Enfants russes à Bagdad: «On nous bombardait, nous n'avions rien à manger»

© AFP 2023 Delil SouleimanSyrie
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Dans un orphelinat de Bagdad, RT a rencontré des enfants de Russie et des pays de la CEI emmenés en Irak par des parents influencés par Daech. Déjà orphelins, ils ne savent pas à quoi ressemble une vie paisible et ne se souviennent de rien à part des explosions, du feu et de la faim.

RT évoque leur vie à l'orphelinat, leurs rêves et les tentatives de les rapatrier vers la Russie.Les autorités russes tentent aujourd'hui de faire revenir en Russie ces 48 enfants emmenés en Irak et en Syrie par leurs parents influencés par l'EI.

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L'orphelinat de Bagdad visité par RT abrite actuellement cinq filles et garçons russophones. La plupart d'eux sont d'origine tchétchène mais ils ne se souviennent de rien à part Mossoul. En attendant de retrouver leurs proches les enfants jouent, font du vélo, regardent des dessins animés, se rappellent des bombardements et, bien sûr, se languissent de leurs parents morts.

Fatima et Khadidja sont deux sœurs d'environ cinq ans. Elles sont orphelines en Irak mais elles pourraient avoir des proches en Tchétchénie. Au premier abord, ces enfants bien vêtus s'abstiennent de tout contact. Il s'avérera simplement que les filles étaient tout simplement gênées en présence d'adultes inconnus munis de caméras.

«Nos grands-parents habitent dans une ville très, très lointaine, mais je ne connais pas son nom, raconte Khadidja. Nous avons vécu à Mossoul. On nous bombardait, nous n'avions rien à manger. Papa allait au travail: il distribuait de l'essence, du diesel et de l'eau. Ensuite tout chez lui a brûlé, même l'eau, et on lui a conféré un autre travail».

Les parents des deux filles sont visiblement morts lors de la bataille de Mossoul. «Nous nous sommes retrouvées sous des tirs de mortier: tout était en flammes, un fragment a touché Fatima. Notre père et notre frère étaient couchés sur une pierre, morts», se remémore Khadidja.
En ce qui concerne le sort de leur mère Nassia, les filles ne peuvent pas donner d'explications claires: "Maman est encore là: elle est couchée près de la rivière».

«Mon père tirait au mortier, une voiture brûlait», ajoute Bilal, dont les parents était visiblement aussi Tchétchènes.

Les enfants sont contents de leur vie à l'orphelinat. «La nourriture est bonne, on a des chocolats», affirment les filles. «De la viande, du riz, des pommes de terre, des carottes — nous mangeons tout nous-mêmes», ajoute Bilal non sans fierté.

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Le garçon connaît une «autre» langue que le russe. Les enfants n'aiment pourtant pas parler arabe: «On ne veut pas à cause des tirs».
Une fille, plus âgée, reste assise sur un lit dans le dortoir de l'orphelinat, loin des autres enfants. «Je m'appelle Maria, se présente-t-elle timidement. J'ai huit ans. Je ne joue avec personne, je reste simplement assise sur ce lit».

Les parents de Maria sont probablement des ressortissants tadjiks qui seraient partis en Égypte pour rejoindre ensuite l'Irak.
«Je suis née à Misr (Égypte), dit-elle, tout comme deux de mes sœurs et un de mes frères. Un autre frère et une sœur sont nés plus tard ici. Ils sont tous morts — avec nos parents — quand on a tiré des roquettes sur notre maison».

«L'enfant n'est pas responsable du fait que son père a fait partie de Daech»

«Avant leur placement à l'orphelinat, l'état de santé des enfants était déplorable: ils présentaient des troubles psychologiques, des maladies cutanées, des jambes et des bras fracturés, explique Abir Mahdi al-Tchalabi, directeur du département de la protection des enfants du ministère irakien du Travail et des Affaires sociales. Ils ont été abandonnés par leurs parents et étaient longtemps négligés. Ici, ils bénéficient de tous les soins et de l'attention nécessaires.»

«Je veux souligner le fait qu'on les traite tous comme des enfants irakiens sans faire aucune distinction et en évitant toute discrimination. L'enfant n'est pas responsable du fait que son père a fait partie de Daech», ajoute-il.

Selon lui, des représentants russes visitent souvent cet orphelinat: «Ils sont étonnés par le soin et l'attention dont bénéficient les enfants. Ils sont tous propres et bien soignés».

Les enfants ont été envoyés à l'orphelinat sur décision de justice. Afin de les rapatrier en Russie, il est nécessaire de prouver que leur père ou leur mère est d'origine russe.

«Si l'on prouve que les parents de ces enfants sont Tchétchènes, ils seront légalement transférés à la partie russe pour qu'ils puissent vivre chez leurs proches, y bénéficier de leurs soins et attention, explique al-Tchalabi. Aujourd'hui, nous avons grand besoin de la coopération des pays dont les enfants se trouvent chez nous. C'est nécessaire pour faciliter leur transfert aux organes compétents. Chez nous, cette procédure est très simple. Il n'existe aucune difficulté».

Selon lui, l'orphelinat de Bagdad accueille aussi des enfants d'autres pays, notamment des irakiens d'origine yézidie, des Chinois et un Français. L'origine de certains enfants n'a toujours pas été établie.

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D'après les fonctionnaires irakiens, le transfert des enfants à leurs proches constitue l'un des problèmes principaux auxquels les autorités font face depuis la libération de Mossoul des combattants de Daech. «Certains enfants sont venus avec des combattants étrangers, mais d'autres sont nés après la formation de familles ici en Irak», explique Mohammed al-Soudani, ministre du Travail et des Affaires sociales.

Et d'ajouter que «les autorités irakiennes tentent activement de transmettre les enfants sauvés à leurs proches».

«L'Irak viendra à la rencontre de tout pays disposant de preuves selon lesquelles ces enfants sont ses citoyens, affirme le ministre. On emploiera tous les canaux diplomatiques du ministère des Affaires étrangères. Dans tous les cas, l'aspect humain reste le plus important pour notre ministère. Les autres procédures ne relèvent que du droit et de l'administration».

Évacuation en Russie

Les autorités russes ont lancé des mesures visant à rapatrier des enfants d'Irak à la mi-juillet, juste après la libération de Mossoul des djihadistes. Actuellement, les négociations impliquent des représentants du ministère russe des Affaires étrangères, de la République tchétchène et du Conseil de la Fédération russe.

L'évacuation des enfants d'Irak s'effectuera en deux étapes: d'abord, tous seront transférés en Jordanie, puis ils seront envoyés en Russie chez leurs proches. Le rapatriement des orphelins reste tout de même compliqué dans la mesure où aucun document ne permet de confirmer leur nationalité.

«Les enfants devront passer un test ADN pour confirmer leurs liens de parenté avec ceux qui affirment être leurs proches, indique Samih Beno, politicien jordanien d'origine tchétchène et initiateur de l'évacuation des mineurs russes. Nous le faisons pour que personne ne puisse venir affirmer sans aucun fondement qu'il s'agit de son enfant.»

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Le bureau de la déléguée aux droits de l'enfant auprès du président russe est, de son côté, prêt à accorder tout le soutien nécessaire pour le logement et l'accompagnement des enfants qui se trouvent actuellement dans des orphelinats irakiens, suite à leur rapatriement éventuel en Russie.

L'ombudsman Anna Kouznetsova a déjà indiqué que son service était prêt à apporter un soutien juridique aux enfants et à coopérer avec les autorités des régions où il auront été emmenés, ainsi qu'à trouver, à l'aide des délégués régionaux aux droits de l'enfant, des centres spéciaux de réhabilitation susceptibles de leur offrir des soins médicaux et psychologiques avant de les transmettre à leurs proches ou tuteurs.

«Il est important qu'après être revenus en Russie, les enfants puissent tout de suite obtenir des soins, un soutien et de l'aide. Ils doivent quitter ce climat de haine pour recevoir à nouveau de l'amour. Il est difficile de s'imaginer les épreuves qu'ils ont subies et les horreurs qu'ils ont vues», affirme Anna Kouznetsova.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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