Pourquoi le projet de super-destroyer pour la marine américaine est un échec

© AP Photo / Robert F. BukatyZumwalt
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Les nouveaux destroyers de classe Zumwalt qui viennent d'être mis à l'eau ont déjà suscité tellement de critiques qu'on évoque de plus en plus une sérieuse mise au point de ces modèles.

Les essais d'une nouvelle arme ou d'un nouvel équipement militaire sont toujours un processus difficile. Mais quand les dysfonctionnement deviennent systématiques et concernent les systèmes et les mécanismes vitaux, les développeurs doivent songer à l'utilité-même du projet. Les nouveaux destroyers américains de classe Zumwalt qui viennent de sortir des chantiers navals ont déjà suscité un tel nombre de critiques qu'on évoque de plus en plus la nécessité d'une sérieuse mise au point de ces modèles. Pour l'instant, le seul élément qui figure au «palmarès» de ces navires est leur look futuriste, qui est présenté comme une percée innovante dans la construction navale. Ces bâtiments ne peuvent se vanter de rien d'autre pour l'instant. Les problèmes se multiplient de jour en jour alors même que les destroyers n'ont pas encore été mis en service opérationnel — ce qui pourrait finalement être remis en question. Selon Zvezda.

Pannes à répétition

USNI News a récemment rapporté un incident avec le deuxième destroyer de la gamme. Moins d'une semaine après la mise à l'eau de l'USS Michael Monsoor (DDG-1001), une panne majeure s'est produite pendant les essais dans une région côtière de l'Atlantique: un dysfonctionnement a eu lieu dans le système électronique, forçant le bâtiment à retourner à son chantier naval dans l'État du Maine. D'après les experts, il s'agit d'une panne des dispositifs censés protéger les équipements électroniques des sursauts de puissance. Au final, Zumwalt n'a pas réussi à lancer son système de propulsion électrique à pleine puissance comme c'était prévu par les essais.

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Dans l'ensemble, les navires de la série Zumwalt détiennent actuellement la palme d'or en termes de nombre d'incidents. Et il ne s'agit même pas de leurs capacités opérationnelles uniques dont l'approbation n'a même pas encore commencé. Le nouveau destroyer a plutôt battu un anti-record de par son coût sans précédent, le nombre de personnes opposées à sa mise en service, ainsi que le nombre d'incidents lors des essais. Ainsi, en novembre 2016, le premier navire de la classe USS Zumwalt (DDG-1000) a failli couler après une pénétration d'eau dans deux des quatre roulements qui relient les monteurs aux arbres d'entraînement. Le moteur principal est tombé en panne et le destroyer «innovant» a percuté les parois du canal de Panama qu'il s'apprêtait à franchir pour entrer au port de San Diego. Le bâtiment immobilisé a été rapidement remorqué pour subir des réparations avant de pouvoir repartir. La panne était due à une fuite dans le système de refroidissement du lubrifiant, mais les spécialistes n'ont pas réussi à en déterminer l'origine. La même panne avait été constatée sur l'USS Zumwalt sur le quai de la base de Norfolk, où ce navire de 4,4 milliards de dollars avait connu sa première fuite.

Le coût de développement des destroyers est également sans précédent: 22,5 milliards de dollars. La construction des trois premiers bâtiments a déjà coûté au budget militaire américain 12,73 milliards de dollars. Finalement, la marine américaine a renoncé au projet initial de construire 32 destroyers de cette classe en revoyant le chiffre à la baisse à 24, puis à 7 navires. Les critiques n'ont pas non plus épargné le montant des armements prévus pour chaque destroyer. Un obus guidé de 155 mm du canon d'artillerie coûte 2 millions de dollars l'unité. Cette munition est donc plus chère que le missile de croisière Tomahawk ayant une bien meilleure portée et puissance de feu, ce qui naturellement n'a pas ravi les amiraux même compte tenu de leur attitude traditionnellement négligente par rapport aux dépenses publiques.

Un «joujou» à 22 milliards de dollars

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Il serait possible de mettre tous ces problèmes sur le compte des «maladies infantiles» propres à toute nouveauté mise sur le marché — qu'il s'agisse de la construction navale ou de la production de meubles. Mais le fait est que les experts expriment même des doutes par rapport aux éléments qui ont été annoncés comme des innovations, comme introduisant une nouvelle perception du domaine naval. Par exemple, la forme architecturale originale du destroyer avec des bords tirés vers la surface de l'eau censés réduire la visibilité radar du bâtiment ne s'avère finalement pas si efficace. Les spécialistes ont déterminé qu'en raison de sa grande taille le navire serait tout de même visible au radar, même si d'une manière légèrement plus réduite. En revanche, l'inclinaison des bords rend Zumwalt dangereux car elle réduit sa stabilité (le bâtiment pourrait même chavirer en cas de fort tangage). Le fait est que le nouveau destroyer, avec ses bords inclinés, ne dispose pas de l'effet d'augmentation du tirant d'eau du côté d'inclinaison, présent dans les navires avec une coque traditionnelle. Seule l'augmentation de la vitesse pourrait palier le problème mais, comme il a été souligné plus tôt, le travail ininterrompu du système de propulsion n'est pas garanti.

D'ailleurs, pendant la démonstration, les ingénieurs ont tenté de persuader le commanditaire de la stabilité du navire en présentant… une copie réduite du Zumwalt! Étonnamment, les capacités de navigation de ce modèle «jouet» ont convaincu les représentants de la marine des qualités de navigation hors pair du futur destroyer, après quoi le modèle révolutionnaire n'a plus subi aucune contestation.

Ce n'est pas l'argent qui fait le bonheur, mais combien on en a

Certains disent que l'argent ne fait pas le bonheur. Ce à quoi certains ajouteront: tout dépend de combien on en a. Curieusement, c'est cette deuxième partie du proverbe qui semble être l'axiome de l'industrie de l'armement américaine. Sinon, comment expliquer les injections conséquentes réalisées régulièrement par les autorités américaines au Pentagone, qui ne s'empresse pas de prouver la dépense efficace de cet argent? Et il ne s'agit pas uniquement du secteur des innovations: les dépenses courantes pour l'entretien de l'armée et de la flotte suscitent aussi des questions. Cette année, les médias ont été bouleversés par l'aveu de certains militaires américains haut placés concernant l'état déplorable de la plupart des unités militaires. Le chef des opérations navales, l'amiral William Moran, a annoncé que presque 53% des avions et des hélicoptères de la marine américaine (les deux tiers sont des avions embarqués de la série F/A-18) présentent différentes anomalies, alors que certains ne peuvent même pas décoller. La situation est encore plus affligeante dans l'armée de terre, comme l'a confié le général Daniel Allyn, commandant adjoint de l'armée de terre, d'après qui seulement 3 des 50 brigades seraient entièrement prêtes pour les activités militaires.

«Même le budget militaire diminué par Obama n'était pas si réduit — du moins il était largement supérieur à celui de la Russie, explique l'expert militaire Boris Jerelievski. Des questions se posent également sur l'efficacité des dépenses de ce budget. Prenons le programme Zumwalt: au final on a obtenu un navire faiblement protégé et armé n'affichant qu'une basse navigabilité. Un autre programme notoirement raté et qui a dévoré 1.300 milliards de dollars est celui du chasseur furtif de 5e génération F-35 Lightning II. Ses résultats sont également plus que modestes. L'armée de l'air américaine avait même suspendu l'exploitation des chasseurs de 5e génération F-35 à cause des pannes mécaniques, sachant que les avions ont été rappelés un mois après l'annonce de leur état opérationnel. Ce sont des programmes extrêmement coûteux mais qui ne sont pas les seuls à gaspiller le budget militaire.»

Néanmoins, reconnaissent les experts, même les projets échoués resteront très probablement dans l'agenda de l'establishment militaire américain. Pour une raison très banale: l'argent. Il s'avère que même les programmes ratés dans le domaine de la défense ont des partisans qui défendent notamment l'utilité des nouveaux projets, qui contribueraient à tester de nouvelles solutions innovantes. A cet égard Boris Jerelievski remarque que la raison de ce soutien est plus qu'évidente: les programmes d'une telle envergure ouvrent de très grandes possibilités de toucher des «commissions» et de corruption. Au final, de tels projets refont leur apparition et obtiennent le soutien financier nécessaire grâce aux efforts des lobbys.

Des «innovations» aberrantes

Même les médias loyaux envers les autorités américaines ne s'empressent plus de cacher les échecs de leur propre industrie de l'armement. L'agence de presse Bloomberg a récemment évoqué les problèmes du projet ultramoderne de la marine américaine: le porte-avions USS Gerald R. Ford,dont le système de départ des avions ne permet pas de faire décoller les chasseurs-bombardiers F/A-18 avec tout l'armement embarqué et le plein de carburant. Les experts de la revue Aviation Week ont noté le problème des chasseurs F-22 Raptor qui s'avèrent être extrêmement vulnérables face aux radars adverses suite à la perte de leur revêtement furtif à cause des hautes températures, du vent avec du sable et même de la pluie!

Le site Novate a récemment énuméré dix types d'armes létales qui ne sont efficaces que sur le papier. Parmi eux: le Zumwalt, auquel les experts reprochent avant tout ses armements coûteux. D'ailleurs, sur cette liste des idées les plus aberrantes on retrouve les projets ratés du complexe militaro-industriel occidental comme le char volant britannique Baynes Bat (un char doté d'ailes amovibles) qui était certes capable de décoller mais était complètement incontrôlable. Sans oublier le pistolet lance-roquettes Gyrojet, censé tirer des «mini-roquettes» au lieu des balles. Problème: les projectiles avaient besoin de temps pour atteindre leur vitesse maximale, ce qui les rendait inefficaces en combat rapproché.

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«On ne peut pas dire que le Zumwalt est complètement privé d'avantages, déclare l'expert militaire russe Andreï Kniazev. Il en a mais tous ses défauts — dont certains ne peuvent pas être réglés en principe — et le coût exorbitant d'un seul navire réduisent à néant tous ces avantages. Le navire du futur, comme le décrivent les USA, ne doit pas se caractériser par son aspect mais par la combinaison d'une furtivité radar et sonore, ses qualités de navigation, sa résistance et sa puissance de feu qui permettent de combattre efficacement à la fois les cibles navales, sous-marines et aériennes de l'ennemi. De plus, il doit se distinguer par un coût raisonnable permettant de le fabriquer et de mettre en service en série. Or le Zumwalt ne répond pas à ces critères: actuellement c'est simplement un jouet très cher. Est-ce le destroyer de demain ou un musée flottant qui fait la publicité des capacités (et des appétits) du complexe militaro-industriel américain? Etan donné que seulement trois navires de ce projet seront construits et mis en service, la réponse est évidente.»

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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