Covid-19 et isolement social: «les neurones et les cellules autour des neurones marchent moins bien»?

© Photo ColiN00B / PixabayNeurones, cellules nerveuses, cerveau. Image d'illustration.
Neurones, cellules nerveuses, cerveau. Image d'illustration. - Sputnik Afrique
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Des milliers des personnes ont été obligées de vivre isolées dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Peut-on évaluer l’incidence de cette exclusion sur la structure et l’activité cérébrale de l’homme? Pierre Bustany, neurobiologiste à Caen, analyse pour Sputnik les données scientifiques existantes.

Dans le cadre de la pandémie mondiale de Covid-19, les conséquences de l’isolement social sur la santé mentale et physique n’ont pas encore été étudiées en profondeur. Néanmoins, la tendance à l’isolement est ancienne et le nombre de personnes vivant seules augmente régulièrement depuis des décennies.

Pour étudier les conséquences neurologiques de l’isolement, les scientifiques ont mené nombre de leurs études sur les animaux, dont les souris. L’une des dernières en date a été récemment publiée par des neuroscientifiques du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT).

«La recherche médicale est à l’arrêt» à cause de la pandémie

Les auteurs américains se réfèrent à leurs propres recherches antérieures pour montrer que, chez la souris, les neurones producteurs de dopamine (un neurotransmetteur que l’on a pris l’habitude, en simplifiant les choses, d’appeler «hormone du bonheur»), situés dans le mésencéphale (ou cerveau moyen, une partie essentielle du système nerveux) réagissent à l’isolement, augmentant leur sensibilité aux interactions sociales.

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Une série d’expériences, durant laquelle les scientifiques ont testé chez l’homme ce qu’ils avaient précédemment étudié chez l’animal, les ont amenés à constater que le cerveau de la souris et le cerveau humain réagissaient à l’isolement de manière similaire.

Pierre Bustany, neurobiologiste à Caen, est connu pour avoir démontré il y a plusieurs années «qu’après trois semaines d’isolement sensoriel, le cerveau s’abîme». Néanmoins, il souligne au micro de Sputnik que dans le cadre de la pandémie actuelle, il n’y a pas d’«images de comportement reliées à des bases neuronales comme on le faisait avant le confinement, en IRM», nécessaires pour la recherche.

«On ne sait pas s’il y a des lésions cérébrales liées à l’isolement. Depuis le mois de janvier, on n’a plus le droit de faire des manipulations ou de recruter les patients», souligne Pierre Bustany.

«La recherche médicale est à l’arrêt», déplore le neurobiologiste. Effectivement, si «la recherche fondamentale marche encore», tous les tests médicamenteux, «sauf pour le Covid», sont arrêtés, parce que les scientifiques évitent de faire venir les volontaires à l’hôpital pour tester de nouveaux médicaments. En conséquence, les chercheurs ne peuvent pas avoir de résultats probants.

Lien possible, mais non prouvé entre l’isolement et les troubles cérébraux

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Mais en dehors du fait que l’«on ne sait pas encore s’il y a des troubles révélés par l’isolement», le professeur Bustany souligne, en commentant les travaux de ses confrères d’outre-Atlantique, un fait plus important: «le comportement de l’homme est bien particulier». Un animal vit et s’affirme dans une meute, «avec une hiérarchie très forte, que l’on n’a pas chez l’homme

«Si vous coupez ces liens [de hiérarchie, ndlr], il est évident que l’on va trouver des manifestations dans le cerveau, au niveau cellulaire. L’homme a un fonctionnement cérébral bien particulier, qui peut avoir des conséquences sur des cellules. Mais l’animal a un psychisme beaucoup plus primaire», rappelle le neurobiologiste.

Le scientifique rappelle que dans les expériences où l’on place des rats «seuls dans une cage», les animaux sont «plutôt contents de ne pas avoir à lutter.» On ne peut pas calquer sur l’homme les expériences faites sur des rongeurs qui, se trouvant à deux, vont se battre pendant deux à trois jours «pour déterminer un dominant». «Chez l’homme, il y a plus de coopération, de liens», souligne le professeur Bustany.

«Le confinement peut être gênant, mais on n’a encore rien étudié du point de vue cellulaire. Si les gens souffrent, il y a une traduction métabolique, forcément. Les neurones et les cellules autour des neurones marchent moins bien. Mais pour l’instant, personne n’a encore rien mesuré», détaille Pierre Bustany.

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Dans le cadre d’un partenariat en neurosciences entre l’Université McGill et l’Université d’Oxford, des chercheurs ont publié un article soulignant qu’«une stimulation sociale insuffisante affecte la pensée et la mémoire, l’homéostasie hormonale, la matière et le fonctionnement du cerveau gris-blanc et la résistance aux maladies physiques et mentales.»

Le neurobiologiste français estime ainsi qu’en période d’isolement, quand un sujet exprime «une envie de sortir», celle-ci pourrait s’assimiler au «système de l’envie, au système du manque», englobant «les activités nécessaires à la prolongation de la vie et à sa préservation (de bas niveau de raisonnement).» Mais malgré le fait que «l’homme est le seul animal capable de tourner son agressivité contre lui-même» et que pendant le confinement «l’homme pense sans s’arrêter, en rond», le professeur Bustany insiste sur le fait que «sans imagerie nécessaire pour la recherche», aucun résultat probant ne peut être avancé.

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