L’espace, pour toujours: ces jeunes femmes russes préparent leur aller simple vers Mars

© Sputnik . Kirill Kallinikov / Accéder à la base multimédiaАнастасия Степанова, прошедшая во второй тур конкурса на участие в программе Mars One - экспедиции на Красную планету без права на возвращение
Анастасия Степанова, прошедшая во второй тур конкурса на участие в программе Mars One - экспедиции на Красную планету без права на возвращение - Sputnik Afrique
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Près de 200 000 personnes ont consenti à participer au projet de colonisation de Mars lancé par la société privée Mars One.

L'arrivée des premiers hommes sur la Planète rouge n'aura lieu que dans dix ans au plus tôt mais les participants se préparent déjà au vol sur le plan physique et moral. Seuls 100 colons éventuels du monde entier ont passé les cinq dernières années d'essai, et la sélection se poursuit. Quatre jeunes filles russes ont atteint la demi-finale.

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Un aller simple et une mission responsable les attend au bout du chemin. Sputnik leur a demandé pourquoi elles voulaient partir vers Mars, et se penche sur les détails de la mise au point du projet Mars One.

L'espace, pour toujours

Anastassia Stepanova, l'une des demi-finalistes, est née en Ouzbékistan. Malgré l'absence de secteur spatial dans la république, elle a toujours voulu devenir cosmonaute. Elle est ensuite entrée à la faculté de journalisme de l'Université d'État de Moscou pour y étudier le journalisme spatial sous la direction de Iouri Batourine.

«Nous avons écrit ensemble le livre Je vous souhaite un bon vol — l'académicien Korolev avait dit ces paroles à Iouri Gagarine avant le lancement», raconte-t-elle.

Anastassia a appris l'existence du projet Mars One par la presse et décidé: «C'était maintenant ou jamais. J'ai rempli un questionnaire, enregistré un message vidéo, passé des tests psychologiques. Je pense que de nombreuses personnes ne comprenaient même pas où elles avaient envoyé leur requête, mais personne ne leur interdisait d'essayer».

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Ekaterina Ilinskaïa, une autre «martienne», s'était promis dans l'enfance qu'elle voyagerait dans l'espace si jamais elle en avait la possibilité: «C'est une aventure captivante, que je ne pourrais jamais organiser moi-même». Ekaterina est maître des sports en développé couché et championne de la région de Moscou de vol en wingsuit. Amatrice de sports extrêmes, de longs voyages en voiture et d'alpinisme, elle aime aussi le saut en parachute et les motos.

Mars, nous arrivons

Le projet commercial Mars One est dirigé par le néerlandais Bas Lansdorp, dont l'équipe compte huit collaborateurs. La société assure la sélection des futurs «martiens» et leur préparation au vol, mais ne s'occupe pas elle-même de la construction de vaisseaux spatiaux. Selon Lansdorp, ce travail sera conféré à des sous-traitants que Mars One compte rémunérer. Selon l'entreprise, la mise en œuvre du projet nécessite près de 6 milliards de dollars, et chaque futur lancement en exigera encore 4 milliards.

Les fonds sont levés par des moyens différents, notamment grâce au financement participatif ou aux investisseurs privés. Les organisateurs de la mission envisagent de tourner un documentaire sur la vie de l'homme sur la Planète rouge, qui sera retransmis ensuite à la télévision.

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Les auteurs du projet veulent utiliser des prototypes déjà existants conçus par d'autres entreprises. D'abord, Mars One lancera un drone afin de trouver un lieu convenable à l'établissement de la colonie. Ensuite on enverra de la Terre vers Mars un module d'atterrissage et un satellite de communication. La construction de ce module devrait se baser sur la sonde Phoenix utilisé par la NASA en 2007. On envisageait initialement de débarquer les premiers colons de Mars One en 2025, mais les délais ont été reportés à plusieurs reprises: on table actuellement sur l'année 2031 avec quatre colons, puis encore quatre deux ans après et ainsi de suite (la première colonie devrait être constituée de 24 Terriens).

Comment ne pas devenir fou?

Les participants ne savent toujours pas ce qu'ils feront sur la Planète rouge: les fonctions seront réparties après la sélection finale. Leur objectif principal sera d'élargir le bloc d'habitation et de déterminer s'il y a une vie sur Mars.

«Imaginez que vous vous retrouvez sur une planète où il n'y a plus personne. Vous devez avoir des acquis qui vous permettront de survivre. Il faut connaître l'ingénierie, être mécanicien, médecin, biologiste, géologue. Si un accident arrivait à un membre de l'équipage, il devrait être remplacé par un autre», explique Anastassia.

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Elle a déjà commencé à se préparer à une vie aussi difficile en suivant des cours de secourisme et a entamé un deuxième cycle d'études supérieures en «mécatronique et robotique». Elle a dû changer son régime pour s'habituer à la nourriture «martienne»: elle a exclu le sucre, le gras, le lait et le fromage. Elle fait du yoga, de la natation et du jogging pour maintenir son tonus musculaire — elle déteste courir, mais elle n'a pas vraiment le choix.

Comme Ekaterina, la deuxième demi-finaliste, participe souvent à des compétitions de développé couché, elle sait comment il faut préparer son organisme aux efforts sérieux.

«J'ai deux diplômes: un en psychologie et l'autre en fitness. Les deux seront utiles sur Mars. Il y faudra rester en bonne forme, et je sais comment on peut le faire de manière plus efficace. J'ai des connaissances en biologie et en anatomie, et je pourrais être un bon médecin si je faisais des études supplémentaires», affirme la future martienne.

Pas de place pour les égoïstes

Selon les calculs des astrophysiciens, le vol de la Terre vers Mars devrait durer environ sept mois. Le vaisseau est un petit espace confiné, sans douche (seulement des serviettes humides), avec le bruit constant des ventilateurs et l'exigence de réaliser trois heures d'exercices physiques par jour. Ce voyage sera donc difficile, sans aucun doute.

L'année dernière, Anastassia a envoyé une requête pour participer à Mars 160, un autre projet d'étude de la Planète rouge lancé par l'association sans but lucratif Mars Society en partenariat avec l'Institut des problèmes médico-biologiques de l'Académie des sciences de Russie. La jeune femme et les autres participants ont passé trois mois en isolation complète dans une station de recherche située dans le désert de l'Utah aux USA et un mois en Arctique. Ils travaillaient dans des scaphandres et ne voyaient personne hors de leur groupe. Ils voulaient démontrer ainsi qu'il était possible de vivre dans des conditions comparables à celles de Mars.

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Anastassia Stepanova, l'une des demi-finalistes - Sputnik Afrique
Anastassia Stepanova, l'une des demi-finalistes

«Le désert m'a persuadée que c'était mon truc. Il est très difficile de travailler en isolement avec les mêmes gens. C'est pourquoi l'égoïsme ne doit pas dépasser la limite acceptable. Il existe déjà un code de règles qui peut aider à ne pas devenir fou. Qui plus est, les psychologues sur Terre travailleront à distance avec l'équipage», explique Anastassia.

Vous ne verrez plus jamais vos proches

Mais tout le monde ne veut pas vivre le reste de sa vie en isolement sans ne plus jamais voir ses proches. Anastassia estime qu'il est encore trop tôt pour préparer sa famille: même si elle atteignait la finale, elle devrait encore passer dix ans d'entraînements.

«Beaucoup de colons ont fait des enfants depuis que la sélection a commencé il y a cinq ans, mais ils n'ont pas renoncé à participer à Mars One. Je n'ai pas pour le moment de tels projets, j'ai d'autres objectifs. Qui plus est, la mission pourrait changer, et nous pourrions passer plusieurs années sur Mars pour enfin revenir à notre planète», souligne-t-elle.

Ekaterina, pour sa part, a prévenu ses proches. Leur réaction a été assez philosophique: «Selon eux, il vaut mieux que je pars vers Mars plutôt que voyage en auto-stop en Colombie».

Sur la fuite et le destin

Personne n'est encore en mesure de prévoir les répercussions du vol et du séjour sur Mars sur l'organisme humain. L'expérience des colons sera probablement utile à la médecine et permettra de faire de nouvelles découvertes. «Des risques existent certainement. Il est possible qu'on n'atteigne jamais notre objectif. Mais, après nous, les futurs vols vers Mars seront dans tous les cas moins dangereux», ajoute Anastassia.

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Ce n'est pas par hasard que les gens qui s'engagent à voler sacrifient tout au nom de l'étude de l'espace, estime la «martienne». Ce n'est pas un divertissement, ni une fuite:

«Nous comprenons ce qui nous attend. La beauté de l'espace réside dans le fait qu'il sera toujours plus grand que toi. Quel que soit le niveau de notre développement, nous aurons toujours de nouveau horizons à étudier. Même si Mars One n'est pas mis en œuvre, j'estime que ma participation ne sera pas vaine».

Ekaterina n'est visiblement pas non plus perturbée par l'issue tragique éventuelle de cette mission: «J'ai des pensées de ce genre chaque jour quand je quitte Moscou. Il est beaucoup plus probable de mourir dans un accident de la route que sur Mars. Je me suis habituée à cette pensée».

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Les scientifiques ont plus d'une fois émis des doutes concernant la faisabilité technique et financière du projet, ainsi que l'éthique de ses fondateurs. L'astrophysicien Joseph Roche, qui fait partie des 100 finalistes, affirme avoir été exclu du programme après son interview à la revue Medium. Selon lui, les organisateurs exigeaient de l'argent des participants et menaient les tests de manière nonchalante. Anastassia l'explique très simplement: les spécialistes ne pouvaient pas physiquement rencontrer tous les participants ni leur envoyer de l'argent pour un billet. C'est pourquoi ils se sont parlé via Skype. Qui plus est, sa participation a coûté 300 roubles (moins de 5 euros).

«Les examens n'ont évidemment pas été aussi sérieux que ceux organisés par la NASA ou Roscosmos. Je pense que les dernières étapes prévoient une sélection scrupuleuse des meilleurs parmi les meilleurs, ceux qui savent précisément pourquoi ils veulent se rendre à Mars», estime-t-elle.

Des lacunes générales

Les chercheurs ont pourtant décelé plusieurs erreurs techniques dans le projet. Ainsi, selon Alexandre Ilin, qui a participé à l'expérience dans l'Utah, on ne sait rien des sources de nourriture des colons et de la lumière pour la serre, dont les volumes nécessaires restent toujours inconnus.

«Tous les martiens seront donc végétariens, ou on leur enverra de la viande en conserve pour des milliards de dollars?»

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Selon lui, on ne sait pas non plus comment les colons produiront de l'eau. Cela nécessite beaucoup d'énergie, le traitement de masses importantes du sol et des fonds considérables. «Si le bulldozer doit être chargé à l'aide de panneau solaires, a-t-on des estimations de sa masse? Il ne s'agit évidemment pas d'un rover simple comme celui présenté sur des dessins. Et la poussière martienne? Les colons devront-ils la balayer des panneaux?» s'interroge-t-il.

Qui plus est, les représentants de Mars One n'expliquent pas comment les colons atteindront la surface martienne de manière non dangereuse pour l'homme. Ils n'ont probablement aucun calcul concret.

«En général, on peut résoudre ces problèmes techniques si l'on a assez de fonds. Tout est possible, mais pas dans la variante présentée par les gars de Mars One. Pour eux, il ne s'agit pas de science-fiction mais d'un conte de fées», souligne Ilin.

Anastassia et Ekaterina indiquent que les organisateurs les tiennent au courant et leur envoient des e-mails contenant des rapports.

«Il est très compliqué de lancer un tel projet sans capital. En 2013, aucune entreprise n'avait d'accord pour la construction de matériel, alors qu'aujourd'hui — à ce que je sache — on a présenté deux concepts de vol. Mars One a récemment obtenu 6 millions de dollars d'un groupe d'investissement, et on devrait nous annoncer en novembre la date de la dernière étape. L'humanité a toutes les chances de mettre en œuvre ce projet», affirme Anastassia.

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