes comme le groupe libéral, le groupe socialiste ont largement pratiqué l'abstention, cela signifie donc qu'ils n'étaient pas du tout convaincus par l'intérêt de ce texte. »

304 députés ont voté en faveur et 179 contre, 208 se sont abstenus. Un texte qui ne fait pas l'unanimité au sein du parlement européen selon Ricardo Gutierrez:

« Ce texte ne traduit absolument pas une vision européenne du problème. On voit que c'est un texte controversé, on voit que ce sont des dispositions qui ont eu beaucoup de succès dans certains pays d'Europe et pas du tout dans d'autres, dans des grands pays notamment. »

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Pour Ricardo Gutierrez, il faut bien faire une distinction entre une « résolution politique défendue par une minorité des membres du parlement européen » et les politiques nationales, d'autant plus que comme il le souligne, ces groupes sont issus du courant europhobe:

« Je ne veux pas me montrer pessimiste, parce que je pense que ce texte est l'expression d'un courant de pensée particulier au sein du Parlement européen, ce texte est porté notamment par le courant europhobe, qui n'est pas forcément représenté au sein des gouvernements nationaux. »

Il éloigne ainsi les risques de voir des parlements nationaux emboîter le pas à leur grand frère européen:

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« Je ne vois pas de risques d'application directe de ce texte au niveau national avec des mesures de rétorsion précises, par exemple l'interruption de la diffusion de telle ou telle chaîne ou des blocages de sites Internet qui viseraient des médias russes. Si cela arrive, nous en tant que Fédération européenne des journalistes, qui sommes pour la liberté de la presse, évidement on sera les premiers à condamner de telles pratiques. »

Quoi qu'il en soit, ce jeudi 24 novembre, le ministère russe des Affaires étrangères a averti, par le biais de sa porte-parole Maria Zakharova, que si la résolution adoptée par le Parlement européen était suivie d'effets concrets, Moscou adopterait des contre-mesures appropriées. Quant aux agences de presse incriminées, elles étudient les recours juridiques possibles, notamment la possibilité de porter plainte devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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