Boeing s'est implanté en Russie en 1991 et, d'après les données du groupe américain, a déjà investi 2,5 milliards de dollars environ dans différents projets russes, dont la création d'un bureau d'études à Moscou (conception d'éléments pour trois modèles d'avions Boeing) et l'assistance consultative au projet d'avion régional Superjet-100 réalisé par le holding Sukhoi. L'année dernière, Boeing et EADS ont proposé, presque en même temps, au gouvernement russe un programme de coopération à long terme, pour vingt à trente ans, qui promettait des commandes pour l'industrie aéronautique russe à hauteur de 25 à 27 milliards de dollars. Boeing, pour sa part, a promis d'employer la majeure partie de ce montant, 18 milliards de dollars, à l'achat de titane à VSMPO-Avisma et a signé au mois d'août un accord de création d'une coentreprise avec la société russe. Mais au milieu de l'année le "gouvernement semblait avoir préféré l'Europe", selon une source proche du producteur de titane russe.
Cet été la Banque russe pour le commerce extérieur (Vneshtorgbank) a acheté en bourse une participation de près de 6% dans EADS. En novembre, un groupe aéronautique national (OAK) a été créé et a ouvert un débat sur le programme de coopération avec le groupe européen. La coentreprise de Boeing et de VSMPO-Amisva n'est pas encore enregistrée mais elle sera constituée sans faute au début de 2007, a assuré au quotidien Vedomosti le directeur de la société russe, Vladislav Tetioukhine. Cette information a été confirmée par un représentant de Rosoboronexport, principal actionnaire de VSMPO-Avisma.
Les représentants de Boeing ont été hier avares de paroles. Boeing est satisfait de la coopération actuelle avec la Russie et espère qu'elle sera aussi fructueuse dans l'avenir, et que la coentreprise avec VSMPO verra le jour, a souligné le représentant du groupe américain Michael Tull. Le président d'OAK, Alexeï Fedorov, s'est abstenu de tout commentaire. Le chef de la représentation d'EADS en Russie, Vadim Vlassov, s'est contenté de faire remarquer que les dirigeants d'OAK et d'EADS s'étaient rencontrés hier pour la première fois pour étudier les "possibilités d'intégration".
La déclaration d'Igor Chouvalov n'a pas étonné les experts. "EADS a été créé comme un groupe interétatique. D'autre part, l'Europe, à l'opposé des Etats-Unis et de la Chine, peut partager avec nous ses technologies et accepter OAK comme partenaire", a estimé Konstantin Makienko, du Centre d'analyse des stratégies et des technologies. Seule la crise de gestion du groupe européen qui a retardé la livraison de deux nouveautés à la fois (A-350 et A-380) est capable d'empêcher la coopération avec la Russie.