Macron, le candidat de la société liquide

Macron, le candidat de la société liquide
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Pour notre chroniqueur Edouard Chanot, Emmanuel Macron reflète les travers du progressisme.

Notre chroniqueur Edouard Chanot a l'air d'avoir mal au crâne aujourd'hui…

Il est en précampagne. On ne sait pas trop ce que cela veut dire mais il organise des meetings, et rencontre même des hommes d'affaires pour financer d'autres meetings. Et puis il donne des interviews et répond même aux questions en usant de la première personne… comme ça, innocemment.

Mais bon, il n'annoncera sa candidature que dans deux à trois mois. Un peu comme une adolescente qui minauderait et hésiterait avant d'accepter un rencard. Ainsi est-il quelque peu indécis, mais il faut bien dire que l'indécision est un mal de notre temps.

Et pourtant il a du succès. 3500 adhérents à Lyon, contre 2000 pour un PS moribond et puis les Gracques, ce club d'énarques de centre-gauche, semblent l'avoir rejoint. Ils veulent l'écouter, et c'est normal : même quand Emmanuel Macron hésite, Emmanuel Macron parle quand même beaucoup.

Pour preuve, cet entretien de 18 pages, oui, 18, accordé au magazine Challenges, un magazine plus habitué aux enquêtes marketing qu'à la politique. C'est pour cela que j'ai mal au crâne…

Alors que peut-on y lire?

Mais je ne sais pas… je dois admettre ne pas savoir. Macron en fait, est un être ondoyant, louvoyant. La société de la modernité tardive est « liquide », comme le pense Zygmunt Bauman, et Macron semble d'ailleurs l'admettre, en disant « la clef est d'expliquer le cours du monde ». Mais lui-même est une expression pure de cette liquéfaction : lui aussi est l'un de ces individus qui, malgré leur confiance ou leur épanouissement apparent, vivent en réalité dans la crainte permanente de rater le prochain changement, d'être pris en flagrant délit d'obsolescence…

Ainsi veut-il refléter la rupture et l'union… mais l'essentiel est ailleurs: « Il y a désormais plusieurs France, nous dit-il, pour réunifier ces France, il faut proposer une nouvelle explication du monde et projeter le pays tout entier dans un horizon retrouvé de progrès collectif ».

Eh oui, la posture du progrès! Une promesse de bonheur, d'un avenir radieux. Il en parle souvent, de ce « progrès ». Déjà en mai dernier évoquait-il la « possibilité même du progrès pour tous », et pour cela il veut rassembler « les forces progressistes », et fonder une « autorité démocratique » sur une « projection dans l'avenir ».

Ainsi Macron vulgarise-t-il un progressisme déjà vulgaire: il lui suffit d'être en mouvement, en avant — « En marche! », n'est-ce pas?— sur la route d'un bonheur hypothétique. Il faut bouger parce que tout bouge. L'impression du dynamisme et de la jeunesse suffit en elle-même. Alors sans doute voudrait-il durer, mais pour cela, encore faudrait-il être…

Mais ne peut-il pas incarner une rupture? N'avance-t-il pas un discours jusque-là peu entendu?

Notre énarque-banquier s'est lancé dans une métaphysique de sa campagne présidentielle. Voilà, c'est la meilleure définition que j'aie pu trouver de sa précampagne un peu trop éthérée. Pour ce qui est de la rupture, ne soyons pas dupes: il entend « reconstruire cette social-démocratie, tracer à nouveau un chemin vers le progrès, réguler la mondialisation ». Rien de très original dans une telle vision.

Mais quand même… Marie, tu me pousses à l'objectivité, merci. Sa présence n'est pas sans importance. Macron pense qu'il existe deux France et voudrait incarner l'union. Mais avec lui, autant qu'avec Juppé d'ailleurs, c'est en réalité un tripartisme qui se dessine: les socialistes à gauche, les réacs' à droite, et un centre libéral-libertaire. La France était depuis belle lurette scindée en deux… Maintenant, elle le sera en trois. 

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