La «nationalisation» de STX et les contradictions d’Emmanuel Macron

© AFP 2023 Jean-Sebastien EvrardEmmanuel Macron
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Le gouvernement vient de décider de « nationaliser » les chantiers navals STX . Cette démarche peut surprendre de la part d’un gouvernement qui, jusqu’à maintenant, s’était surtout fait remarquer par des positions inspirées par le libéralisme économique le plus pur. L’objectif affiché est de «défendre les intérêts stratégiques de la France».

Le gouvernement possédait jusqu'à présent 33,33% des actions. Cette détention était assortie d'un droit de préemption courant jusqu'au samedi 29 juillet. C'est ce droit que le gouvernement a décidé de faire jouer, à la suite de l'échec des négociations avec l'entreprise italienne, Fincantieri qui devait reprendre une partie du capital.

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L'exécutif a voulu négocier un schéma «à 50-50», équilibrant les intérêts français (l'État, l'ex-DCNS Naval Group, Bpi-France et les salariés) et italiens dans le tour de table des Chantiers de l'Atlantique, alors que le compromis initial donnait au camp italien 55 % des parts de STX France. Les causes du revirement du gouvernement français sont connues. Fincantieri est situé sur le même créneau que STX, dont il est le principal concurrent. Alors que le gouvernement présidé par M. Cazeneuve avait accepté que les italiens soient majoritaires, celui de M. Philippe, et bien entendu le Président de la République, ont fait leurs les craintes de nombreux responsables de STX que l'acheteur italien n'intervienne que pour s'assurer la maîtrise de certaines équipements de Saint-Nazaire et laisse péricliter la production sur le site. Or, le gouvernement italien a rejeté la proposition française, que ce soit par la voix du ministre du Développement économique M. Carlo Calenda, ou celle de son collègue du Trésor M. Pier Carlo Padoan.

C'est donc une décision importante. Mais il convient de la relativiser. Cette décision n'implique une dépense que de 80 millions d'euros. Dans le même temps, le gouvernement de M. Philippe se prépare à privatiser la société Aéroports de Paris, pour un montant estimé entre 2,7 et 7 milliards d'euros suivant les formules de privatisation. Or, ces aéroports (Charles de Gaulle et Orly) peuvent être considérés comme tout autant stratégiques que les chantiers STX. On voit ici que le concept d'entreprise « stratégique » peut avoir de multiples sens pour le gouvernement.

Par ailleurs, le gouvernement français annonce sa décision de reprendre les négociations avec la partie italienne pour aboutir à une sorte d'Airbus de la mer, et donc ne ferme pas la porte à un accord avec l'Italie. Mais, il n'est pas dit que l'analogie avec Airbus soit ici réellement pertinente.

Les contradictions du gouvernement

En fait, l'attitude du gouvernement français souligne cependant les contradictions du discours et de la politique de M. Emmanuel Macron. Il apparaît ainsi sans ligne directrice, disant une chose et en appliquant une autre.

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Il y a tout d'abord une contradiction évidente dans ce projet de constituer une « Airbus naval ». Rappelons que le précédent d'Airbus se basait sur une expérience de la coopération avec l'industrie aéronautique allemande de plus d'une dizaine d'années. Cette coopération avait porté sur l'avion de transport Transall, mais aussi sur la construction sous licence en Allemagne fédérale du prédécesseur du Transall (le Noratlas) et du Fouga Magister. Par ailleurs, au moment où fut négocié la constitution d'Airbus, un autre programme de coopération, autour de la fabrication de l'Alpha Jet, était en œuvre. Airbus fut donc, à l'origine, le fruit de ces nombreuses coopérations industrielles, où il était clair que la France jouait un rôle directeur. Nous ne sommes absolument pas dans ce type de situation avec la construction navale. L'analogie proclamée par le gouvernement ne repose sur rien. On se paye de mots.

Rappelons aussi que cette décision met en scène la souveraineté de la France, alors même que le Président ne cesse de chanter les louanges d'une Europe plus intégrée, ce qui passerait par de nouveaux abandons de souveraineté. On voit bien qu'il y a une dimension de communication, et même de propagande, dans cette décision. Et l'on peut voir se manifester ici une nouvelle fois la contradiction qui avait été celle de François Hollande quand il avait décrété l'état d'urgence en novembre 2015. Qu'il s'agisse de François Hollande ou d'Emmanuel Macron, nous sommes en présence de Présidents qui affirment leur volonté d'aller plus loin dans l'intégration européenne mais qui, face à une crise, réagissent dans le sens d'une réaffirmation de la souveraineté française. La contradiction est ici irrémédiable.

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Cette « nationalisation » de STX pourrait être l'occasion d'une prise de conscience et de la situation de l'industrie française, et de la nécessité d'un secteur public dans certains domaines. Mais, cela exige que le gouvernement se défasse de la chape idéologique du libéralisme mais aussi de l'européisme. Il est, à vrai dire, fort peu probable qu'il en aille ainsi. Cette « nationalisation » risque donc de n'être que poudre aux yeux.

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