Le dérapage de trop ?

© REUTERS / Pascal RossignolEmmanuel Macron
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Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République, vient de commettre un nouveau dérapage. Il vient, une nouvelle fois, d’insulter les Français, du moins ceux qui ne pensent pas comme lui. Dans les jardins de l’EFA à Athènes, le vendredi 8 septembre, il a réaffirmé la nécessité des réformes.

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Mais, il l'a fait avec des mots d'une violence inouïe: « Je serai d'une détermination absolue, je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes ». Que le Président dise qu'il ne cèdera rien, c'est son droit. C'est une manière de gouverner. Aux opposants d'en tirer toutes les conséquences. Mais, qu'il le fasse en décrivant ceux qui ne sont pas de son avis de « fainéants, (…) cyniques, (…) extrêmes», ne semble pas avoir de précédant dans la vie politique française depuis 1945. Cela constitue, à l'évidence, un dérapage. La violence verbale dont il a ainsi fait preuve appelle, et justifie par avance, d'autres violences. Au point que l'on se demande s'il a conscience de ce qu'il a dit.

Emmanuel Macron persévère…

Ce n'est pas, hélas, le premier dérapage de ce type dont Emmanuel Macron se rend coupable. Il avait commis un autre impair de la même veine depuis les jardins de l'ambassade de France à Bucarest à la fin du mois d'août, ajoutant à l'insulte le fait de la proférer sur un sol étranger. Pourtant, c'était le même Emmanuel Macron qui avait déclaré qu'il ne ferait aucun commentaire sur la politique française depuis l'étranger…

On l'a déjà dit, il est faux d'affirmer, que ce soit à Athènes ou à Bucarest, que les français se refusent aux réformes. Les français ont été soumis, et ont accepté, depuis ces vingt dernières années un nombre incalculable de réformes. Ce que les français refusent, c'est une réforme particulière, celle qui concerne le droit du travail. Or, cette réforme est justement hautement discutable comme il a été montré. On peut la considérer comme néanmoins nécessaire; mais il importe, alors, de respecter ceux qui ne pensent pas comme vous.

Et ceci d'autant plus quand on a été élu sur un quiproquo, avec un faible nombre de voix. Rappelons-le, Emmanuel Macron n'avait réuni sur son nom que 20,7 millions de voix au deuxième tour quand Jacques Chirac, quinze ans avant et dans un scénario politique identique, en avait réuni plus de 25 millions. Macron est un président par défaut.

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Or, Emmanuel Macron récidive. Il le fait au lendemain de son discours qui se voulait programmatique sur l'Europe et qui ne fut qu'étalage de platitudes. Il le fait dans des mots qui, cette fois, sont directement insultants et ce à un degré des plus extrêmes. Quand on considère l'effondrement qu'il subit dans les sondages depuis maintenant deux mois, c'est folie. Mais, « Bien que ce ne soit folie, il y a là de la méthode»(1).

La méthode de l'insulte?

Les insultes, employées pour désigner ses opposants ne sont pas nouvelles. Elles tendent à constituer une méthode pour Emmanuel Macron. Il en avait déjà usé, on l'a dit, que ce soit implicitement ou explicitement, lors de son discours à Bucarest. Il en avait usé, aussi, lors de la rentrée des classes, dans son voyage à Forbach. Emmanuel Macron y avait lancé, agacé, à un journaliste qui lui posait une question: «Les journalistes ont un problème. Ils s'intéressent trop à eux-mêmes et pas assez au pays. (…) Vous ne me parlez que des problèmes de communication et de problèmes de journalistes, vous ne me parlez pas de la France. » Pourtant, le Président de la République était en train de se faire filmer en train de déjeuner à la cantine avec des écoliers. Il était là, de manière évidente, et nul ne lui en aurait fait reproche, pour tourner des images et montrer son visage. En un mot: il était là pour « communiquer ». Il n'y a rien de plus normal à cela; mais il n'y a rien de plus normal, non plus, à ce qu'un journaliste lui pose alors une question sur sa communication. Ce qui apparaît bien comme anormal est la réponse du Président. Clément Viktorovitch, sur le site électronique du Point, remarque alors que plutôt de chercher à réfuter la position de ses contradicteurs, Emmanuel Macron s'emploie à disqualifier leur légitimité, à les présenter comme des adversaires. Et c'est bien de cela dont il a donné un nouvel exemple, et il faut bien dire un exemple hideux, lors de sa déclaration de vendredi 8 septembre à Athènes.

Réflexe d'enfant gâté ou réflexe de classe?

Habitude pour le moins, et sans doute méthode. Mais de quelle méthode s'agit-il?

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On pourrait lire ces débordements de la part du Président comme le témoignage de son exaspération devant une réalité qui lui résiste, qui lui échappe. Pour tout dire, ces mots terribles ne seraient que l'expression d'un homme qui a « pété les plombs ». La jeunesse du Président va dans ce sens, de même que la vie protégée qu'il a menée jusqu'à son élection. Être une « premier de la classe », quelqu'un que des puissants repèrent et protègent, travailler avec un autre Président — François Hollande — puis devenir Ministre, enfin trahir son protecteur mais non sans s'en être trouvé de nouveaux et enfin arriver aux sommets du pouvoir, tout cela ne prépare pas spécialement à l'adversité. Chris Bickerton, dans son articlel du 7 septembre dans le New York Times, dresse un portrait au vitriol d'Emmanuel Macron. Constatant son effondrement dans les sondages, il s'interroge si ce Président ne souffre pas d'une arrogance d'enfant gâté. Il y a beaucoup de vérité.

Pourtant il serait hasardeux d'attribuer cette « méthode » et ce comportement d'Emmanuel Macron, méthodes et comportement qui, n'en doutons pas, le rendront bien vite odieux aux Français, à une simple arrogance, à des traits personnels, même s'ils existent. Il y a derrière le sentiment de supériorité couplé avec celui d'avoir raison, d'incarner le « camp du bien » que l'on trouve largement répandu dans cette élite néo-libérale. Pace qu'elle se croit détentrice d'un savoir supérieur, parce qu'elle est persuadé que ce savoir se combine avec une bienveillance dont elle serait la seule à disposer, elle ne peut qu'éprouver du mépris pour ses adversaires.

En tout état de cause, cette méthode est inacceptable pour un Président. Elle est de nature à détruire complètement sa légitimité. Et, en ce cas, la légalité de son élection pèsera bien peu face à la légitime — elle — colère des Français.
Qu'il ne s'étonne pas, alors, de susciter la haine et la rage.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.


1. William Shakespeare, Hamlet (1601), Acte II, scène 2, Polonius

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