Jacques Sapir : «Le souverainisme est en train de gagner la bataille»

© REUTERS / Gonzalo FuentesPeople walk past campaign posters of Marine Le Pen (L), French National Front (FN) political party leader, and Emmanuel Macron (R), head of the political movement En Marche! (Onwards!), two of the eleven candidates who run in the 2017 French presidential election in Paris, France, April 10, 2017
People walk past campaign posters of Marine Le Pen (L), French National Front (FN) political party leader, and Emmanuel Macron (R), head of the political movement En Marche! (Onwards!), two of the eleven candidates who run in the 2017 French presidential election in Paris, France, April 10, 2017 - Sputnik Afrique
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Emmanuel Macron semble sur le point de remporter l'élection. La souveraineté française est-elle la grande perdante de cette campagne? Pour Jacques Sapir, la souveraineté l'emporte culturellement.

Émancipation, enracinement, ce duel qui a traversé la modernité occidentale semble aujourd'hui explicite en France, à l'heure du second tour de la campagne présidentielle. La question de la mondialisation, de l'Union européenne, du protectionnisme s'invite dans les urnes, alors qu'Emmanuel Macron l'européiste se voit opposé à Marine Le Pen la souverainiste.

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Le souverainisme, en voilà un concept lointain, où se croisent pouvoir et autonomie. Un concept difficile à circonscrire, qui nous échappe bien souvent en théorie et qui, cette fois indéniablement, nous a échappé en pratique depuis au moins deux décennies, nous autres français.
La souveraineté nationale semble aujourd'hui échapper à la France, mais peut-être pourrions-nous au moins la saisir en pensée? Et pour ce faire, nous accueillons en studio un auteur, un professeur d'économie que nos auditeurs connaissent bien. Jacques Sapir, qui vient de publier un dialogue avec le théologien Bernard Bourdin, intitulé Souveraineté, Nation, Religion (Le Cerf, 2017).

Extraits :

« Il faut faire l'addition des voix qui se sont portées vers les candidats qui se sont réclamés à un degré ou un autre de la notion de souveraineté (…) il y a une réappropriation de l'histoire de la France, des symboles de la France chez Jean-Luc Mélenchon (…) si on fait le total de ces votes, on arrive à 47 % des votants. [Dans son discours à l'issue du premier tour,] Emmanuel Macron parle à deux reprises des patriotes. Cela n'a pas été un thème très présent de sa campagne. Il utilise les termes utilisés par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, ou Nicolas Dupont-Aignan. Cela me fait penser que, culturellement, le souverainisme est en train de gagner la bataille. Ca ne veut pas dire qu'il aura immédiatement des résultats d'un point de vue politique… »

La gauche et la souveraineté

« J'ai toujours considéré que ce qui définissait le fait d'être à gauche, c'était le respect de la démocratie. Pas seulement formelle, mais fondamentale: le principe de légitimité. Vous ne pouvez le fonder théoriquement qu'à partir du moment où vous faites référence à la notion de souveraineté. Je pourrais multiplier les exemples historiques. En 1789, la souveraineté populaire est quelque chose de tout à fait essentiel. Les premières guerres qu'a menées la première république sont des guerres contre l'envahisseur, où on affirme la souveraineté. Les paroles de la Marseillaise appellent à la levée en masse pour la défense des libertés du peuple français. C'est quand même quelque chose d'extrêmement important qui ne s'oppose à une certaine vision de l'internationalisme. Je voudrais vous rappeler Jean Jaurès, qui était confronté à la montée des nationalismes: ‘un peu d'internationalisme éloigne de la nation, beaucoup d'internationalisme y ramène'. Quand on est réellement conscient de ce que représente la Nation, on peut penser des formes de coopération entre les nations, qui sont au sens premier du terme, internationales. Une vision trop rapide de l'internationalisme aboutit plutôt à un ‘anationalisme': un ensemble indifférencié de populations… »

Souveraineté et multiculturalisme

« Il peut y avoir une pluralité de cultures dans un pays. Je suis moi-même de culture française, et en partie de culture russe. Il y a à l'évidence le fait qu'il puisse y avoir une pluralité des références culturelles. Mais il ne peut y avoir qu'une culture politique dans le pays. C'est ça qui est extrêmement important. Tout multiculturalisme s'il s'applique à la culture politique, va conduire à la fragmentation du peuple, à la sécession et va conduire à la guerre. Je suis contre le multiculturalisme au sens politique du terme. »

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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