Élections européennes: paysage de ruines après la bataille

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Un succès mitigé pour le RN, un échec en demi-teinte pour LREM, une demi-surprise pour les écologistes et une opposition pour le reste atomisée, tant à droite qu’à gauche: tel est le paysage politique qui se dessine au lendemain des Européennes. Si les opposants à Macron veulent peser, il leur faudra opérer des révisions déchirantes.

Les élections européennes en France se sont déroulées sur des sujets essentiellement français. C’est le premier enseignement que l’on peut en tirer. Elles ont été un vote sur le bilan du Président.

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C’est ce qui explique que le chiffre de l’abstention ait été nettement moins élevé qu’en 2014. Si les classes populaires, mais aussi les jeunes, se sont assez largement abstenus, le taux de participation est remonté de presque 8 points par rapport au niveau exceptionnellement bas de 2014.

L’échec d’Emmanuel Macron

Ces élections ont vu le succès relatif du RN, qui bat la liste LREM-MODEM-Renaissance, conduite par Nathalie Loiseau. L’échec relatif de cette liste, en dépit du soutien actif du Président, est à relever. Emmanuel Macron s’était en effet engagé au-delà de toute décence, au vu de sa fonction, pour la liste LREM. Cet engagement, à bien des égards scandaleux, n’a donc pas évité l’échec. Il est donc personnel et va se ressentir dans la capacité du Président à relancer sa politique. Emmanuel Macron se retrouve sur la défensive et un peu plus discrédité, que ce soit au niveau national ou à l’échelle européenne.

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Le succès de la liste RN emmenée par Jordan Bardella est incontestable, mais ce n’est nullement un triomphe. Le RN peine à retrouver le score de 24% qu’il avait obtenu en 2014.

L’échec de la liste Loiseau est cependant à relativiser pour deux raisons: la première est le score, au-dessus des 22%, de la liste LREM. Ce n’est donc pas un effondrement.

La seconde raison c’est l’effondrement, par contre, de la liste LR emmenée par François-Xavier Bellamy. Avec légèrement plus de 8% et la quatrième place, la liste LR enregistre une véritable déroute, qui ne pourra que mettre en cause la direction exercée par Laurent Wauquiez sur Les Républicains. Cette déroute s’explique par la polarisation entre le RN et LREM qui s’est imposée dans les dernières semaines de la campagne.

Un certain nombre d’électeurs LR se sont portés sur ces deux listes, et sans doute plus sur celle de LREM que sur celle du RN. Ce n’est pas étonnant. Emmanuel Macron est devenu, à travers le mouvement des Gilets jaunes, le symbole du parti de l’ordre. Il était donc naturel qu’une partie de l’électorat de droite légitimiste, une partie des électeurs de François Fillon au 1er tour de la Présidentielle de 2017, se soit retrouvée parmi les électeurs qui ont voté pour la liste LREM.

Les conséquences de cette situation sont contradictoires. Emmanuel Macron a, assurément, limité les dégâts et peut crier victoire à court terme. Mais, son réservoir potentiel de voix s’est réduit et il a épuisé ses réserves à droite. Cela aura des conséquences sur les élections municipales à venir en 2020, car Les Républicains ne peuvent espérer remonter qu’en se situant désormais dans une opposition franche et assumée à Emmanuel Macron. Des listes communes apparaissent désormais moins probables au niveau municipal. Or, c’est à travers ces élections que se jouera ou se perdra la capacité de LREM à s’enraciner localement, ce qui est la condition de sa pérennisation et donc de la capacité d’Emmanuel Macron à se représenter en 2022.

Le succès d’EELV, l’échec de la France Insoumise

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Le succès d’EELV est incontestable. La liste d’EELV arrive en troisième position avec plus de 12% des suffrages. Mais il faut se souvenir que les élections européennes ont toujours été favorables aux formations écologiques. Le score de dimanche soir n’est d’ailleurs pas le plus élevé qui ait été atteint par les écologistes. De plus, ce score renvoie à l’autre surprise de ces élections: l’effondrement, il n’y a pas d’autre mot, de la liste de la France Insoumise, conduite par Manon Aubry, ainsi que le mauvais résultat enregistré par la liste du PCF emmené par Ian Brossat avec autour de 2,4%.

Pour la France Insoumise, le problème est plus grave. Avec à peine plus de 6,5%, à égalité avec la liste du PS-Place Publique, LFI enregistre une déroute, un désastre magistral. Les causes en sont connues. Tout comme en Espagne, où Podemos paye durement ses hésitations et son flou politique, la France insoumise a payé cash le changement de ligne qui s’est produit depuis la fin du printemps 2018, et qui s’est traduit par des manœuvres d’appareil indignes et l’exclusion ou le départ volontaire de ceux que l’on appelle les «souverainistes de gauche».

L’abandon de la ligne de «rassemblement du peuple», qui avait porté Jean-Luc Mélenchon à près de 20% lors du 1er tour de l’élection présidentielle de 2017, est la cause de cet effondrement. La déclaration de Jean-Luc Mélenchon le dimanche 26 au soir, où l’on pouvait entendre dans un phrasé hésitant, et sous un vocabulaire se voulant gaullien, l’extrême désarroi du chef de fait des Insoumis en témoigne. La France Insoumise ne pourra faire l’économie d’une autocritique de fond, impliquant tant un réajustement de la ligne politique –qui devrait revenir aux positions du printemps 2017– que celui d’une forme d’institutionnalisation démocratique, avec des structures au fonctionnement clair et transparent.

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Le problème principal est bien celui de la ligne politique. D’aucuns, qui ne rêvent que de ramener la FI vers des positions stériles d’union des gauches, l’ont bien compris. On a pu le voir au cours de la soirée postélectorale. Mais la question de la démocratie interne et de la transparence a aussi eu son rôle dans cet échec. LFI n’a pas donné d’elle-même le meilleur des visages ces neuf derniers mois. Il est cependant à craindre que la victoire du RN entraîne certains des cadres dans une logique d’antifascisme d’opérette et de pacotille, alors que la logique consisterait à contester l’emprise du RN sur les masses populaires en répondant à leurs aspirations et en renouant avec le thème de la souveraineté.

Souverainistes, le prix de la division

Il faut examiner l’échec des différentes formations se réclamant aussi de la souveraineté. Elles payent toutes leur manque de maturité politique. Le parti de Nicolas Dupont-Aignan, DLF, face à la chute spectaculaire de la liste LR, aurait dû normalement progresser. Or, il recule par rapport à son score du 1er tour de l’élection présidentielle. Une analyse sérieuse de la stratégie, mais aussi du style de direction, s’impose comme condition de la survie même de ce parti.

Ceci est vrai aussi pour l’UPR et Les Patriotes. L’UPR ne dépasse les 1% que de peu, et Les Patriotes sont à 0,7%. Pourtant, leur exposition médiatique a été supérieure à celle du Parti animaliste, qui a fait autour de 2,4%. Il est plus que temps qu’un terme soit mis aux exclusives, au comportement sectaire des uns et des autres. L’existence d’autant de micropartis ne se justifie pas et les condamne à végéter, comme c’est actuellement le cas. La question d’une fusion entre DLF, l’UPR et Les Patriotes se pose et elle est d’autant plus importante que l’échec de la stratégie de DLF, qui avait modéré ses positions quant à l’UE dans l’espoir de grignoter des morceaux des Républicains, est patent. La légitimité de l’existence de ces trois partis est directement posée après les élections européennes du 26 mai. Et quand on se réclame du gaullisme et de la souveraineté, on devrait accorder une certaine importance à la question de la légitimité.

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Une opposition en miettes?

Il n’en reste pas moins que, fors le RN, l’opposition à Emmanuel Macron est en miettes. La force de ce dernier vient de la faiblesse de ses adversaires. Ils ne peuvent espérer refonder leur légitimité et construire les conditions de leur unité qu’au travers des comités pour le recueil des 4,7 millions de voix qui sont nécessaires pour que le référendum sur la privatisation d’ADP ait lieu. L’engagement dans cette campagne sans calcul d’appareil et sans exclusive sera donc le test dans les semaines qui viennent pour savoir si une opposition à Emmanuel Macron est capable de se reconstituer, de rebondir et de travailler ensemble, ce qui sera la clé de son succès.

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