Sortir les vieux coucous du garage, le nouvelle stratégie des USA

© AP Photo / Matt YorkDavis-Monthan Air Force Base
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L'armée de l'air américaine remet en service des avions inutilisés et obsolètes depuis longtemps. Les anciens modèles ne peuvent pas concurrencer les avions modernes mais là n'est pas le plus important: c'est le type de missiles qu'ils sont capables d'embarquer qui importe.

A ce petit jeu, les USA pourraient ainsi reprendre l'ascendant stratégique sur la Russie.

En octobre, l'aviation stratégique américaine a mis en service un nouveau bombardier… fabriqué il y a 55 ans et remisé pendant de longues années au cimetière d'avions de la base aérienne de Davis-Monthan dans l'Arizona.

© Flickr / Stuart RankinLe cimetière d'avions de la base aérienne de Davis-Monthan dans l'Arizona
Le cimetière d'avions de la base aérienne de Davis-Monthan dans l'Arizona - Sputnik Afrique
Le cimetière d'avions de la base aérienne de Davis-Monthan dans l'Arizona

Le bombardier stratégique B-52 Ghost Rider a été remis en service pour compenser la perte de plusieurs appareils de cette classe ces huit dernières années. Le B-52, âgé de 55 ans, est le plus jeune parmi ses confrères dont la production a été arrêtée il y a 54 ans, en 1962. Ces vétérans constituent à ce jour le noyau de l'aviation stratégique américaine et, d'après les plans, ils devraient voler (après modernisation) jusqu'en 2040, quand le plus jeune d'entre eux aura 78 ans. A l'heure actuelle, près de 10% des B-52 utilisés par l'armée de l'air américaine ont été produits plus tôt (76 sur 744).

Une durée de service aussi longue n'est pas rare et plusieurs avions en service dans le monde sont des contemporains du B-52 (à quelques années près). Parmi eux: le Tu-95 russe, le bombardier tactique britannique English Electric Canberra, le ravitailleur Boeing KC-135 Stratotanker, le patrouilleur naval Lockheed P-3 Orion et l'avion de reconnaissance Lockheed U-2. Tous, à l'exception du Canberra britannique mis en service en 1951 et définitivement retiré seulement en 2006, continuent de voler. C'est pourquoi la principale intrigue autour du Ghost Rider ne concerne pas son âge mais de savoir où et comment il attendait son retour au sein de l'armée de l'air.

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Le bombardier était stocké à la base aérienne de Davis-Monthan, où est implanté le 309e groupe de maintenance aéronautique et de régénération — AMARG. Derrière ce nom se cache le plus grand dépôt d'avions du monde: on y dénombre actuelle 4 400 appareils dont des avions, des hélicoptères et des dirigeables. Par ailleurs, ses 11 000 m² possèdent un nom plus « romantique »: le « cimetière d'avions ».

Toutefois, cette appellation n'est pas très exacte vis-à-vis d'AMARG. Les pensionnaires de ce genre de cimetières y restent généralement pour toujours, ce qu'on ne peut pas dire des appareils stationnés à Davis-Monthan: certains d'entre eux y sont envoyés pour un stockage à long terme, d'autres sont démontés ou, au contraire, passent peu de temps à la base avant de revenir dans les rangs, ou encore sont vendus aux acheteurs étrangers, généralement des alliés des américains. L'entretien d'un tel dépôt est une affaire très onéreuse. Chaque dollar versé par le gouvernement américain pour l'entretien d'AMARG fait économiser au budget fédéral 11 dollars grâce à l'obtention de pièces du cimetière et à la vente d'avions inutiles.

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Davis-Monthan offre des conditions optimales pour stocker du matériel aéronautique: le climat est sec et le sol argileux solide n'a pas besoin d'un revêtement spécial pour déplacer les appareils. De plus, les engins stationnés subissent une conservation spéciale. On démantèle l'armement, les sièges éjectables et le matériel secret, tous les liquides sont purgés et les circuits sont huilés. Puis l'appareil est recouvert d'un spray polymère spécial qui protège l'avion contre l'impact solaire et atmosphérique et maintient des températures admissibles dans l'habitacle.

AMARG se trouve sur un terrain protégé auquel il est impossible d'accéder sans laissez-passer ou autorisation spéciale. Cependant, l'inaccessibilité du cimetière d'avions est relative: quand les chasseurs F-14 Tomcat ont été retirés du service, ils ont été envoyés à AMARG. 165 avions ont atterri dans l'Arizona (au total 633 F-14 ont été fabriqués), mais ils ont été rapidement envoyés au recyclage pour empêcher l'éventualité que les Iraniens mettent la main sur un élément de l'avion, sachant que Téhéran exploite jusqu'à ce jour les Tomcat reçus avant la Révolution islamique de 1979. Téhéran avait acquis à l'époque près de 80 F-14.

© Flickr / John CreaseyLe cimetière d'avions de la base aérienne de Davis-Monthan dans l'Arizona
Le cimetière d'avions de la base aérienne de Davis-Monthan dans l'Arizona - Sputnik Afrique
Le cimetière d'avions de la base aérienne de Davis-Monthan dans l'Arizona

Toutefois, la fourniture de pièces de rechange n'est pas le rôle principal d'AMARG. Davis-Monthan représente une réserve stratégique de l'aviation américaine, aussi bien militaire que civile. Sur ce champ de l'Arizona se trouvent des centaines d'avions de ligne qui ont fait leur temps qui peuvent, si besoin, décoller à nouveau. De cette manière, l'Amérique s'assure la présence de capacités potentielles en termes de transport aérien qui dépassent largement l'actif actuel de l'aviation de transport militaire américaine.

Un accent est mis, évidemment, sur les avions de combat. Par exemple, les chasseurs F-15 et F-16 stationnés à AMARG sont conservés de manière à pouvoir être opérationnels en seulement 72 heures si nécessaire.

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Les États-Unis disposent d'une réserve de transport naval similaire sous la forme de la Flotte de la défense nationale de réserve (NDRF). Elle représente des centaines de navires de transport retirés du service et stationnés côte à côte dans les eaux américaines (il y a également des navires militaires, mais en nombre réduit). Si besoin, ils peuvent redevenir opérationnels en 20 à 120 jours.

Il y a une vingtaine d'années, l'existence d'AMARG en tant que réserve de l'aviation de combat aurait pu surprendre. En effet, quels étaient les chances des anciens Phantom datant de la guerre du Vietnam de survivre dans un affrontement avec les chasseurs Sukhoï très manœuvrables et dotés des armes très sophistiquées? Or Davis-Monthan compte des avions encore plus anciens. Mais une telle vision de la situation est un écho de la doctrine militaire exprimée par la formule: « la bombe ne sert à rien sans un avion à la hauteur ». Et c'est conformément à ce principe qu'on mettait l'accent sur l'accroissement maximal des capacités opérationnelles du porteur.

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Mais les temps ont changé et désormais, les missiles sont devenus si intelligents qu'ils n'ont plus besoin d'un vecteur ultramoderne pour arriver jusqu'à leur cible. Il suffit de rappeler que l'armée de l'air américaine étudiait la possibilité d'utiliser le B-52 en tant que chasseur et que la même idée avait été avancée par la Russie concernant le Tu-160. La tendance « l'avion est un porteur passif du missile sur un théâtre d'opérations » représente l'avenir, car dans la compétition technologique à long terme « missile VS avion » l'appareil perdra de toute manière, car la principale composante de la défense antimissile de l'appareil habité — sa haute manœuvrabilité — est limitée par les capacités de l'homme, tandis qu'un missile n'a pas de telle limite.

Mais alors pourquoi les États-Unis gaspillent-ils des forces et des moyens pour créer des chasseurs d'assaut et des bombardiers de nouvelle génération comme le F-35 ou le LRS-B quand il est possible de « minimiser les frais » en accrochant sous les ailes des chasseurs et des bombardiers obsolètes des missiles modernes? Deux réponses possibles. Premièrement, même si les missiles deviennent plus intelligents et gagnent en portée, ce processus n'avance pas suffisamment vite pour pouvoir contrer dans un avenir prévisible les chasseurs modernes d'un ennemi potentiel ou percer sa défense antiaérienne. Deuxièmement, dans le cadre de l'industrie militaire américaine il existe une concurrence tacite pour une part du budget de défense entre les fabricants d'armement et les producteurs de leurs vecteurs habités.

On ignore encore l'issue de cette compétition, et c'est pourquoi les USA développent les deux domaines pour renforcer leur puissance aérienne. Entre ceux qui fabriquent les armes et les avions, un compromis est possible sous la forme de la conception et de la mise en service de drones de type Boeing Phantom Ray. Quoi qu'il en soit les ennemis potentiels, en évaluant l'équilibre des forces offensives aériennes entre eux et l'Amérique, devront donc tenir compte non seulement des F-35, B-2 et autres LRS-B, mais également des appareils obsolètes qui prennent actuellement le soleil dans l'Arizona sur la base aérienne de Davis-Monthan.

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