La décision de ralentir la production qui y a été prise apparaît comme plus ferme et plus solide que les décision précédentes, justement parce qu'elle concerne et les pays de l'OPEP et les pays « Non-OPEP ». Les annonces qui ont été faites à l'issue de cette réunion par l'Arabie Saoudite confirment la volonté des pays producteurs de mettre fin à la situation de surproduction qui sévissait depuis maintenant plus d'un an.
Cette réunion apparait comme un succès diplomatique de première grandeur pour la Russie, qui a beaucoup œuvré depuis un an pour la constitution de ce front entre pays membres et pays non-membres de l'OPEP. Elle témoigne de l'influence, aujourd'hui grandissante, de la diplomatie russe. Le rouble s'est d'ailleurs immédiatement apprécié par rapport au dollar des Etats-Unis.
Le contexte d'un accord historique
Cette réunion a été l'occasion d'un accord, qualifié par certains d'historique, de réduction coordonnée des productions entre les pays de l'OPEP et les pays « Non-OPEP ». Mais, cette réunion a vu, de plus, un événement extraordinaire. L'Arabie saoudite a indiqué qu'elle était prête à réduire la production de pétrole plus que prévu, dans une annonce qui a pris par surprise les observateurs et ce quelques minutes après que la Russie et plusieurs autres pays de l'OPEP se soient engagés à réduire la production l'an prochain (1).
Ce pays s'est engagé depuis maintenant deux ans dans un bras de fer avec son voisin, l'Iran, et mène une guerre cruelle et sans merci au Yémen dans l'indifférence quais-totale de la presse occidentale, pourtant prompt à s'indigner. Il a voulu, par une politique de production à tout va déstabiliser l'Iran. Or, c'est lui qui a été déstabilisé. Les finances saoudiennes ne sont pas, et c'est un euphémisme, en bon état alors que l'Iran peut visiblement continuer de supporter des prix du baril inférieur à 50 $. Le ministre saoudien a déclaré qu'il était prêt à passer au-dessous du niveau psychologiquement significatif de 10 millions de barils de pétrole/jour, niveau qu'il a maintenu depuis mars 2015, selon les conditions du marché. M. Al-Falih a fait son annonce après que les pays non membres de l'OPEP ont convenu de réduire la production de 558 000 barils / jour, ce qui laisse supposer que l'Arabie Saoudite attendait l'accord avant de s'engager à de nouvelles réductions. L'OPEP avait convenu il y a deux semaines de réduire sa propre production de 1,2 millions de barils de pétrole/jour. La réduction non-OPEP est égale à la croissance anticipée de la demande l'année prochaine en Chine et en Inde, selon les données de l'Agence internationale de l'énergie.
Les limites de cet accord
Un succès diplomatique et économique pour la Russie
M. Al Falih, le ministre saoudien du pétrole et son homologue russe, M. Alexander Novak ont révélé qu'ils travaillaient depuis près d'un an sur l'accord, se réunissant à plusieurs reprises en secret. Voilà qui montre que cette réunion ne doit rien au hasard. Cette rencontre reflète bien l'influence acquise depuis maintenant plusieurs mois par la Russie qui, elle et elle seule, a les moyens de faire dialoguer des pays en conflits, comme l'Arabie Saoudite et l'Iran.
Elle traduit l'importance de la diplomatie russe, mais aussi ses nouvelles capacités, acquises par une intervention de plus plus forte au Moyen-Orient. Le rôle de la Russie en Syrie, que l'on constate par la reprise de la vile d'Alep par les forces gouvernementales, n'est pas étranger à ce poids de la diplomatie russe. De même, la Russie s'implante de plus en plus en Egypte, remplaçant ici les Etats-Unis. La vente par la société italienne ENI de 30% de ses parts dans le champ pétrolier off-shore de Shorouk à Rosneft en témoigne (2). La participation, certes symbolique, de militaires égyptiens aux combats aux côtés des forces gouvernementales syriennes est un autre exemple de l'influence de la Russie au Moyen-Orient.
"C'est vraiment un événement historique", a déclaré M. Novak, le ministre russe du pétrole. "C'est la première fois que de nombreux pays pétroliers de différentes parties du monde se sont rassemblés dans une pièce pour accomplir ce que nous avons fait". La Russie s'est donc engagée à réduire sa production de 300 000 barils par jour l'an prochain, ce qui représente une baisse sensible par rapport à son plus haut mois de trente dernières années, à 11,2 millions de barils de pétrole/jour. Le Mexique a accepté de réduire de 100 000 baril par jour, l'Azerbaïdjan de 35 000 baril par jour et celui d'Oman de 40 000 baril par jour. Dans un mouvement qui n'a pas été sans surprendre, le Kazakhstan a promis une réduction de 20.000 barils par jour. Il semble bien que ce dernier pays ait subi une forte pression diplomatique. La coupe kazakhe est particulièrement importante parce que la production de ces pays d'Asie centrale augmente rapidement après qu'une importante société pétrolière ait commencé à pomper en octobre. Ici aussi, il est clair que l'influence de la diplomatie russe a été, ici aussi, déterminante.
Au-delà, cet accord vient s'ajouter à l'annonce par un consortium composé par la société suisse Glencore et le fond souverain du Qatar de participer à la semi-privatisation de Rosneft, pour un montant de plus de 10 milliards de dollars. Cela témoigne de ce que la Russie est redevenue un pays avec lequel il faut compter sur le marché du pétrole et au-delà, dans les relations économiques internationales.
(1) http://www.worldoil.com/news/2016/12/10/saudis-signal-deeper-cuts-after-deal-with-non-opec-countries
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.