L'Inde et la Chine au seuil d'une guerre

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Sur la plateforme du groupe des Brics, les représentants de l'Inde et de la Chine tenteront aujourd'hui de stopper le conflit qui les oppose - et commence à prendre une tournure inquiétante - dans l'Himalaya.

Le ministère chinois de la Défense a menacé hier son voisin de guerre et appelé les militaires indiens à cesser d'entraver la construction, par les Chinois, d'une route dans la région contestée à la frontière entre la Chine et le Bhoutan. Pékin et New Delhi ne sont pas seulement membres des Brics mais également partenaires au sein de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) depuis juin 2017. Cependant, la situation ne s'est pas encore apaisée pour le moment. Les deux États sont actuellement menés par des dirigeants puissants qui sont prêts à aller plus loin que leurs prédécesseurs pour défendre les intérêts nationaux. Selon le quotidien Kommersant.

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«Je voudrais rappeler à l'Inde: ne jouez pas avec le feu et ne prenez pas de décisions en vous basant sur des fantaisies, a déclaré hier le porte-parole du ministère chinois de la Défense Wu Qian. Toute l'histoire de l'armée populaire de libération de la Chine démontre une chose: nos militaires défendront la souveraineté et l'intégrité territoriale du pays. Il est plus aisé d'ébranler une montagne que de faire reculer notre armée». Wu Qian a également promis que la Chine renforcerait son contingent tout le long de la frontière et organiserait davantage d'exercices. Pékin tient de tels propos depuis un mois: par exemple, la revue nationaliste publique Huánqiú Shíbào a publié un article intitulé «New Delhi n'a pas tiré les leçons de la guerre de 1962» qui note que «l'économie chinoise est cinq fois plus grande que l'économie indienne», et qu'une guerre conduirait au déclin de cette dernière. Rappelons qu'en 1962 Pékin avait remporté la victoire contre New Delhi dans une guerre rapide dans les régions frontalières d'Aksai Chin et d'Arunachal Pradesh.

Le cycle de conflit actuel entre l'Inde et le Bhoutan, d'une part, et la Chine de l'autre, a commencé début juin quand des ingénieurs militaires chinois sont entrés sur le territoire du plateau du Doklam (Donglang en chinois) contesté par la Chine et le Bhoutan et ont commencé à construire une route en direction du Bhoutan. Les autorités de ce pays ont exprimé une protestation qui a été ignorée par les Chinois. L'Inde est alors intervenue: alliée du Bhoutan, elle a envoyé ses troupes sur le territoire du royaume et repoussé les constructeurs chinois d'une partie du plateau. Pékin a réagi en renforçant son contingent dans la zone et désormais, les militaires chinois et indiens, écrit la presse, «se font face à la distance d'un bras tendu». Le ministère chinois des Affaires étrangères exhorte New Delhi à «retirer immédiatement ses troupes du territoire chinois». La ministre indienne des Affaires étrangères Sushma Swaraj répond qu'elle n'acceptera qu'à condition que les Chinois retirent également leur contingent. En effet, l'Inde considère ce territoire comme appartenant au Bhoutan.

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Le plateau du Doklam est une zone de montagne stratégique à la frontière des trois pays concernés. Le Bhoutan est l'unique voisin de la Chine qui n'entretient pas de relations diplomatiques avec cette dernière, tout en ayant des liens étroits avec l'Inde. Depuis les années 1970, la Chine mène dans la région des travaux pour construire une route depuis la capitale du Tibet, Lhassa, en direction de la jonction des frontières. Via cette route, en cas de conflit avec l'Inde, l'armée chinoise pourrait arriver sur les lieux en environ 8 heures. New Delhi craint qu'en prenant le contrôle du plateau du Doklam la Chine menace le corridor de Siliguri, une bande de territoire indien entre le Népal et le Bangladesh qui relie le territoire principal du pays à sept États de l'est.

Pour revendiquer le Doklam, Pékin se réfère à l'accord de 1890 entre le Sikkim (alors sous protectorat britannique et qui est aujourd'hui un État indien) et le Tibet (actuellement un territoire de la Chine), qui indique que le Doklam fait bien partie du Tibet. Cependant, ni l'Inde ni le Bhoutan n'ont jamais reconnu cette démarcation. En 1988 et en 1998, le Bhoutan et la Chine ont signé plusieurs accords dans lesquels ils s'engageaient à régler pacifiquement le litige territorial et à s'abstenir de toute construction militaire dans la région. D'après les autorités de l'Inde et du Bhoutan, la Chine a enfreint ces accords en lançant la construction de la route sur le plateau du Doklam.

«La situation est d'autant plus difficile que le Bhoutan est l'un des pays les plus loyaux envers l'Inde en Asie du Sud, rappelle Piotr Topytchkanov, expert du centre Carnegie de Moscou. Le Pakistan est le principal ennemi potentiel de New Delhi, et les Maldives et le Sri Lanka coopèrent de plus en plus étroitement avec Pékin. Un redémarrage des relations avec le Népal était attendu après l'arrivée au pouvoir du premier ministre Narendra Modi mais il n'a pas eu lieu. L'Inde est surtout irritée par le corridor économique sino-pakistanais qui rattachera pour longtemps Islamabad à Pékin. La patience des Indiens a atteint sa limite, et ils ont décidé d'intervenir.» Piotr Topytchkanov qualifie la confrontation de «très grave» et n'écarte pas la possibilité d'un conflit militaire ouvert.

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L'Inde et la Chine pourront aborder leurs différends aujourd'hui à Pékin à l'occasion de la 7e réunion des représentants du groupe des Brics sur la sécurité. Le conseiller du premier ministre indien, Ajit Doval, y rencontrera le conseiller d'État chinois Yang Jiechi. Au début de l'été, l'Inde a rejoint la Chine au sein de l'OCS mais cela n'a pas permis de réduire la tension entre les deux pays.

«L'OCS et les Brics ne peuvent pas être considérés comme des blocs militaro-politiques. Ils sont basés sur un consensus. Ils ne pourront certainement pas jouer un rôle de limiteur ou de médiateur dans ce conflit. On espérait qu'une implication commune dans les projets économiques de l'OCS rapprocherait Pékin et New Delhi. Cependant, les problèmes dans leurs relations sont peu liés à l'économie et même un niveau élevé de coopération commerciale et économique ne peut pas les protéger contre l'aggravation des conflits dans les régions contestées», estime Igor Denissov du Centre d'études de l'Asie de l'Est et de l'OCS à l'Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO). Selon lui, «il serait possible de régler ce problème en renforçant la confiance politique ainsi qu'en exerçant un contrôle sur les partisans de la ligne dure dans les deux pays, qui exacerbent considérablement les moindres frictions en se menaçant mutuellement de guerre».

Toutefois, les dirigeants chinois et indien Xi Jinping et Narendra Modi bâtissent eux-mêmes leur plateforme politique sur le nationalisme, et il leur sera difficile de faire marche-arrière concernant le plateau du Doklam.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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