Combien l'opposition syrienne «modérée» coûte-t-elle aux USA?

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Dans une interview à la chaîne Euronews, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a noté récemment que les USA devaient «vraisemblablement» avoir «une quelconque stratégie» qui, selon lui, consisterait à «s'installer pour toujours en Syrie avec leurs forces armées».

C'est vrai, sauf sur un point: le Pentagone n'a pas l'intention de sacrifier ses soldats et parie sur la création de forces de sécurité et «d'opposants» locaux contrôlés par les militaires américains. Après tout, c'est celui qui paie qui choisit la musique. En l'occurrence, c'est le département du ministre Mattis qui paie. Et il paie plutôt bien: pour l'année fiscale 2019 son supérieur direct, le président américain Donald Trump, a demandé au Congrès ni plus ni moins 300 millions de dollars pour financer ces «assistants» des USA en Syrie. Selon Zvezda.

Les forces partenaires

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La stratégie de Washington dans la lutte contre Daech était relativement simple: d'un côté les militaires américains et leurs alliés de la coalition antiterroriste menée par les USA frappaient les terroristes avec toutes les forces et tous les moyens disponibles, de l'autre ils formaient activement une armée d'exécutants qui faisaient le «sale boulot» — c'est-à-dire participaient directement aux opérations sur le terrain.

Cependant, si en Irak ce rôle était joué par les forces de sécurité du gouvernement légitime de ce pays, en Syrie cet honneur revient à l'opposition syrienne dite «modérée».

Le financement des uns et des autres, tout comme le financement de l'activité pour combattre Daech dans d'autres régions du monde, est réalisé à partir d'un fonds spécialement créé: le CTEF (Counter-Islamic State of Iraq and Syria (C-ISIS) Train and Equip Fund), dont le budget demandé pour l'année fiscale 2019 s'élève à 1,4 milliard de dollars, dont 300 millions sont prévus pour les «partenaires» syriens des États-Unis.

Les plus grandes dépenses portent évidemment sur l'achat d'armement, de matériel militaire et spécial et de différents équipements qui sont nécessaires pour assurer l'activité normale des groupes armés de l'opposition syrienne «modérée», qui devraient compter entre 60.000 et 65.000 hommes d'ici la fin de l'année fiscale 2018. Parmi eux: près de 30.000 combattants se battront directement contre les terroristes en participant aux activités militaires et aux opérations sous l'égide de la coalition menée par les USA, et les autres constitueront des «forces de sécurité intérieure» devant garantir l'ordre et la sécurité dans les régions syriennes libérées du terrorisme international. Ces «forces de sécurité» sont estimées par les militaires américains à 20 policiers (agents de sécurité) pour 1.000 habitants des régions en question. Au fur et à mesure de l'élimination des terroristes, le nombre de groupes armés se réduira et celui des forces de sécurité augmentera.

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«Pour atteindre les objectifs des États-Unis, les forces partenaires en Syrie seront formées à partir des groupes locaux qui doivent être démographiquement représentatifs et dûment vérifiés, ainsi que formés et équipés pour maintenir une situation stable en matière de sécurité et être capables de combattre Daech 2.0 et Al-Qaïda. En l'occurrence, l'objectif consiste à créer une situation sûre, ainsi que supprimer les conditions qui ont contribué à l'arrivée de Daech au pouvoir», stipule la note explicative préparée par le Pentagone pour cette requête de financement militaire des USA pour l'année fiscale 2019.

De ce fait, on peut conclure clairement que s'ils aident aujourd'hui l'opposition syrienne «modérée» dans la lutte contre les groupes terroristes — essentiellement Daech, Al-Qaïda et les groupes plus réduits qui y sont apparentés — les Américains n'ont pas l'intention de renoncer au contrôle de cette «milice» même après que le territoire sera débarrassé des djihadistes. De cette manière, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov n'était pas très loin de la vérité en supposant que Washington projetait de s'affirmer sur le territoire syrien, où il n'a pas été invité par le gouvernement syrien.

Les dépenses

La partie de la requête de financement concernant le financement de l'opposition syrienne «modérée» dans le cadre de la «lutte contre les terroristes» contient les chiffres suivants.

Les dépenses pour l'achat d'armes, de munitions, d'équipements militaires et spéciaux, ainsi que de véhicules sont prévues pour l'année fiscale 2019 à hauteur de 162,5 millions de dollars. Pour l'année fiscale 2018, 393,3 millions de dollars avaient été demandés à ces fins — ce qui constitue une réduction de 58,7%.

La «sélection de produits» effectuée par le Pentagone pour équiper ses partenaires en Syrie est aussi intéressante: la plupart des moyens prévus serviront à l'achat de différents véhicules pour 59,3 millions de dollars, soit 36,5% du montant total des fonds prévus; aux dépenses pour acheter différentes armes (fusils automatiques, mitrailleuses, fusils de précision, mortiers de 60 mm et de 120 mm) à hauteur de 47,8 millions de dollars (29,4%); 24,13 millions de dollars (14,9%) seront dépensés pour les munitions; et 31,2 millions de dollars (19,2%) pour d'autres équipements.

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Dans la rubrique «armement», les fusils d'assaut Kalachnikov mondialement connus sont en première positions, achetés pour les «miliciens» syriens dans la version AK-47 pour la cartouche 7,62x39 mm. Le prix d'un fusil avec la sangle et les équipements de nettoyage s'élève à 798 dollars, le nombre acheté à 25.000 fusils, ce qui donne un total de 19.950.000 dollars, soit 41,7% du budget pour l'achat d'armements.

En plus des fusils AK-47, il est prévu d'acheter encore 152.500 chargeurs à 7 dollars pièce, ce qui représente une dépense d'un peu plus d'un million de dollars. Dans le cas de l'Irak le même fusil est acheté pour le même prix de 798 dollars, mais avec six chargeurs. Il est peu probable que ces fusils soient achetés pour les forces irakiennes sans sangle ni équipements de nettoyage, par conséquent pour la Syrie cet ensemble coûte plus cher: 840 dollars pour un fusil avec six chargeurs. Dans le cas syrien sont certainement apparus des intermédiaires, qui touchent leur commission.

Il est également prévu d'acquérir 1.500 mitrailleuses PKM pour la cartouche 7,62x54 mm à 6.108 dollars pièce, 500 mitrailleuses DChK de gros calibre 12,7x108 mm à 16.965 dollars pièce, 400 lance-roquettes RPG-7 à 5.398 dollars pièce et 6.000 munitions PG-7VM pour 997 dollars pièce, 95 fusils de précision SVD — probablement uniquement pour des «boursiers» sélectionnés et fiables — à 6.097 dollars pièce, ainsi que des mortiers de 60 mm et de 120 mm, 20 et 60 pièces respectivement, ce qui coûtera près de 6,4 millions de dollars.

C'est la quantité de munitions achetées qui impressionne le plus. Ainsi, pour l'année fiscale 2019, il est prévu d'acheter 15 millions de munitions de 7,62x39 mm pour les fusils AK-47 et 1 million de cartouches de 7,62x44 mm pour les mitrailleuses PKM à 40 et 60 cents pièce respectivement, ce qui représentera au final des dépenses de 6,6 millions de dollars. Mais ce n'est pas tout: il est également prévu d'acheter encore 4 millions de cartouches de 7,62x54 mm pour les mitrailleuses déjà en bandes (dans ce cas une cartouche vaut 35 cents). Ils achèteront également 1.000 obus à éclats et 200 mines éclairantes de 82 mm, ainsi que 6.000 obus à éclats et 4.000 mines éclairantes de 120 mm. De plus, 4.000 grenades F-1 à 12 dollars pièce seront achetées pour les «miliciens».

En parlant de lance-roquettes. L'achat d'une telle quantité de munitions PG-7VM pour le RPG-7 — 6.000 unités — témoigne d'une certaine spécificité de la future utilisation opérationnelle des «miliciens» syriens.

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Après tout, le PG-7VM est une munition modernisée de roquette antichar cumulative pour éliminer des chars, des canons automoteurs et d'autres cibles blindées, ainsi que pour éliminer le personnel dans des abris légers et dans les constructions de type urbain. La pénétrabilité de cette munition a été augmentée jusqu'à 300 mm. Certes, il existe des munitions plus modernes pour le RPG-7, et le PG-7VM peut être utilisé contre l'infanterie abritée, mais tout de même…

Dans la catégorie «autres équipements» on relève 100 quadrirotors à lancement manuel pour 1.385 dollars pièce et 50 robots dotés d'un manipulateur pour 138.268 dollars pièce. On y trouve également des postes de radio, des récepteurs GPS (navigateurs) et autres. Sans oublier l'achat de 100 jumelles M22 à 419 dollars pièce. J'ignore quel est le modèle concret des M22 achetés et à qui ils l'ont été (il s'agit probablement de M22 7x50 Fujinon) mais dans les boutiques en ligne russe elles sont vendues à près de 830 dollars.

Il est prévu de dépenser 101,5 millions de dollars pour assurer l'activité opérationnelle des troupes de l'opposition syrienne «modérée», soit une hausse de 67,5% par rapport à la requête pour l'année fiscale 2018 (qui était de 40,9 millions de dollars). Les principales dépenses concernent précisément la logistique des groupes armés (64,5 millions de dollars), ainsi que le versement de «bourses» aux combattants de certaines unités qui participent directement aux opérations contre les terroristes. Actuellement, selon la note explicative, le montant de ces «bourses» pourrait être compris entre 200 et 400 dollars par mois.

Il s'agit en réalité du salaire des combattants au sein des unités les plus opérationnelles, dont le nombre est établi à ce jour par le Pentagone à 10.000 hommes. Au final, les Américains comptent dépenser pour le salaire des «miliciens» 30 millions de dollars (2,5 millions de dollars par mois pour 10.000 hommes — soit un salaire moyen de 250 dollars) pour l'année fiscale 2019.

Toutefois, plus de territoires seront libérés des terroristes et plus le nombre de groupes armés se réduira, plus les Américains comptent transférer le principal fardeau du versement des «bourses» sur les forces de sécurité, qui devront maintenir l'ordre et la sécurité sur les territoires libérés.

Le Pentagone prend en charge les frais de port

Les Américains comptent acheminer tous les armements et les équipements, du moins leur majorité, grâce à leurs avions de transport militaires stratégiques C-17 Globemaster III qui décolleront des USA pour atterrir sur le théâtre des opérations. Un tel appareil est capable de transporter jusqu'à 77.520 kg de fret sur une distance d'environ 4.500 km.

Le document en question demande de financer 40 vols de ce géant à hauteur de 500.000 dollar chacun. 800 voyages seront effectués par d'autres avions et hélicoptères, ainsi que du matériel terrestre, pour 10.000 dollars le voyage. Au total, pour livrer tous les armements, les équipements et le matériel aux troupes de l'opposition syrienne «modérée», les Américains pourraient dépenser 28 millions de dollars.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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