Fabien Niezgoda : « clarifier l’identité politique de l’écologisme »

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L’écologisme est absent de la campagne électorale. Mais le mouvement écologiste ne manque pas de ressources. Entretien.

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On croyait qu'elle était à la mode, qu'elle était « tendance ». L'écologie est omniprésente, elle est indéniablement l'une des grands sensibilités qui s'exprime aujourd'hui, alors que la France est engagée dans des crises, dans un tournant politique et culturel profond. Et pourtant, pourtant, l'écologie est l'une des grandes absentes de la campagne électorale, avec l'intelligence semble-t-il aussi… Bon, au-delà de cette ironie un peu facile, peut-être pourrions-nous saisir le sens de cette absence.

Pour nous aider dans cette petite entreprise, nous recevons un jeune auteur qui pense que « l'écologie est une pensée de la complexité » mais qui saura toutefois la rendre simple et accessible. Fabien Niezgoda est donc Professeur d'histoire, engagé au sein de la mouvance écologiste, du mouvement écologique indépendant, pour être plus précis, et il vient de publier Le sens de l'écologie politique (éditions Sang de la Terre, 2017). Cet ouvrage est un dialogue avec Antoine Waechter, le fondateur de votre mouvement.

Extraits :

« Il y a effectivement une absence [des écologistes] qui est une grande première depuis une quarantaine d'années. Depuis 1974, on a eu à chaque élection présidentielle un candidat écologiste, depuis René Dumont, avec des candidats qui ont pu incarner de façon plus ou moins satisfaisante cette sensibilité. On avait systématiquement des enjeux écologistes mis en avant dans la campagne. Cette fois-ci aucun candidat écologiste n'a été au bout de la quête des parrainages. On se rend compte que le pari fait par les écologistes au début des années 70 de venir porter eux-mêmes ces thèmes sur le terrain électoral était assez justifié puisqu'on entend assez parler des thèmes en question dans la campagne présidentielle. »

Au-delà de la droite et de la gauche

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« La vague populiste actuelle montre bien qu'il y a une possibilité de placer les clivages autrement. Sans nier l'existence d'une gauche et d'une droite, d'autres clivages comme ouverture/fermeture ou écologisme/productivisme, peuvent exister. Il n'y a pas de marginalité qui découlerait du refus de se positionner selon ce clivage. (…) On a voulu montrer que la philosophie politique qui sous-tend l'engagement des écologistes peut rejoindre parfois la gauche, parfois la droite, mais a fondamentalement une identité propre. (…) Les écologistes ont une certaine fibre sociale, une critique du capitalisme qui les rapproche de certains mouvements de gauche, et puis avec certaines tendances de la droite, ce serait une démarche conservatrice. (…) Cette dimension conservatrice est rejetée par une partie des écologistes français qui ont décidé de s'ancrer dans le camp du progrès, le camp de la gauche. En réalité, sur beaucoup d'aspect, l'écologie apparaît soucieuse de la conservation de certains équilibres fragiles. »

L'homme, centre du monde ?

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« [L'anthropocentrisme] est un aspect important de la pensée écologiste: la capacité qu'on devrait avoir de se décentrer — sans vouloir entrer dans un relativisme absolu. Il serait absurde de considérer l'homme comme une espèce identique aux autres, ne serait-ce que par le degré de conscience qu'il est capable d'atteindre ou l'emprise technologique dont il est capable sur son environnement. Il y a une différence essentielle entre l'espèce humaine et les autres. Mais [nous avançons] la critique d'une forme d'utilitarisme : ne pas considérer notre environnement comme un ensemble de ressources. L'homme doit être capable d'un certain retrait, d'une certaine absence, et de laisser à la vie sauvage un espace qui lui soit propre. »

Droit fondamental à l'enracinement

« Il peut difficilement y avoir un engagement écologiste sans amour pour le lieu qu'on habite, une forme d'empathie envers ce qui nous entoure. Cet attachement à l'enracinement ne passe pas seulement à des espèces particulières. C'est aussi toute la dimension culturelle : un paysage, c'est aussi la façon dont un clocher est emblématique, dont l'homme a façonné des lieux de culture. Il y a aussi cette dimension patrimoniale et culturelle. »

La maturation du mouvement écologiste

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« C'est possible, bien que l'écologie politique ait plus de quarante ans en France, que son inscription dans le paysage politique n'en soit encore qu'à ses débuts. De la même manière, le courant socialiste a émergé dans les années 1830-40, en raison de l'apparition de la question ouvrière. Mais de là à ce que les socialistes soient capables d'agir sur le terrain politique, il faut attendre un demi-siècle. Peut-être que l'écologie ne va réussir à percer et à imposer ses thèmes que quand le désastre ne sera aggravé. »

Une politique écologiste

« Pour être au cœur de ce qui fait la sensibilité écologiste, il serait plus emblématique de mettre en avant la sanctuarisation d'une partie du territoire. N'importe quel homme politique, socialiste ou libéral, serait prêt à mettre en place une politique de transition énergétique efficace, mais les seuls qui seraient capables de dire ‘on ne touche pas à une partie du territoire', ce seraient les écologistes. »

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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