Affaire Khashoggi: Riyad cherche-t-il à venger Ankara?

© AP Photo / Etienne Oliveau/PoolMohammed ben Salmane
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L'Arabie saoudite aurait lancé la mise en œuvre de sa stratégie visant à affaiblir le gouvernement turc, selon un rapport.

Un rapport confidentiel préparé pour les autorités émiraties, et intercepté par des médias occidentaux, souligne que le prince héritier Mohammed ben Salmane était furieux à cause de l'ampleur du scandale autour du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi à Istanbul, fortement médiatisé par la partie turque. Pour cette raison, Riyad aurait mis au point un plan de déstabilisation de la situation en Turquie, écrit le quotidien Nezavissimaïa gazeta.

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Le lancement de la mise en œuvre de la stratégie antiturque par la monarchie saoudienne a été rapporté par le site Middle East Eye, basé au Royaume-Uni. Ce dernier a réussi à mettre la main sur un rapport préparé spécialement pour Abou Dabi par un centre analytique émirati, dont le contenu était confidentiel. Le document, intitulé «Rapport mensuel sur l'Arabie saoudite», indique qu'au printemps 2019 Riyad a formulé un ensemble de mesures visant à lutter contre la politique turque aussi bien vis-à-vis du royaume que de la région. Ces mesures ont pour but d'utiliser «tous les instruments possibles pour faire pression sur le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan». En particulier, Riyad compterait stimuler «les problèmes intérieurs [en Turquie, ndlr] dans l'espoir que l'opposition renverse Erdogan», ce qui pourrait sembler réaliste compte tenu du triomphe de l'opposition lors des élections municipales.

De possibles mesures

Toutefois, ce rapport ne précise pas si Riyad financera et apportera sciemment un soutien politique à l'opposition turque. Mais il comporte d'autres détails. Le gouvernement saoudien, selon les auteurs du rapport, veut «mettre en joue l'économie turque et faire pression sur les investissements saoudiens en Turquie».

Parmi les mesures économiques envisagées: la restriction du flux touristique saoudien en Turquie par l'ouverture de nouvelles destinations, la réduction des importations de produits turcs et la minimisation du rôle d'Ankara dans les questions régionales liées à l'islam. Selon les auteurs du rapport spécial, le récent refus de Riyad de laisser entrer sur son territoire des camions avec des marchandises turques témoigne du début de la mise en œuvre de la stratégie antiturque. Presque cent véhicules sont restés à la frontière saoudienne pendant deux semaines. Après cette longue attente, Riyad a autorisé leur entrée sur le territoire. On ignore si la Turquie a subi des pertes.

Ces mesures antiturques sévères sont dues, soulignent les auteurs, à l'assassinat de Jamal Khashoggi. Ankara a activement participé au dévoilement des détails du crime commis, selon les informations actuelles, par des assassins saoudiens sur ordre personnel du prince héritier.

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Les analystes estiment que les autorités turques n'ont pas fourni d'informations «concrètes et honnêtes» pour aider l'enquête saoudienne. Au lieu de cela, Ankara, d'après les auteurs, a lancé une «campagne de désinformation». Les efforts du gouvernement turc visaient à «déformer l'image du royaume et anéantir la réputation du prince héritier». Cependant, selon les experts, Riyad a conclu qu'Erdogan avait échoué dans sa tentative de politiser et d'internationaliser l'affaire. L'Arabie saoudite a réussi à s'en tirer, concluent les Emiratis. Toutefois, cela n'a pas dissuadé le prince Mohammed d'engager des contremesures.

Dossier syrien

La politique saoudienne antiturque revêt également une dimension extérieure. On estime que Riyad tenterait de lutter contre l'expansion turque dans les régions Nord de la Syrie. Ainsi, le gouvernement saoudien n'alloue pas seulement des fonds aux États-Unis pour «stabiliser le Nord-Est de la Syrie» mais participe aussi très activement, sur le plan diplomatique, aux négociations avec les tribus arabes locales mécontentes de l'emprise de représentants kurdes sur les organes du pouvoir local.

La province de Deir ez-Zor, au Nord-Est du pays, a été visitée le 13 juin par le ministre saoudien des Affaires du golfe Persique, Thamer al-Sabhan. Ce dernier a rencontré des leaders de groupes militarisés kurdes, des cheikhs de tribu et des représentants américains - le sous-secrétaire d’État Joel Rayburn et le conseiller spécial des forces de la coalition internationale, William Robak.

Durant sa viste, Thamer al-Sabhan a appelé les cheikhs de tribu à aider la coalition multinationale des Forces démocratiques syriennes (FDS) ayant libéré ces territoires, et qui se compose principalement de Kurdes. La présence saoudienne dans ces régions pourrait équilibrer l'influence turque sur le Nord de la Syrie. 

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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