Les trois fautes d’Emmanuel Macron

© AP Photo / Christophe EnaEmmanuel Macron, center, flanked by his bodyguard, Alexandre Benalla, left, visits the Agriculture Fair in Paris, Wednesday, March 1, 2017
Emmanuel Macron, center, flanked by his bodyguard, Alexandre Benalla, left, visits the Agriculture Fair in Paris, Wednesday, March 1, 2017 - Sputnik Afrique
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Ce que l’on appelle l’affait Benalla a connu un nouvel épisode le 24 juillet, avec la première réaction en public d’Emmanuel Macron.

Mais, la déclaration faite le 24 juillet au soir par le Président de la République, est grave (1). Elle est grave d'un point de vue constitutionnel. Elle est grave d'un point de vue politique. Elle est grave d'un point de vue moral. Le Président de la République est le premier magistrat. Sa parole est un acte. Si sa parole menace la Constitution, la mine ou la dévalue, c'est très exactement comme s'il avait agi pour subvertir cette Constitution. Si sa parole menace l'ordre politique, c'est très exactement comme s'il avait agi contre cet ordre, comme s'il avait pris des mesures niant la souveraineté du peuple. Si sa parole n'est pas morale, alors de quel exemple pourrons-nous tirer les forces de moralité qui sont nécessaires à la vie politique?

Un acte contraire à la Constitution

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Emmanuel Macron a donc effectué une visite surprise à la réunion des élus de la majorité LREM organisée à la Maison de l'Amérique latine, réunion organisée pour la clôture de la session parlementaire, le mardi 24 juillet. Ce faisant, il a visiblement oublié que, dans la Constitution, il n'est pas chef de parti. La Président de la République doit représenter tous les français. Différents articles, sans intention d'exhaustivité, qui précisent son rôle de chef de l'Etat et non de chef de parti, qu'il s'agisse de l'article 5, de l'article 14, de l'article 16 ou de l'article 64 (2).

La fonction décrite, soit directement soit indirectement, par ces différents articles n'est pas compatible avec la fonction de chef de parti. Bien entendu, la pratique politique nous dit que le Président fait campagne en étant soutenu par un parti ou une alliance de partis. Mais, il est aussi de tradition qu'il abandonne toute position à l'intérieur d'un parti ou d'un mouvement, et qu'il s'abstienne de participer aux réunions du groupe parlementaire qui le soutient à l'Assemblée nationale. Cela participe du principe de séparation des pouvoirs. Quand ses prédécesseurs recevaient les « ténors » de leur majorité respective, que ce soit M. Sarkozy ou M. Hollande, ils le faisaient en privé. En venant dans cette réunion des députés LREM, réunion où la presse n'était certes pas invitée mais était en partie présente, Emmanuel Macron a consciemment et délibérément foulé aux pieds ce principe.

Une subversion de l'ordre politique

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Il a aggravé son cas en faisant une déclaration dans cette réunion qui a été immédiatement diffusée avec son accord (3). Il a ainsi dit, se référant au trouble et au scandale causé par l'affaire Benalla: « "S'ils cherchent un responsable, le seul responsable, c'est moi et moi seul. C'est moi qui ai fait confiance, c'est moi qui ai confirmé la sanction". Tout d'abord il s'est avancé un peu vite sur la « sanction » qui aurait été prononcée contre M. Benalla le 4 mai. Les auditions devant la commission d'enquête sénatoriale montrent que Benalla est resté actif du 4 au 18 mai, et que son salaire lui a été intégralement versé (4). Ces auditions montrent aussi que ses responsabilités ont été importantes (5), et qu'il a commis des faits de violence non pas une mais deux fois au moins (6). Mais, il y a nettement plus grave.

Cette manière de revendiquer la totalité de la responsabilité pourrait être considérée comme courageuse, si elle avait été faite devant l'ensemble des français. Mais, tel n'a pas été le cas. Emmanuel Macron a prononcé ces mots devant une assemblée de fidèles qui lui était entièrement acquise et ce alors que les français attendent de lui qu'il s'explique depuis le début de l'affaire. Or, jusqu'à présent, le Président n'a trouvé ni le temps ni le courage de venir s'expliquer devant les français. De plus, il a fait applaudir le nom d'Alexandre Benalla, un homme coupable de violences en réunion et mis en examen pour cela. Ce n'est donc pas un discours de Chef de l'Etat, c'est un discours de chef de clan, de chef mafieux, qui parade devant ses obligés.

L'histoire jugera. Mais, la manière de revendiquer toute la responsabilité, comme si le Président était la seule source d'autorité, est profondément choquante au regard des traditions politiques et de la pratique de la République. La phrase prononcée par Emmanuel Macron subvertit, tant dans la forme que dans le fond, de manière tant directe qu'indirecte, l'ordre politique républicain actuel en France.

Une faute morale

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En aparté à cette réunion, Emmanuel Macron aurait alors déclaré: « qu'ils viennent me chercher » (7). Mais, de qui parlait-il? Des parlementaires de la France Insoumise qui souhaitent qu'il témoigne devant la commission d'enquête? En réalité, on sait que ce n'est pas possible. Il suffit de regarder tant le texte de la Constitution que la pratique qui en a été faite. D'ailleurs, en vertu de l'article 67 de la Constitution, le Président de la République est irresponsable: « Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.

Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. »

La phrase d'Emmanuel Macron prend alors l'apparence d'une rodomontade, d'un défi sans risque. Ce n'est pas une attitude de Chef de l'Etat. Au mieux, c'est une attitude d'enfant en cours de récréation. On peut y voir le manque de sérieux qu'Emmanuel Macron porte tant à sa fonction qu'aux français. Quel que soit le bout par lequel on prend cette déclaration, elle apparaît bien comme une faute morale. Elle s'apparente aux mots qui furent prêtés à Marie-Antoinette: « ..s'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche ». On en connaît les suites.

Et si Emmanuel Macron devait être pris au mot, si les français se décidaient — dans un mouvement insurrectionnel ou révolutionnaire — à venir le chercher à l'Elysée, sa provocation aurait des conséquences véritablement incalculables. Après avoir subvertit l'ordre constitutionnel, après avoir subvertit l'ordre politique, son comportement nous conduirait aux portes de la guerre civile.


(1) https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/agression-d-un-manifestant-par-un-collaborateur-de-l-elysee/affaire-benalla-le-responsable-c-est-moi-declare-emmanuel-macron-face-a-la-majorite_2865345.html

(2) http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/pdf/conseil-constitutionnel-5074.pdf

(3) https://www.rtl.fr/actu/politique/qu-ils-viennent-me-chercher-de-qui-parle-emmanuel-macron-7794223998

(4) http://www.leparisien.fr/politique/benalla-a-finalement-touche-son-salaire-pendant-sa-suspension-25-07-2018-7833378.php

(5) http://www.europe1.fr/politique/alain-gibelin-persiste-signe-et-contredit-alexandre-benalla-3719993

(6) http://www.liberation.fr/france/2018/07/27/1er-mai-benalla-et-crase-impliques-dans-une-autre-interpellation_1669273

(7) https://www.rtl.fr/actu/politique/qu-ils-viennent-me-chercher-de-qui-parle-emmanuel-macron-7794223998

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