Les Russes n'ont pas de notion commune de la liberté et de l'ordre

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Quand un institut de sondage veut prendre le pouls des mœurs politiques dans un pays, il demande généralement quelle est la priorité de la population entre "la liberté" et "l’ordre".

Quand un institut de sondage veut prendre le pouls des mœurs politiques dans un pays, il demande généralement quelle est la priorité de la population entre  "la liberté" et  "l’ordre". Si les personnes interrogées pensent que le premier est plus important que le second, ils sont considérés comme libéraux. Dans le cas inverse, on les qualifie de conservateurs, écrit lundi le quotidien Vedomosti.

Le sondage "Eurobaromètre de la Russie", réalisé par le Centre d'études sociologiques de l'Académie russe d'économie et de la fonction publique (RANHiGS), a tenté d'évaluer à quel point le libéralisme et le conservatisme sont répandus en Russie. L’étude vise également à identifier les facteurs qui influent sur les mœurs politiques. Il s'est finalement avéré impossible de parler en Russie d'un plan commun de valeurs et d'idées politiques : les personnes interrogées ont du mal à interpréter les termes "liberté" et "ordre".

63% des personnes interrogées ont répondu que l'ordre était plus important que la liberté ; 18%, soit trois fois moins, pensent que la liberté est plus importante que l'ordre. 19% ont hésité à répondre.

Le sondage a permis de découvrir que les affinités libérales ou conservatrices ne dépendent pas du sexe de l'individu : la répartition homme-femme est proche, même si les femmes sont légèrement plus nombreuses dans le camp des conservateurs (55%). Les opinions politiques ne dépendent pas non plus de l'âge.

De plus, les libéraux et les conservateurs ne se distinguent pas sur d'autres caractéristiques sociodémographiques – le niveau d'études ou de revenus n'a pas d'impact sur les valeurs politiques de la majorité des personnes interrogées.

A première vue, la situation est paradoxale : le conservatisme ou le libéralisme sont des facteurs aléatoires. Ils ne sont pas associés au comportement de l'individu ni à son statut social.

Comment peut-on l'expliquer ?

Le fait est que les libéraux et les conservateurs ont une interprétation différente de la liberté. C’est ce qu’a démontré l'analyse sémantique des réponses : il a été demandé de dire trois termes associés à la notion de la liberté. L'analyse sémantique a mis en évidence une divergence fondamentale entre les libéraux et les conservateurs. Pour le premier groupe la liberté est avant tout la "nature", la "maison et le repos", la "liberté de circulation" et la "liberté de vie". En d'autres termes, pour les libéraux, la liberté n'est pas une notion politique.

Mais c'est différent en ce qui concerne les conservateurs. Dans ce groupe cohabitent à la fois deux images complètement contradictoires de la liberté. D'une part, on y associe le plus souvent les émeutes et la criminalité (16%), la permissivité (2%). D'autre part, l'égalité et la fraternité (7%), la liberté d'expression (6%) et la liberté de choix (5%).

Il est à noter que cette image positive est propre à la génération plus ancienne – les gens qui ont vécu la majeure partie de leur vie en URSS où la notion de la liberté renvoyait à la Révolution française et partait du contraire : l'absence de liberté d'expression et de choix. La seconde image, négative, est partagée par les représentants de la génération moyenne, qui a majoritairement vécu en période postsoviétique. Ils associent la liberté aux désordres ou à la criminalité et la permissivité.

On constate que les conservateurs ont une vision plus "colorée" politiquement du terme "liberté". De cette manière, en choisissant entre la liberté et l'ordre, les deux groupes interprétaient différemment les alternatives proposées. Une préférence pour l'ordre (ou la liberté) s'avère enracinée dans les connotations sémantiques et non pas les valeurs politiques ou les stratégies de comportement.

Ceux qui associent la liberté à des notions politiques (aussi bien positives que négatives) lui préfèrent l'ordre. A l'inverse, les gens qui ne donnent pas de connotations politiques au terme "liberté" estiment qu'elle prime sur l'ordre.

Les résultats du sondage montrent qu'on ne peut pas parler de l'engagement des Russes pour les valeurs du libéralisme ou du conservatisme dans le sens présenté par les chercheurs occidentaux. Dans le cas présent, la sphère de valeurs politiques s'avère très floue. Les dichotomies de base s'effacent en raison de l'absence d'un contexte sémantique commun, partagé par tous les groupes de la population.

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