Qui est vraiment le terroriste Carlos?

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La justice française a condamné mardi Ilich Ramírez Sánchez, plus connu comme « Carlos » ou « Le Chacal », à une troisième peine de prison à perpétuité. La biographie de celui qu'on surnomme le « terroriste numéro un » du XXe siècle est remplie d'incroyables scénarios, de cruautés inimaginables et de théories globales du complot.

Mais qui est-il vraiment? Un fanatique communiste impitoyable? Un terroriste de génie? Un simple pion sur l'échiquier des renseignements? Éléments de réponse.La justice française a condamné mardi Ilich Ramírez Sánchez, plus connu comme « Carlos » ou « Le Chacal », à une troisième peine de prison à perpétuité. La biographie de celui qu'on surnomme le « terroriste numéro un » du XXe siècle est remplie d'incroyables scénarios, de cruautés inimaginables et de théories globales du complot. Mais qui est-il vraiment? Un fanatique communiste impitoyable? Un terroriste de génie? Un simple pion sur l'échiquier des renseignements? Éléments de réponse.

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Le plus célèbre révolutionnaire de notre époque est né en 1949 dans la famille d'un riche avocat vénézuélien et d'une charmante femme des milieux mondains. En dépit de son aisance matérielle, l'avocat était un marxiste-léniniste convaincu et a appelé ses trois fils Ilich, Vladimir et Lénine. L'aîné a gravé le nom de sa famille dans l'histoire.

La vie d'Ilich reste pourtant un mystère pour les historiens. Sa biographie est un mélange de spéculations, de rumeurs et de légendes inventées par la presse ou propagées par ses soins. Bien avant Oussama ben Laden, les médias occidentaux avait donné à Ilich la réputation de « terroriste numéro un » mais jusqu'à présent il est impossible de savoir quels attentats il a réellement commis ou non.

Dans l'ensemble, la lutte révolutionnaire de Carlos se composait de deux tendances contradictoires: premièrement des actions mineures et généralement ratées qu'il organisait en solitaire ou avec une équipe réduite; deuxièmement les opérations complexes d'une envergure hollywoodienne qu'on l'imagine mal monter en solitaire sans l'aide des renseignements.

L'une des premières affaires impliquant Carlos fut l'attentat contre Joseph Edward Sieff, président de Marks&Spencer. L'oligarque était un ami proche du premier président d'Israël Chaim Weizmann et sa famille accordait des services de consultation au gouvernement israélien. « Le lord devait mourir parce qu'il était un fervent sioniste », déclarera plus tard Carlos dans une interview.

Le 30 décembre 1973, il s'est procuré un vieux Beretta de 9mm (selon une autre version, un vieux Tokarev de 7,62 mm), a sonné à la porte d'entrée de la résidence londonienne de Sieff, a posé le pistolet à la tempe du concierge et lui a ordonné de le conduire jusqu'à son patron. Sieff était dans la salle de bain. Carlos s'est approché de lui à environ un mètre et a tiré dans son visage. L'homme d'affaires est tombé. Carlos a tenté de tirer une nouvelle fois mais le pistolet s'était enrayé et il s'est enfui une minute avant l'arrivée de la police. Sieff a survécu et a vécu encore 7 ans. Cet attentat paraissait sans talent et n'était pas digne d'un « terroriste numéro 1 ».

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La tentative d'attentat insensée à l'aéroport parisien d'Orly en 1975 fut tout aussi maladroite. Le 13 janvier, accompagné par trois Palestiniens, il a tiré avec un lance-roquettes sur un avion d'une compagnie israélienne mais a manqué sa cible. Le 17 janvier, ils sont revenus à Orly et ont de nouveau tiré sur des avions. Le service de sécurité les a pris en chasse, mais Carlos a réussi à s'enfuir.

Sur fond d'attentats aussi peu convaincants, Carlos dévoile tout à coup de véritables « super-pouvoirs ». En 1974 il planifie depuis Paris la prise du consulat français de La Haye pour l'organisation Armée rouge japonaise (JRA). Quand les négociations de la JRA avec le gouvernement français n'ont pas abouti, Carlos a lancé une grenade à main sur la foule dans un centre commercial, faisant deux morts et plus de 30 blessés, après quoi les autorités françaises ont rempli toutes les exigences de la JRA.

La même année, Carlos aurait planifié l'assassinat de l'attaché uruguayen à Paris. On l'accuse également des explosions déclenchées près des bâtiments des agences de presse dans la capitale française. Un an plus tard, il réalise sa plus incroyable opération. Le 19 décembre 1975, accompagné de cinq hommes, Carlos entre au siège de l'Opep à Vienne où se déroulait la réunion annuelle des ministres. Son équipe abat trois hommes et les assaillants prennent plus de 80 otages — ministres et membres de délégation. Après deux jours de négociations le gouvernement autrichien accepte de remplir toutes les conditions de Carlos. On met à sa disposition un avion qu'il prend pour partir en Algérie, il relâche les otages et réussit une nouvelle fois à s'échapper.

C'est à peu près à la même époque qu'il a failli se faire arrêter quand un ami proche l'a dénoncé aux renseignements français. Deux agents et leur informateur sont venus chercher Carlos dans sa planque à Beyrouth: il leur a offert à boire, les a mis à l'aise, avant de saisir un pistolet pour les abattre tous les trois.

On a attribué à Carlos des liens avec les renseignements de tous les pays socialistes mais aucune preuve documentée n'a encore été trouvée à ce jour. La version selon laquelle Carlos travaillait pour le KGB est seulement argumentée par l'absence d'attentats du "terroriste numéro un" pendant la visite officielle de Leonid Brejnev en Allemagne en 1973.

La version de sa protection par la Stasi est à peine plus crédible. Le magazine allemand Focus aurait même trouvé des documents confirmant que le renseignement fournissait à Carlos des hommes, louait des appartements et l'autorisait à porter une arme. Mais ces preuves n'ont jamais été publiées.

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En effet, Carlos a souvent vécu dans des pays socialistes mais comme son lieu de résidence préféré dans les années 1970 était Londres, il serait plus logique de supposer qu'il avait des liens avec le MI6. D'autant que la capture de Carlos en Angleterre était assez compliquée: soit quelqu'un l'avertissait, soit il remarquait la filature — et à chaque fois la police échouait.

En mai 1978 Carlos a été aperçu et reconnu à Londres par un diplomate d'une ambassade étrangère qui en a informé Scotland Yard. D'après l'historien, la police anglaise « a été mise sur le pied de guerre » mais Carlos n'a pas été attrapé.

Un jour, la police a retrouvé le livre Chacal de Frederick Forsyth dans une chambre d'hôtel de Londres où le fugitif Carlos avait vécu pendant une certaine période. Les journalistes ont alors surnommé le terroriste insaisissable « Carlos le Chacal ». Les journalistes expliquaient les disparitions mystérieuses du Chacal par ses dizaines de faux passeports, son art du maquillage et ses changements de nom réguliers — Carlos Andres Martinez Torres, Hector Lugo Dupont, Senon Maria Clark, Adolf Hose, Muller Bernal, Flick Ramirez, Glenn Gebhard et Ahmed Adil Fawaz. Néanmoins, on est forcément poussé à l'idée que Carlos était protégé au plus haut niveau car il reste impossible de comprendre comment le terroriste le plus recherché a pu circuler à travers le monde pendant des années.

Dans les années 1980, Carlos se retire progressivement des affaires. L'arrestation de Magdalena Kopp rompt son idylle familiale avec la révolutionnaire allemande. Quand Kopp est libérée, le couple part à Damas pour élever leur petite fille. En 1990, le président syrien Hafez el-Assad, devenu allié des USA pendant la guerre du Golfe, les expulse du pays. Magdalena part avec sa fille au Venezuela alors que Carlos atterrit au Soudan avec un passeport diplomatique.

C'est à Khartoum que les agents français ont mis la main sur lui. En 1994, alors qu'il récupérait après une opération, les médecins lui ont expliqué la nécessité d'être transporté dans un autre hôpital pour une meilleure sécurité. Les agents ont administré au Chacal une énorme dose de somnifères, l'ont ligoté et extradé en France où Ilich Ramirez Sanchez est enfin passé devant un tribunal.

La vie et le destin du terroriste numéro un sont pleins de contradictions, dont la plus étrange est l'immense écart entre les attentats qui lui sont attribués et ceux dont il a été accusé au tribunal. En un demi-siècle il a été accusé du détournement d'un avion français à Entebbe en Ouganda, de l'explosion d'un avion suisse en 1970 (200 morts), de la préparation de rebelles pour Mouammar Kadhafi, des explosions dans les casernes des casques bleus en 1983 (plus de 200 morts), de l'attentat à l'aéroport israélien de Lod en 1972 (28 victimes) et même du massacre au JO de Munich la même année. En tout, les journalistes attribuent à Carlos l'assassinat de plus de 1 500 personnes alors qu'il ne reconnaît « que » 82 tués.

Quoi qu'il en soit, le Chacal n'a jamais été inculpé au tribunal pour ces monstrueux attentats alors qu'ils auraient pu faire l'objet d'une enquête poussée pendant les 23 années qu'il a passées en prison. Carlos n'est pour le moment jugé que pour des attentats relativement mineurs et a été condamné à sa première perpétuité pour l'assassinat de son ami-traître et des deux agents français à Beyrouth.

Carlos doit sa deuxième condamnation à vie aux explosions dans les trains français en 1982-1983. Selon l'enquête, il a organisé cette série d'attentats pour faire libérer de prison Magdalena Kopp.

La troisième peine de prison à vie lui a été imposée pour la grenade lancée dans le centre commercial de Paris.

Durant toutes ces années, Carlos s'est transformé en véritable monstre dans la culture de masse occidentale. Néanmoins, l'armée de ses partisans grandissait également. Son avocate, Isabelle Coutant-Peyre, une fille de riches parents passionnée par les idées de gauche, est tombée amoureuse de lui — elle était devenue célèbre pour avoir pris la défense de différents combattants pour la liberté et prisonniers d'opinion. Coutant-Peyre a été charmée par Carlos dès leur première rencontre, tous les deux se sont convertis à l'islam et se sont mariés en 2001 en prison — ils ont échangé les alliances, lu quelques lignes du Coran et se sont embrassés.

Elle fut également son avocate pendant le dernier procès. Le verdict était connu depuis le départ mais Coutant-Peyre a qualifié toutes les accusations « d'infondées » et les preuves de « fabriquées ». Apparemment, les débats pour savoir si Carlos était un combattant idéologique ou un malfaiteur sanguinaire ne sont pas prêts de cesser.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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