Cours d'Anti-néolibéralisme
Avec l’aide de l’économiste Omar Aktouf, professeur titulaire à HEC Montréal et membre du conseil scientifique d’ATTAC Québec, Sputnik entame une série d’émissions dans le but d’expliquer les fondements de ce néolibéralisme qui génèrent les crises répétitives.

La Révolution industrielle du XVIIIe siècle a organisé l’exploitation du travail des femmes et des enfants

© Sputnik . Par Omar AktoufLe professeur Omar Aktouf
Le professeur Omar Aktouf - Sputnik Afrique, 1920, 19.07.2021
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Dans le cadre du quatrième cours d’«Anti-néolibéralisme», le professeur Omar Aktouf propose à Sputnik de questionner la Révolution industrielle du XVIIIe siècle telle qu’elle est enseignée dans l’histoire économique, et les faits sociologiques qu’elle a produits, notamment en matière de justice sociale et de travail des femmes et des enfants.

Dans les années 1760, l’Angleterre, pays berceau de la Révolution industrielle, était encore une société préindustrielle avec une économie à dominante agricole et rurale. Le visage du pays commençait à changer avec l’apparition du métier de tissage qui allait faire basculer l’agriculture productrice de céréales vers celle basée sur l’élevage de moutons générateurs de laine.

Dans cette nouvelle économie naissante, le drapier a eu un rôle central dans le mouvement de développement de la manufacture du tissage. En effet, afin de satisfaire la demande grandissante, il fallait tisser vite et à grande échelle, tout en ayant en amont assez de fil de laine ou, plus tard, de coton.

Quels sont les premiers jalons de la transformation de l’économie anglaise au début du XVIIIe? Comment s’est effectuée la transition de l’économie agricole et rurale vers l’industrie et la manufacture? Quelles sont les inventions clés ayant accéléré ce mouvement? Comment les couches ouvrières ont-elles vécu cette transformation? La Révolution industrielle a-t-elle amélioré leur niveau de vie ou a-t-elle, au contraire, provoqué leur pauvreté?

Dans ce quatrième cours d’«Anti-néolibéralisme», Omar Aktouf, professeur titulaire à HEC Montréal et membre du conseil scientifique d’ATTAC Québec, estime auprès de Sputnik que «l’élevage de moutons et le tissage, qui a été développé au début à domicile par les paysans, améliorant leur niveau vie, avaient été quelques années plus tard récupérés et contrôlés par les marchands détenteurs de capitaux. Ces derniers ont surexploité les paysans, les réduisant à la pauvreté extrême».

L’exploitation des femmes et des enfants, une pratique bien ancienne

Durant ses premières années au début du XVIIIe siècle, la Révolution industrielle a intégré aux premiers rangs les femmes et les enfants en leur faisant assumer un rôle auquel ils n’étaient pas associés auparavant, explique le Pr Aktouf.

En effet, selon lui, les patrons et les gouvernements ont trouvé normal d’employer des femmes et des enfants «dans l'appareil de production qui était en cours de développement». Et d’informer que «si les manufacturiers préféraient faire travailler des enfants, c’est parce qu’ils présentaient plusieurs avantages, dont l'infériorité du salaire et la docilité dont ils faisaient preuve malgré les règles abusives de la discipline, contre lesquelles les hommes protestent trop souvent».

Dans ces conditions «horribles» de travail durant des heures interminables, la santé des femmes et des enfants se dégradait rapidement, notamment en raison de la malnutrition et des positions qu'ils devaient prendre pendant le travail, ce qui leur provoquait des déformations physiques, explique-t-il, faisant référence aux écrits de Friedrich Engels sur la naissance et le développement de la manufacture à Manchester.

L’arrivée de la machine hydraulique puis à vapeur

Avec l’augmentation de la demande et dans le souci d’y faire face, John Kay, employé d’un drapier à Manchester inventa en 1733 la «navette volante» considérée comme le début de la Révolution industrielle. Cette machine a permis d’augmenter sensiblement la croissance économique de l'Angleterre et la naissance des premières usines dans l'industrie textile.

Cette nouvelle dynamique dans la production à grande échelle a mis les industriels du filage qui se trouvent amont du tissage dans de grandes difficultés à satisfaire la demande croissante en fil. C’est ainsi qu’une autre invention allait permettre de régler ce problème.

Pour M.Aktouf, cette machine à tisser automatique, plus connue sous le nom de «stocking frame» puis «water frame», est constituée d’un métier à filer hydraulique qui simplifie le travail du textile en remplaçant l’action des mains par celle de cylindres en métal. À ce titre, il affirme que «l’inventeur de cette machine est l’ingénieur Thomas Highs et non pas Richard Arkwright qui a usurpé cette invention et déposé le premier brevet en 1769».

Dans le même sens, afin d’augmenter la densité du travail accompli en rehaussant la force motrice des machines à tisser, Richard Arkwright fit appel en 1777 au prototype de la machine à vapeur mise au point huit ans plus tôt par un mécanicien écossais également inspiré, James Watt (les débuts de développement de la machine à vapeur remontent notamment aux travaux de Denis Papin et G.W.Leibiz vers la fin du XVIIe siècle). Selon l’interlocuteur de Sputnik, il y a lieu de distinguer ce qu’il s’est passé en ces années-là de l’introduction de la machine-outil et des robots en Allemagne et au Japon qui sont venus en complément au travail humain et non en concurrents, donc destructeurs de l’emploi.

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