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LHC: plus de 700 Russes ont participé à sa construction

 

Le grand collisionneur de hadrons (LHC), que le CERN vient d'inaugurer, a été construit avec la participation, entre autres, de plus de 700 spécialistes russes, rappelle Viktor Savrine, coordinateur de la participation de la Russie à ce projet.

 

Le LHC est le plus puissant accélérateur de particules de l'histoire. Il a été testé avec succès le 10 septembre. De nombreux chercheurs, ingénieurs, instituts de recherche et entreprises russes ont pris part à sa réalisation, a souligné dans une interview à RIA Novosti Viktor Savrine, directeur adjoint de l'Institut de recherche de physique nucléaire du MGOu (Université d'Etat Lomonossov de Moscou), en charge du projet pour la Russie.

 

"Au total, 700 physiciens russes ont travaillé activement à ce projet, et douze établissements scientifiques russes ont été impliqués dans ce programme, a rappelé  Savrine. Parmi ces établissements, il y en a huit très importants, tels l'Académie des sciences russe, Rosatom (organisme chargé du nucléaire civil russe), les Universités de Saint-Pétersbourg et notre université. Il y a eu aussi ce que l'on appelle des centres nucléaires fédéraux, comme l'Institut national de physique nucléaire, l'Institut national de physique technique, ou les Instituts de Sarov et Snéjinsk."

 

Le Grand collisionneur de hadrons, constitué d'un anneau de 27 km dans lequel des flux de protons accélérés à des énergies pouvant atteindre 7 TeV (Tera électronvolts) se télescoperont, a été construit par le CERN, à la frontière franco-suisse. Sa construction a coûté quelque six milliards de dollars.

 

La Russie a, depuis 1999, un statut d'observateur au sein de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (nom officiel du CERN). Bien qu'elle ne soit pas membre de cette organisation, la Russie possède des établissements scientifiques qui entretiennent avec celle-ci, depuis les années 60, des liens toujours vivaces. C'est dans ce contexte que des chercheurs russes ont participé activement au projet de création du LHC. A tel point que le directeur d'alors du CERN, Roger Cashmore, pouvait déclarer en substance, en 2000, en parlant des chercheurs russes: sans eux, nous n'aurions pas pu faire le LHC.

 

"La Russie a financé la construction aussi bien des détecteurs que de l'accélérateur lui-même, a poursuivi Viktor Savrine. Sa contribution est en moyenne d'environ 5% pour les détecteurs, et de l'ordre de 3% pour l'accélérateur. Les sommes correspondantes ont été allouées spécialement, dans ce but, à nos établissements scientifiques, par le ministère de l'Enseignement et de la Science, ainsi que par l'Agence pour la science et les innovations. Nos instituts, avec cet argent, ont pu acheter tout ce dont ils avaient besoin.

 

Chaque institut ayant participé à ce programme a pris en charge un secteur précis du projet - l'élaboration ou la création de certaines pièces ou appareils. "Les physiciens et les ingénieurs élaboraient et proposaient un projet concernant le secteur dont ils avaient la charge. Il y a 20 ou 30 pays impliqués, ainsi que 80 établissements. Et chaque établissement a pris certains engagements, a proposé de réaliser une partie... Dans un premier temps, chacun devait élaborer et proposer son projet. Si ce projet était retenu par la communauté, la réalisation pouvait alors être engagée."

 

La Flotte russe elle-même a été sollicitée pour la réalisation du LHC, a indiqué Viktor Savrine. En effet, dans l'un des détecteurs du collisionneur, le CMS, est installé un calorimètre hadronique circulaire destiné à mesurer l'énergie des hadrons (protons, pions, kaons). Or, ce calorimètre devait être constitué d'une alternance de couches de laiton, métal absorbant, et de scintillateur, lequel s'éclaire au contact des particules. "Les instituts russes étaient, pour l'essentiel, responsables de cette affaire, poursuit Viktor Savrine. Il leur fallait  trouver du laiton. Ils ont trouvé des réserves inexploitées dans la Flotte de la Baltique. Ils les ont prises, et les ont refondues..."

 

Autre prouesse réalisée par les scientifiques russes: pour réaliser le calorimètre électromagnétique du LHC, le combinat chimique de Boroditski (région de Toula) a fabriqué des cristaux de tungstate de plomb, lourds comme le fer et transparents comme le verre.

 

"Ce projet a permis à nombre de nos entreprises industrielles de se refaire une santé, car outre les établissements scientifiques, 30 entreprises y ont pris part, a noté Viktor Savrine. Le chercheur russe, qui a souligné que le LHC a servi de "locomotive" pour le développement de technologies appliquées, n'a pas manqué de rappeler que la construction du LHC aurait été pratiquement inutile si le chantier du collisionneur de 21 km de Protvino (région de Moscou), engagé dans les années 80, n'avait pas été gelé dans les années 90, et le projet abandonné.

 

 

La production de biobutanol lancée en Russie

 

La production de biobutanol vient de débuter en Russie, à Irkoutsk (Sibérie). La Russie est l'un des tout premiers pays à s'engager ainsi dans la production de ce biocarburant de seconde génération, qui échappe à bien des critiques adressées à ceux de la première génération.

 

C'est l'Usine d'hydrolyse de Touloun, située dans la région d'Irkoutsk, qui a eu le privilège d'être la première entreprise russe (et l'une des premières au monde) à lancer, début septembre, la production de biobutanol. Igor Tcheremnykh, président du conseil des directeurs de la compagnie d'innovation russe Biotechnologuii, dont dépend l'usine, s'est félicité à cette occasion de cette réussite. "Nous nous apprêtons à produire annuellement 30.000 tonnes de biobutanol, a-t-il déclaré. La compagnie Biotechnologuii se prépare à investir encore pas moins de 5 milliards de dollars dans la production et la promotion de nouveaux types de biocarburants en Russie."

 

La corporation Biotechnologuii est une toute récente société d'innovation, créée en mars 2008. Elle ambitionne de développer et de produire industriellement en Russie des biotechnologies prometteuses. Le projet de création d'une branche de biocarburants de seconde génération produits à partir de végétaux non alimentaires a été élaboré avec le concours de la société Rostechnologuii et de l'Union énergétique et des combustibles.

 

La matière première servant au biobutanol, biocarburant de seconde génération, est constituée par des déchets provenant de l'industrie du bois. On sait que les biocarburants de première génération se sont attirés les foudres de bien des économistes et écologistes, car ils ont été (et sont) la plupart du temps développés sur la base de cultures vivrières, au détriment de l'approvisionnement alimentaire des habitants de notre planète.

 

Les premiers tests du biobutanol ont été menés au combinat des biotechnologies de Sibérie orientale, à Touloun. La production est assurée par l'Usine d'hydrolyse de Touloun. Comme l'ensemble des 68 usines russes d'hydrolyse, celle-ci avait été fermée en 2005 et mise en faillite. La plupart de ces entreprises ont alors vendu leurs biens. Mais pas l'usine de Touloun. L'action résolue du gouverneur de la région et du directeur de l'entreprise a permis de conserver tout le potentiel de l'usine, et même d'attirer des investisseurs pour la faire repartir, après modernisation. L'entreprise a été rachetée en décembre 2007 par l'Union énergétique et des combustibles. Elle appartient désormais à Biotechnologuii et va fournir une production fondamentalement nouvelle, faisant l'objet d'une forte demande sur tout le marché mondial.

 

A l'occasion du lancement de cette production, qui a eu lieu dans le cadre du 5e Forum économique du Baïkal, qui s'est tenu à Irkoutsk, le départ d'un rallye automobile Irkoutsk-Togliatti (4.000 km) a été donné. Trois véhicules utilisant soit de l'essence ordinaire, soit un mélange d'essence et de biobutanol (10 et 20%) produit par Biotechnologuii y ont pris part. Des contrôles ont été effectués pendant et après la course, dans les laboratoires du constructeur automobile russe AvtoVAZ. Ce dernier est partenaire de Rostechnologuii pour ce projet de biobutanol. AvtoVAZ est également partenaire du français Renault, qui a acquis 25% de ses parts. Les gaz d'échappement rejetés par les véhicules utilisant ce mélange essence-biobutanol sont conformes au standard Euro-4.

 

Sergueï Tchémézov, le patron de Rostechnologuii (dont dépend Biotechnologuii), était présent à Irkoutsk. Il a souligné son intérêt pour le biobutanol. D'ici 2017, il souhaite construire en Russie pas moins d'une trentaine d'usines de biobutanol, en investissant pour cela 1,5 milliard de dollars. La production annuelle de ce biocarburant pourrait alors atteindre les 2 millions de tonnes.

 

 

Fin de la première campagne d'investigations dans le Baïkal

 

Les scientifiques ont achevé dans la première décade de septembre la première étape des travaux réalisés dans le cadre de l'expédition chargée, sur deux ans, d'étudier le Baïkal (*). Ces investigations sont réalisées à l'aide des sous-marins de poche Mir. La première étape de cette campagne s'est avérée fructueuse, avec d'ores et déjà des résultats palpables. La deuxième aura lieu l'an prochain.

 

Les sous-marins de poche Mir et leurs occupants ont effectué 52 plongées au cours de cette première étape de l'étude du Baïkal. La seconde étape débutera au printemps prochain, et le programme sera encore plus chargé que celui de la première étape, a annoncé Mikhaïl Borzine, vice-président du Fonds d'aide à la préservation du lac. Une centaine de plongées sont prévues pour 2009.

 

Le bilan des Mir, qui sont descendus jusqu'à 1.608 m de profondeur, est d'ores et déjà impressionnant. Encore que nombre d'enseignements ne pourront être tirés qu'au fur et à mesure de l'exploitation des données provenant des multiples échantillons (eau, boue, pétrole, sédiments, animaux, végétaux, organismes microscopiques, etc.) recueillis lors de ces plongées.

 

Plusieurs découvertes qualifiées d'importantes par Mikhaïl Borzine ont été réalisées lors de cette campagne d'étude. Par exemple, des roches pétrolifères ont été mises au jour, ainsi que des zones sismogènes. Des micro-organismes inconnus, aux propriétés remarquables, ont été trouvés. Toutes ces découvertes, a poursuivi le chercheur, donnent la possibilité aux scientifiques d'avancer considérablement dans leur connaissance du lac. Le Baïkal revêt une énorme importance pour le développement de la science russe et même mondiale, a-t-il souligné.

 

Parmi les découvertes réalisées, des confirmations ont été apportées à l'hypothèse selon laquelle autrefois le niveau du Baïkal était inférieur d'un demi-kilomètre à son niveau actuel.

 

Les scientifiques ont eu une bonne surprise. Le Baïkal s'est avéré être beaucoup plus propre que ce qu'ils redoutaient. Les premiers résultats des prélèvements effectués (les résultats finaux ne seront connus que d'ici un an environ) vont dans ce sens. Les scientifiques s'attendaient à trouver une pollution relativement importante (pétrole, eaux usées) dans certaines zones. Cela n'a pas été le cas. Il semblerait bien, note Mikhaïl Borzine, que le Baïkal possède un écosystème exceptionnel qui lui permet de rester dans un excellent état.

 

Le directeur de l'Institut limnologique de la Section sibérienne de l'Académie des sciences russe, Mikhaïl Gratchev, avance une explication. Il existe dans le Baïkal des micro-organismes qui se nourrissent du pétrole qui remonte des profondeurs du lac et donc le neutralisent, en quelque sorte. De même, des micro-organismes pourraient absorber les eaux usées du fameux Combinat de cellulose et papier tant décrié. Les scientifiques pourraient s'intéresser de très près à ces micro-organismes et étudier dans quelles conditions ils pourraient être utilisés par l'homme pour lutter contre la pollution.

 

(*) Le Baïkal constitue la plus grande réserve d'eau douce de notre planète (20% des réserves mondiales, 90% des réserves russes) avec 23.000 kilomètres cubes. On sait qu'il est vieux de 25 millions d'années, mais l'origine de sa formation demeure un mystère.

 

 

Quand les mathématiciens sortent de l'abstraction

 

Des mathématiciens russes proposent d'engager la construction des principaux éléments d'un dispositif électronique reposant sur des molécules d'ADN.

 

Victor Lakhno, directeur de l'Institut des problèmes mathématiques de biologie de l'Académie des sciences russe (IPMB ASR), de Protvino, a déclaré à RIA Novosti que des mathématiciens de son institut entendaient élaborer les approches théoriques et la simulation, sur un super-ordinateur, de la base élémentaire d'une nanobioélectronique. Celle-ci devrait, dans un avenir des plus proches (en 2012-2015, selon Victor Lakhno) remplacer dans l'électronique les technologies à base de silicium, proches de leurs limites technologiques. Les spécialistes de son institut proposent, notamment, de construire une mémoire électronique à base d'ADN, de 10x10 nm, et un élément logique (10 nm).

 

"Ce sont des travaux des plus concrets, qui ont été proposés au présidium de l'Académie des sciences russe. Nous avons ainsi calculé combien il faudrait d'éléments logiques, sur la base de l'ADN, pour créer un superordinateur biologique", a poursuivi Victor Lakhno. Ce dernier a également indiqué que des chercheurs de l'IPMB avaient modélisé une nano-biopuce permettant d'établir le diagnostic d'une affection à une vitesse un million de fois plus rapide que ne le font actuellement les biopuces élaborées à l'Institut de biologie moléculaire de l'ASR. Ce qui signifie que l'expression d'un gène sera suivie en temps réel.

 

Un membre de l'IPMB, Andreï Korotkov, a expliqué quant à lui que pour l'instant ces travaux n'existaient que sur le papier. Leur réalisation demeure quelque chose de très problématique, a-t-il déclaré en substance, en raison du mode existant d'organisation de la science, et notamment de l'absence d'une chaîne continue pour la commercialisation des nouveaux travaux.

 

Un autre grand projet international auquel participe l'institut est la "Cellule mathématique", projet au cours duquel doit être créé un modèle des processus qui se produisent dans une cellule vivante. Un tel modèle aura une énorme importance concrète. Il est prévu, sur sa base, d'utiliser des cellules vivantes comme biofabriques afin de produire de nouveaux médicaments, diverses substances allant du glucose à l'oxygène et l'hydrogène (comme sources d'énergie).

 

Victor Lakhno a expliqué que l'essentiel des calculs concernant ces projets seraient effectués en utilisant le Centre informatique intersectoriel de l'ASR, ainsi que le réseau de calcul international Grid - l'IPMB est membre du projet international EGEE (Enabling Grids for E-sciencE), qui regroupe 140 instituts de par le monde. Ce réseau assure l'accès à des ressources informatiques et bases de données partagées.

 

 

Une plante capteur pour détecter la pollution

 

Des chercheurs russes ont créé une plante transgénique qui permet de déterminer le niveau de la pollution en métaux lourds.

 

"Si cette "plante-capteur" est installée près d'une fenêtre et que l'environnement en métaux lourds s'avère défavorable, des tâches apparaîtront sur ses feuilles, a expliqué Nikolaï Koltchanov, directeur de l'Institut de cytologie et de génétique de la Section Sibérienne de l'Académie des sciences russe, lors de la présentation de ses travaux à plusieurs chefs d'entreprise de Novossibirsk. "Il s'agit, a-t-il dit, d'une orientation tout à  fait nouvelle, que les scientifiques qualifient "d'écologie populaire".

 

Cette plante, dont le programme génétique a été modifié en recourant à l'ingénierie génétique, est capable de remplacer des installations techniques modernes. "Si l'on possède un vingtaine de ces plantes, il est possible de juger de l'état de l'environnement", a affirmé le chercheur.

 

Les chercheurs de l'Institut ont présenté également leurs derniers travaux dans le domaine des nanotechnologies, de la bio-ingénierie, ainsi que des projets de création d'un nouveau carburant à base d'herbe. Le souhait de Nikolaï Koltchanov est que la coopération avec les milieux d'affaires permette à ces recherches de déboucher sur des applications concrètes.
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