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Les économistes ne mangent pas tous des enfants! Rendez-vous chaque semaine avec Jacques Sapir, Clément Ollivier et leurs invités pour égrener les sujets de fond qui se cachent derrière le tumulte de l’actualité.

100% de dette publique: c’est grave docteur?

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Le niveau de la dette publique française est couramment présenté comme inquiétant. Mais un constat purement comptable est-il pertinent en économie? L’État doit-il se comporter en «bon père de famille»? Nos enfants devront-ils payer nos excès? Démontage de quelques idées reçues avec l’économiste Bruno Tinel, invité des Chroniques de Jacques Sapir.

Avec des emprunts cumulés dépassant les 2.200 milliards d'euros, le taux d'endettement public de la France approche les 100% du PIB. Un chiffre marquant qui est souvent avancé pour justifier les baisses de dépense publique. Mais d'où vient cette dette, et est-il convaincant de calculer son taux en proportion du PIB? Les finances publiques sont fréquemment comparées à celles d'un ménage qui vivrait au-dessus de ses moyens en contractant un crédit trop important. Mais l'État fonctionne-t-il réellement comme un «bon père de famille»? Allons-nous vraiment laisser à nos enfants un gouffre financier en héritage? D'ailleurs, un État pourrait-il se passer totalement de dette publique? Est-elle bien un fardeau handicapant ou au contraire un outil financier utile?

Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Bruno Tinel, économiste, maître de conférences à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et auteur de Dette publique: sortir du catastrophisme (éd. Raisons d'agir, 2016).

Bruno Tinel insiste sur le fait de ne pas confondre la dette d'un État et celle d'une personne qui aurait par exemple une dette de jeu: la dette publique est contractée pour obtenir une créance, c'est-à-dire une contrepartie réelle, alors qu'une dette de jeu est un pur trou financier. Selon l'économiste, «c'est donc totalement faux de dire comme Emmanuel Macron que ce sont les générations futures qui devront payer la dette publique. En réalité, la dette publique est détenue d'ores et déjà par des gens qui sont vivants et suffisamment fortunés pour pouvoir en détenir. Cette dette n'est donc pas intergénérationnelle mais intragénérationnelle: elle donne lieu à une redistribution entre des gens qui vivent à la même époque, c'est un enjeu interne à chaque génération. Et au fil du temps, on transfère aux générations suivantes à la fois les dettes mais également les créances, c'est-à-dire le patrimoine public. La dette publique n'a absolument pas la même nature que celle d'un ménage ou d'une entreprise, puisque la particularité de l'État, c'est que son horizon temporel est bien plus long, ça peut être des siècles et des siècles.»

Pour Jacques Sapir, le taux d'endettement ne devrait pas être calculé par rapport au PIB: «Quand on calcule la dette en pourcentage du PIB, on compare en fait un stock (la dette) avec un flux (le PIB), alors qu'on devrait comparer un stock avec un autre stock. En bonne comptabilité, il faudrait comparer la dette à l'ensemble des actifs détenus par l'État, or c'est un ensemble largement supérieur au PIB. Quand on présente la dette publique comme atteignant les 100% du PIB, le chiffre en lui-même est juste mais il s'agit une erreur comptable. Mais ce n'est pas une erreur innocente: cette représentation vient des banques et du FMI, qui l'ont construite pour calculer ce qu'on peut payer comme intérêts sur la dette. Quant au chiffre de 100%, il semble énorme mais il faut se rappeler qu'en 1945, la France était endettée à 145% de son PIB. Quinze années plus tard, ce taux n'était plus que de 35%. Avait-on remboursé la dette? Absolument pas, mais la croissance, autrement dit l'augmentation du PIB, avait été bien plus rapide que celle de la dette. Contrairement à un ménage ou à une entreprise, un État ne rembourse en fait jamais la dette, mais seulement les intérêts.»

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