De nouveau une superpuissance? La Russie remporterait la guerre de l'information

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La Russie est mentionnée depuis le 19 juillet plus de dix fois à la Une du New York Times: «Trump et la Russie: un secret, trois théories». «Une espionne russe proposait du sexe contre du travail, selon les autorités». «La Russie attaque-t-elle les USA?». «Trump a fait une déclaration sur l'ingérence russe». Et ainsi de suite.

A titre de comparaison, la page principale du site de RIA Novosti ne mentionne que six fois les USA le même jour, et il s'agit essentiellement d'une revue de presse sur l'actualité de l'affaire autour de la prétendue ingérence russe dans la vie politique américaine.

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En d'autres termes, pour les médias américains, la Russie est aujourd'hui une force qui attaque, et un occupant dans l'espace informationnel. Les Russes sont partout, ils sont déjà là. La société américaine résiste de toutes ses forces à l'intrusion russe. Notre Président est-il un agent russe? Et autres réflexions du même genre.

De son côté, la société russe suit tout cela avec intérêt — ne lui manquent que les pop-corn sur les genoux pour assister au spectacle.

Mais comment tout cela est arrivé?

Car il y a une dizaine d'années, la situation médiatique des deux pays était complètement différente. Les titres des actualités russes en 2008 étaient consacrés à la participation des États-Unis aux négociations sur le problème iranien, au rôle des USA dans les plans géorgiens concernant l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, à l'influence de Washington sur les relations russo-ukrainiennes et au déroulement de la guerre des États-Unis en Irak.

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De leur côté, les médias américains mentionnaient rarement la Russie — et sans que cela apparaisse à la une — principalement dans le registre «ce qui se passe dans les recoins lointains de notre planète».

Il y a vingt ans, l'ordre du jour russe était tout aussi différent. Citons un article de 1999: «Les USA ont reçu une demande officielle de la Russie de lui fournir cette année une aide alimentaire supplémentaire, a déclaré le ministre de l'Agriculture Dan Glickman. Cette demande est analysée actuellement par les autorités américaines. La déclaration de Glickman souligne que la réaction du gouvernement américain à la demande d'aide alimentaire supplémentaire dépendra de la mise en œuvre du programme actuel de livraison de céréales et de produits américains en Russie.»

Il s'agit, en fait, d'une histoire typique sur le changement de la perception du monde dans deux États (un changement instantané à l'échelle historique, mais presque imperceptible pour ceux qui le vivent).

A la fin des années 1990, la Russie demandait un peu de nourriture aux USA, qui exigeaient en échange qu'elle ouvre son marché largement et sans broncher à leur poulet. La Russie n'était pas du tout considérée comme une force significative — ni aux USA, qui avait complètement fermé à l'époque les différentes «institutions d'étude de la Russie» jugées inutiles, ni en Russie-même. Le principal coup de force de Moscou dans les années 1990 fut la projection des forces aéroportées à Pristina (au final, le Kosovo s'est tout de même détaché en se débarrassant de la majeure partie de la population serbe). Et si la Russie vainquait les maîtres du monde quelque part, c'était seulement dans les films d'action agissant comme des substituts à «l'inconscient russe».

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Dix ans plus tard, à la fin des années 2000, la Russie était inquiète de l'activité des maîtres du monde à ses frontières, dans les anciennes républiques soviétiques, et certains s'attendaient, paniqués, à voir apparaître des bataillons punitifs balto-géorgiens avec des 4x4 et des M-16 dans la région de Pskov ou de Krasnodar. Le magazine Ogonek écrivait des articles exaltés sur l'armée géorgienne modernisée selon les normes de l'Otan et se préparant à une revanche contre les Abkhazes et les Ossètes du Sud.

Puis s'est déclarée la guerre du 8 août 2008. Honnêtement, elle a provoqué dans la conscience publique russe un choc bien plus profond qu'en Occident. Il s'est avéré tout à coup que l'image de la Russie écrasée, docile, «ancien empire» à l'armée délabrée, ne correspondait pas à la réalité.

A l'époque, les analystes occidentaux interprétaient les événements avec un mépris condescendant: à leurs yeux, la Russie nationaliste se vengeait de l'Occident, avant tout des USA, pour l'humiliation qu'elle avait subie dans les années 1990. Elle cherchait à rétablir son influence dans le Caucase, et surtout à «tracer une épaisse ligne rouge» qui ne devait pas être franchie par l'Otan. Et selon eux, il fallait percevoir les actions de Moscou comme la manifestation du «syndrome impérial».

Mais revenons à l'actualité. Aujourd'hui, les médias occidentaux constatent que par la visite de Trump, «Poutine a symboliquement fixé le statut de la Russie, qui est redevenue une superpuissance». Et pratiquement tout le monde estime que les USA ont cessé d'être les maîtres du monde.

Mais qu'est-ce qui a changé dans la perception qu'avait la Russie d'elle-même et du monde?

Selon certains, la Russie s'est effectivement débarrassée de son «syndrome impérial». Et au sens le plus large.

Premièrement, la conscience de masse russe (et la presse qui reflète ses humeurs) a simplement cessé de considérer la Russie comme le «frère aîné» par défaut responsable de tout ce qui se passait dans l'espace de l'ex-URSS. La pratique des années 1990, surnommée «des ressources contre des bisous», est oubliée à présent, et dans les relations avec les anciennes républiques socialistes la Russie actuelle est extrêmement pragmatique. Si la conscience de masse est préoccupée par quelque chose dans les États de l'ex-URSS, c'est par la situation des russophones. Pour des raisons évidentes, ces derniers sont toujours considérés par les Russes comme «étant des nôtres».

Deuxièmement, la Russie a pu voir en pratique qu'elle était capable de se protéger et de se nourrir, même seule. Et ce même si des garnisons de l'Otan se trouvaient le long de toutes ses frontières européennes et qu'elle n'importait plus de poulets américains (ni de fromage et de jambon européens).

Le fait est que dans sa conception classique, l'empire ne se définit pas tant par la domination que par la dépendance. L'empire s'inquiète constamment de savoir s'il contrôle les principaux accès à la mer et les itinéraires commerciaux, s'il reçoit des provinces conquises les ressources et la main d'œuvre désirées, et si des leaders locaux possédant quelque chose de vital ne s'insurgent pas contre lui.

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Pour se débarrasser de ces inquiétudes, il suffisait simplement à la Russie de survivre et de tenir le coup — il s'avère qu'elle disposait déjà du reste. C'est pourquoi elle n'a pas du tout besoin de contrôler (c'est-à-dire d'entretenir ou de réprimer) des «vassaux».

Pour faire court, la Russie n'a pas besoin d'être un empire: il lui suffit d'être une puissance. Ou, encore mieux, une superpuissance (c'est-à-dire une puissance qui non seulement peut se permettre une souveraineté, mais qui est également capable de défendre ses partenaires s'ils le demandent, comme le montre la campagne syrienne).

C'est pourquoi les citoyens russes observent avec un certain plaisir à quel point est secoué le dernier véritable empire, qui s'efforce de «devenir à nouveau grand» et souhaite faire tomber le fardeau impérial insupportable tout en préservant, dans la mesure du possible, tous les avantages impériaux correspondants. Et qui cherche désespérément les raisons de sa crise intérieure dans une «agression hybride» russe.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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