Albatros, l’innovation russe pour surveiller la qualité des eaux marines

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Des chercheurs russes ont mis au point un nouveau procédé à l’appellation poétique, Albatros, dans le but de surveiller l’état des eaux marines et de pouvoir prendre, si nécessaire, des mesures appropriées en cas de catastrophe d’origine naturelle ou humaine.

L’évaluation des changements climatiques et de la qualité des eaux marines exige d’identifier avec précision les sources d’arrivée de matière organique dans l’océan. Ces informations sont également indispensables pour prendre des décisions en cas de catastrophe d’origine naturelle ou humaine. L’importance de ces recherches et leurs résultats ont été évoqués pour Sputnik par des scientifiques de grandes universités russes.

L'analyse des composés organiques arrivant dans les mers du plateau continental arctique avec le ruissellement des rivières permet d'évaluer avec précision l'ampleur de la fonte du pergélisol. En outre, la composition des matières organiques dans l'eau de mer est influencée par les sels de métaux lourds et les polluants organiques issus des eaux usées domestiques comme industrielles. Cela étant, les scientifiques vérifient régulièrement la composition de l'eau de mer dans la zone du plateau continental.

Les procédés

Différentes méthodes physico-chimiques sont utilisées pour évaluer les changements saisonniers et dimensionnels de la composition des matières organiques dissoutes. La plus rapide et la moins chère est la spectroscopie de fluorescence 3D. Cette technique repose sur le fait que les matières organiques absorbent la lumière UV, la nature de la lumière qu'elles émettent dépendant de leur structure.

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Les chercheurs irradient les matières étudiées avec des ultraviolets de différentes longueurs d'onde et chacune des substances contenues émet un ensemble de fréquences qui lui est propre. De plus, l’intensité du rayonnement traduit son degré de concentration dans l’eau.

Cependant, dans la nature, c’est un peu plus compliqué qu'en laboratoire: l'eau de mer contient des milliers de composés organiques et il devient impossible de les identifier tous sur la base des spectres de fluorescence. Mais pour résoudre des problèmes scientifiques et pratiques, point n’est besoin d’informations exhaustives sur la composition de l’échantillon, il suffit de déterminer plusieurs composés importants. Ce qui fait que les méthodes optiques sont largement utilisées pour étudier l'eau de mer.

L’essentiel, et le plus difficile, est d’établir le nombre minimum de substances principales qui permettra de déchiffrer les résultats, a déclaré Timour Laboutine, de la faculté de chimie à l'université Lomonossov de Moscou.

«Sur la base des spectres expérimentaux, il est impossible de dire combien de composés ont figuré dans leur formation, étant donné que les lignes des spectres individuels se superposent. Par conséquent, nous avons recours à des méthodes mathématiques modernes qui permettent de décomposer le spectre obtenu en composantes, notamment PARAFAC (parallel factor analysis). Cette méthode, qui repose sur le critère statistique, convient on ne peut mieux à l'analyse du spectre», a-t-il expliqué à Sputnik.

L'utilisation d’une série plus fournie de composantes qu'il n'y en a réellement risque d’entraîner une erreur, a-t-il prévenu. La décomposition sera achevée, mais le programme ne donnera qu’une seule du nombre infini de réponses qui, bien que mathématiquement exactes, décrivent de manière faussée les données expérimentales.

À l’heure actuelle, pour évaluer le nombre «correct» de composantes ayant formé les spectres obtenus, le chercheur a recours à différentes approches empiriques qui lui permettent de choisir au «pifomètre» la bonne option.

Une innovation à l’appellation poétique

Dirigés par Timour Laboutine, les employés de la faculté de chimie de l'université Lomonossov ont proposé un algorithme de sélection du nombre de composantes qui a considérablement amélioré la fiabilité du résultat. Une contribution importante dans ces études a été faite par Ivan Krylov, doctorant en chimie laser, ainsi que par d'autres étudiants.

L’innovation des jeunes scientifiques, poétiquement baptisée Albatros, permettra de déterminer avec plus de précision les sources d'entrée de matière organique dans l'océan, ce qui est crucial pour évaluer le changement climatique et assurer la surveillance écologique des mers. L'algorithme a été appliqué avec succès lors de l'étude d’échantillons recueillis au cours d’une expédition dans les mers du plateau continental arctique russe.

Des scientifiques de l'institut océanographique Chirchov ont employé avec succès Albatros pour analyser plus de 60 échantillons d'eau des mers des Laptev et de Kara, ainsi que des eaux côtières de Nouvelle-Zemble lors des prélèvements menés depuis le navire Académicien Mstislav Keldych.

Obtenir des informations sur l'état du plateau continental en temps réel est la condition sine qua non de mesures appropriées en cas de catastrophe d’origine naturelle ou humaine, a souligné Natalia Tarassova, membre correspondant de l'Académie des sciences de Russie et directrice de l'Institut de chimie et des problèmes de développement durable à l'université Mendeleïev de Technologie chimique.

«Il est également essentiel de déterminer les modèles de présence de carbone organique dans les eaux côtières, modèles qui dépendent des modifications dans l’écoulement fluvial sous l’effet du changement climatique. Nous espérons que la recherche sera matérialisée prochainement sous la forme d’un appareil produit en série», a-t-elle encore indiqué à Sputnik.

Pour la surveillance écologique, les scientifiques de l'université Lomonossov proposent d'utiliser des fluorimètres portables, réglés pour analyser les eaux en temps réel à l'aide d’Albatros, ce qui permettra de préciser l'ampleur des accidents écologiques, les directions suivies par les eaux naturelles et polluées ainsi que, si nécessaire, de détecter la source à l’origine de la pollution.

Les résultats de l'étude sont publiés dans la revue Chemometrics and Intelligent Laboratory Systems (https://doi.org/10.1016/j.chemolab.2020.104176). Le progiciel mis en œuvre en langage R et est disponible pour une utilisation gratuite (https://CRAN.R-project.org/package=albatross).

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