Les États-Unis s'attaquent à la Cour pénale internationale

© AP Photo / Andrew HarnikDonald Trump et Mike Pompeo
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Les USA ont trouvé une nouvelle cible pour leurs sanctions. Paradoxalement, il ne s'agit pas d'un criminel ou d'un pays opposé à Washington, mais de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Les militants des droits de l'homme évoquent déjà une tentative sans précédent d'échapper aux poursuites internationales pour des crimes de guerre.

Les USA décrètent des restrictions de visa contre les individus liés aux enquêtes menées par la CPI, a déclaré le secrétaire d'État américain Mike Pompeo:

«Je proclame une politique de restrictions de visa à l'égard des personnes responsables de toutes les enquêtes de la Cour pénale internationale visant des militaires américains».

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La déclaration de Mike Pompeo n'a pas été une grande surprise, selon le quotidien Vzgliad. Il est difficile de ne pas considérer cette démarche comme le résultat de l'influence du conseiller du Président américain à la sécurité John Bolton. En septembre 2018 déjà, le Wall Street Journal avait publié le brouillon de la déclaration de ce dernier mentionnant la disposition de Washington à décréter des sanctions contre la Cour pénale internationale si elle ouvrait une enquête contre les USA et Israël au sujet de la Palestine. Cette déclaration indiquait que les juges de la CPI pourraient se voir refuser l'entrée aux USA et faire l'objet de sanctions contre leurs moyens financiers, et même être traduits en justice conformément à la loi américaine.

«Pour nous, la Cour pénale internationale est morte de facto. Les États-Unis utiliseront tous les moyens nécessaires pour protéger leurs citoyens et leurs alliés des poursuites injustes de cette cour illégale», avait souligné sans appel John Bolton dans son discours devant la Société fédéraliste.

La CPI a été fondée en 2002 à l'initiative de groupes des droits de l'homme et de plusieurs ONG. Son objectif proclamé était d'enquêter sur les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. A l'heure actuelle, 123 États sont membres du Statut de Rome — le traité qui a créé la Cour pénale internationale. Depuis le début, les USA ont refusé d'adhérer à cette initiative: ils ont signé le traité sans le ratifier.

Actuellement, la CPI enquête sur les circonstances de crimes de guerre dans onze pays. En novembre 2017, la procureure de la Cour pénale internationale Fatou Bensouda (Gambie) a exigé une autorisation pour enquêter sur les crimes supposément commis par des soldats américains, des agents de la CIA et des services de sécurité du pays sur le territoire afghan.

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Après l'annonce des sanctions américaines, la CPI a déclaré être un «organe judiciaire indépendant et impartial ayant une importance décisive pour traduire en justice les responsables de crimes graves en matière de droit international», et s'est réservé le droit de poursuivre son activité. En janvier, l'un des juges de la CPI avait quitté la cour en signe de protestation contre la pression de l'administration Trump, entre autres.

Jamil Dakwar, directeur du programme des droits de l'homme de l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), a décrit la nouvelle politique de l'administration américaine comme une «tentative sans précédent d'échapper aux poursuites internationales pour des crimes de guerre».

Le représentant de Human Rights Watch Richard Dicker a qualifié la déclaration de Mike Pompeo d'«intention révoltante d'intimider la cour et d'empêcher les enquêtes sur le comportement des USA». Il a appelé les pays membres de la CPI à soutenir la cour et à faire savoir qu'ils ne toléreraient pas les efforts des USA pour empêcher son travail.

Et bien que la capacité de la cour internationale à traduire en justice les responsables de crimes de guerre soit insignifiante, Washington considère son activité comme une menace pour sa souveraineté.

Il est peu probable que les militaires américains soient jugés un jour à La Haye pour leurs crimes. Toutefois, en 2002 déjà, le Congrès américain a adopté la loi sur la protection des militaires américains (ASPA) interdisant à la CPI de mener des enquêtes sur ces derniers sur le territoire américain. Les opposants au texte le qualifiaient de «loi sur l'invasion de La Haye» à cause de ses termes autorisant les militaires américains à agir afin de sauver tous les citoyens américains interpellés dans le cadre d'une procédure judiciaire.

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Jusqu'à la récente déclaration de Mike Pompeo, ce scénario hypothétique semblait relever de la fiction. La nouvelle initiative de l'administration Trump fait un pas de plus dans ce sens, en écartant complètement les enquêteurs de la CPI du déclenchement d'une enquête sur les crimes éventuels des militaires américains.

— Ainsi, vous avez tiré près de 67 coups de feu?

— C'est exact.

— Et combien de personnes avez-vous tué? A ce moment précis?

— Voyez-vous, je tirais avec un fusil automatique… Il est difficile de dire combien. Peut-être dix ou quinze personnes.

— Des hommes, des femmes et des enfants?

— Oui.

— Et des nourrissons?

— Et des nourrissons.

Ceci est le fameux extrait de l'interrogatoire du soldat Paul Meadlo, de la compagnie Charlie du 1er bataillon du 20e régiment d'infanterie des USA, impliqué dans l'un des crimes de guerre les plus retentissants de l'histoire récente. Il est question du massacre de My Lai, dans le village vietnamien de Son My, où, en mars 1968, les porteurs des «valeurs démocratiques occidentales» ont cruellement assassiné plus de 500 civils, dont 210 enfants.

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A présent, l'administration américaine en place tente de protéger ses nouveaux «paul meadlo» parmi ses militaires et collaborateurs de sociétés militaires privées affiliées au Pentagone et à la CIA, face à la justice qui les poursuit pour leurs crimes commis dans la guerre interminable en Afghanistan.

Au lieu de poursuivre les criminels de guerre, l'administration Trump s'est tournée contre la cour qui est destinée à punir ces criminels.

Il ne faut pas suivre cette voie. Pour deux raisons. Premièrement, toute armée dont les crimes sont couverts de manière aussi cynique se désintégrera et se transformera en bande criminelle tôt ou tard. Deuxièmement, une pratique totalitaire aussi scandaleuse, propre aux États-transgresseurs des droits de l'homme les plus invétérés, est profondément vicieuse en soi. L'histoire punit toujours ce genre de pays de la manière la plus intransigeante.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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