Une nouvelle vision de l’univers inspirée de Sakharov, par Jean-Pierre Petit (Partie 1)

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Dans une série d'entretiens accordés à La Voix de la Russie, l'astrophysicien français Jean-Pierre Petit nous livre sa vision sur une série de sujets. Premier volet consacré à la cosmologie et à l'astrophysique.

La Voix de la Russie : Jean-Pierre Petit, pourriez-vous vous présenter ?

Jean-Pierre Petit : J’ai un parcours assez varié et, pour avoir plus de détails je crois que vos lecteurs devraient se référer à la page Wikipedia

LVdlR : Je vois que chaque pan de vos activités mériterait une interview. Le mieux est sans doute de prendre ces choses les unes après les autres, je pense. Commençons par l’astrophysique et la cosmologie. Vous avez émis pas mal de critiques sur l’évolution actuelle de ces disciplines. Vous dites qu’on n’a pas de modèle théorique de galaxie, qu’on plaque des mots sur des observations, sans dire ce que ces mots recouvrent, juste pour essayer ainsi de rendre compte de celles-ci.

Image fournie par Jean-Pierre Petit

LVdlR : Ainsi, vous ne croyez pas à la matière sombre. Je suppose que vous avez autre chose à nous proposer.

J.-P. P. : Oui.

LVdlR : Les astronomes ont mis en évidence la réaccélération de l’univers, alors que personne ne s’y attendait. Alors on a inventé le concept d’énergie noire, sans être non plus capables de dire de quoi celle-ci serait faite.

 

Image fournie par Jean-Pierre Petit

J.-P. P. : Et les ennuis de ces gens ne sont pas près d’être finis, parce qu’ils ont une conception erronée de la géométrie de l’univers.

LVdlR: Au milieu des années 70, vous avez opté pour quelque chose de radicalement différent. En 1977 vous avez publié une note à l’Académie des Sciences de Paris où l’univers devenait « pluriel ». Il y en avait deux avec des flèches du temps opposées. D’où vous était venue une idée pareille, aussi singulière ?!?

J.-P. P. J’avais trouvé ça dans des documents d’origine non-identifiée, récupérés en Espagne, qui avaient été adressés par simple voie postale par des gens qui prétendaient être extraterrestres.

LVdlR : Et vous avez cru une telle chose ?

J.-P. P. : En science, le verbe croire n’a guère de sens. Simplement, j’ai trouvé que ça marchait plutôt bien, alors j’ai continué. Cela permettait de résoudre des problèmes. Cela fait 38 années que je suis cette piste.

LVdlR : Vous êtes le seul à suivre cette voie, je crois ?

J.-P. P.: Pas du tout ! Après avoir publié ce papier, je me suis aperçu que j’avais été précédé de dix ans par un concurrent catégorie poids lourds : Andréi Sakharov. J’ai pu prendre connaissance de ses travaux quand ceux-ci ont été traduits en anglais, puis en français. Je me suis alors demandé s’il avait eu les mêmes sources que moi. Sakharov avait donné un nom à ce modèle. Il avait appelé cela des « univers jumeaux », en reprenant le terme trouvé dans ces reçus en Espagne. On retrouvait dans les articles de Sakharov ce thème des « flèches du temps opposées », qui figurait également dans ces documents.

LVdlR : Mais pourquoi cette gémellité et pourquoi surtout ces flèches du temps opposées. C’est un truc à vous faire exploser les neurones !

J.-P. P. : L’avantage des théoriciens c’est que leurs neurones sont moins fragiles. Pour cette histoire de temps opposés, on verra cela plus loin. Avant, je voudrais reproduire quelque chose d’assez peu connu. C’est la fin du discours de réception de son prix Nobel, par Sakharov, que sa compagne Elena Bonner avait lu à Stockholm, parce que lui ne pouvait pas sortir de Russie.

Photo fournie par Jean-Pierre Petit 

« Il y a des milliers d'années, les tribus humaines souffraient de grandes privations dans leur lutte pour l'existence. Il était alors important, non seulement de manier une matraque, mais de posséder la capacité de penser intelligemment, de tenir compte du savoir et de l'expérience engrangés par la tribu et de développer des liens qui établiraient les bases d'une coopération avec d'autres tribus.

Aujourd'hui, la race humaine doit affronter une épreuve analogue. Plusieurs civilisations pourraient exister dans l'espace infini, parmi lesquelles des sociétés qui pourraient être plus sages et plus « performante » que la nôtre. Je soutiens l'hypothèse cosmologique selon laquelle le développement de l'univers se répète un nombre infini de fois sur les pages « suivantes » ou « précédentes » du livre de l'univers. Néanmoins, nous ne devons pas minimiser nos efforts sacrés en ce monde, où comme de faibles lueurs dans l'obscurité, nous avons surgi pour un instant du néant de l'inconscience obscure à l'existence matérielle. Nous devons respecter les exigences de la raison et créer une vie qui soit digne de nous-mêmes et des buts que nous percevons à peine. »

Andréi Sakharov

LVdlR : Je ne connaissais pas ce passage. Les scientifiques en parlent fort peu. Personne n’en parle, en fait.

J.-P. P. : Il faut surtout réaliser une chose. Ces phrases se situent précisément à la fin du discours. Elles donc censées représenter ce que Sakharov considère comme étant le plus important dans ce message qu’il adresse au monde.

LVdlR : A savoir que, selon lui, des civilisations extraterrestres devaient exister, qui puissent être, soit en retard, soit en avance par rapport à nous.

J.-P. P. : C’est exactement ce que dit ce texte. Et je le corrèle avec le caractère singulier de sa carrière scientifique. Dès 1948, ce brillant chercheur a travaillé exclusivement à la conception des bombes. C’est en particulier le père de la bombe H soviétique. C’est encore lui qui a conçu la bombe thermonucléaire la plus puissante jamais testée, en 1961, la Tsar Bomba.

Photo fournie par Jean-Pierre Petit La Tsar Bomba. Les personnages donnent l’échelle

Mais après cette explosion, qui dégagea 57 mégatonnes, selon ce qu’il écrit dans ses mémoires, il calcule le nombre de cancers que cet engin pourra créer, écrit qu’il a déclaré à sa hiérarchie qu’il avait accepté de travailler pour assurer la défense de son pays, non pour contribuer à la destruction de l’humanité. Son attitude change alors du tout au tout. Il refuse de continuer de développer des technologies axées sur les armements et il s’oriente désormais vers la ... cosmologie. Ce virage à 180° se situe au milieu des années 60.

LVdlR : Et vous pensez que ce changement brutal d’activités est à relier avec le contenu de cette fin de discours ?

J.-P. P. : Il faut être clair. Si je travaille depuis 1975 dans la même direction qu’Andréi Sakharov, ça n’est pas pour trouver des explications aux paradoxes sur lesquels buttent les scientifiques, actuellement, en astrophysique et en cosmologie. Chez moi, ce qui sous-tend cette démarche, c’est de démontrer la faisabilité des voyages interstellaires. C’est ce qui me parait le plus important.

LVdlR : S’il est exact que si aujourd’hui aucun scientifique ne se hasarderait à prétendre que la Terre est la seule planète habitée, à la suite de cette découverte de toutes ces exo-planètes, tous opposent la « barrière luminique », l’impossibilité d’aller à plus de 300.000 km/s. Pour atteindre une telle vitesse, notre physique indique qu’il faudrait déployer une énergie infinie. Pour un physicien, une croisière à une vitesse « supra-luminique » est un non-sens. Alors, en envisageant des voyages se poursuivant au dixième de cette vitesse cela impliquerait, pour les plus proches étoiles, des temps de voyage frôlant le demi-siècle aller, et autant au retour.

J.-P. P. : C’est pour cela que pour rendre ces voyages « non-impossibles », il faut un changement de paradigme, un changement de conception de la géométrie de l’univers. Et le déploiement de l’univers en deux entités jumelles en est un. Tout simplement parce qu’il n’est nullement dit que la vitesse de la lumière soit la même dans cet autre « versant d’univers ».

LVdlR : Autrement dit, pour effectuer ces voyages interstellaires, il faudrait emprunter l’univers jumeau, comme une sorte de métro express ?

J.-P. P. : Le fil conducteur, c’était cette inversion du sens du temps. Cette vision de « deux univers » brouille un peu les idées. Aujourd’hui, je préfère employer le terme de « bimétrique ».

LVdlR : C’est-à-dire ?

J.-P. P. : Ce mot signifie qu’entre deux points A et B de l’univers, il existe deux chemins différents qui ne correspondent ni aux mêmes distances, ni aux mêmes temps de voyage. Les barrières luminiques ne sont en outre pas les mêmes. Mais avant de poursuivre, je vais dissiper ce voile que crée cette vision de deux entités dotées de flèches du temps opposées. Là, il faut invoquer la contribution du mathématicien Jean-Marie Souriau, dont j’ai été l’élève et qui est décédé début 2013.

 

Photo fournie par Jean-Pierre Petit

Le mathématicien français Jean-Marie Souriau

En 1972, il a montré que le fait de se déplacer « à rebrousse-temps » signifiait en fait qu’on inversait la masse, et au passage l’énergie, puisque E = mc2 . Et ça, c’est une contribution essentielle. Donc, si vous le voulez bien, oublions cet aspect « temps » et reprenons avec cette idée que dans l’univers, il existe des chemins empruntés par les particules à masse positive, et d’autres empruntés par les particules à masse négative et que ces deux chemins sont différents, disjoints.

LVdlR : Vous avez publié des choses, là-dessus ?

J.-P.P. : Bien sûr. Et ma dernière communication sur ce sujet se situe au colloque de Physique Mathématique de Prague, en septembre 2013. Mais laissons un peu de côté cet aspect concernant les voyages interstellaires.

LVdlR : Einstein a montré que l’énergie d’une particule de masse m était m c2, selon sa célèbre formule. Vous venez de dire que Souriau avait montré que cette inversion de la masse impliquait aussi celle de l’énergie.

J.-P.P. : Et là, les physiciens lèvent les bras au ciel en disant « si l’univers est fait de particules d’énergies opposées, quand celles-ci se rencontrent, alors il ne reste ... rien ! »

LVdlR : S’il n’y a pas annihilation totale, il reste quoi ?

J.-P.P. : Ces particules ne peuvent pas se rencontrer, ne peuvent interagir que par la force gravitationnelle, ou plutôt dans ce cas antigravitationnelle. Je vais évoquer l’aspect distance. Prenez une feuille de papier. Imaginez qu’elle représente un univers à deux dimensions. Il n’y a qu’une seule feuille, mais elle possède « deux versant d’univers », en l’occurrence un recto et un verso. Si vous inscrivez les trajectoires de particules d’énergie positive sur un des côtés de la feuille et celles de particules d’énergie négative de l’autre côté, ces trajectoires ne pourront pas se croiser. Leur rencontre sera « géométriquement impossible ».

Image fournie par Jean-Pierre Petit 

Vous pouvez maintenant figurer deux points A et B sur cette feuille. Avec la pointe de votre crayon, vous transpercez la feuille. Vous pouvez alors tracer des trajectoires « de plus court chemin » entre ces points A et B.

LVDLR : En l’occurrence... des droites ?

J.-P.P.: Tout à fait. Et avec cette simple feuille de papier on va pouvoir illustrer ce mot barbare « bimétrique ».

LVDLR : Pourquoi ce mot « bimétrique » ?

J.-P.P. : En grec, metron signifie « je mesure ». Sur les deux faces de votre feuille vous allez tracer des quadrillages réguliers, mais avec des mailles différentes. D’un côté vos mailles feront 5 mm et de l’autre 5 cm.

LVDLR : Et alors ?

J.-P.P.:Ces carrés vous permettent de mesurer le temps mis pour parcourir un chemin donné. Ce chemin, vous le parcourez en passant d’une case à l’autre. Selon qu’on effectue la mesure sur une face ou l’autre de la feuille de papier, les décomptes du nombre de cases seront différents. Cinquante dans le premier cas, en cheminant sur le recto, et cinq en cheminant sur le verso de la feuille.

 

Image fournie par Jean-Pierre Petit 

LVdlR : Autrement dit, pour rendre un voyage interstellaire faisable, dix fois plus court, il suffit d’inverser la masse d’un vaisseau et de ses occupants.

J.-P.P. : Oui, c’est ça. Je vais illustrer cette idée avec une autre image. Supposons que nous nous proposions d’aller de Marseille à Alger. La distance à vol d’oiseau est de 750 km. Nous envisageons d’effectuer un vol en avion en admettant une vitesse maximale, indépassable, qui est la vitesse du son, 1200 km/h au niveau de la mer. Dans ce monde, nous considérons qu’un déplacement supersonique serait physiquement impossible. En volant tout près de cette vitesse, le temps de voyage serait donc 750 x 60 / 1200 = 38 minutes. Mais imaginez maintenant quelqu’un qui effectuerait ce voyage en seulement 9 minutes.

LVdlR : Je dirais que ce voyageur a violé les lois de la physique de ce monde là, car il se serait déplacé plus vite que le son, à plus de 1200 km/h.

Image fournie par Jean-Pierre Petit

J.-P.P.: J’ai une autre réponse à vous faire. Il a changé de milieu. Empruntant un véhicule sous-marin, il est resté subsonique, vis à vis de ce milieu, attendu que la vitesse du son, dans l’eau, est de 5400 km/h.

LVdlR : C’est donc une image du voyage interstellaire. Ceci dit, vos travaux dans ce domaine restent spéculatifs, car je suppose qu’on n’a pas encore de moyen d’inverser la masse. C’est de la bonne science fiction, très « construite ».

J.-P.P.: S’il n’y avait que cela, je n’aurais aucune chance d’être entendu. Mais l’existence de masses négatives, dans notre univers, explique énormément de choses et n’est nulle part prise en défaut. Il faut d’abord admettre qu’elle puisse exister. Il y a eux deux travaux, publiés en 1957 et 1998 par H.Bondi et G.W.Bonnor qui s’intitulent « masses négatives et Relativité Générale ».

Photo fournie par Jean-Pierre Petit Hermann Bondi 1919-2005

C’est à ces travaux que se réfèrent tous les scientifiques. Les conclusions sont extrêmement gênantes. Ce qui ressort de cette analyse, parfaitement rigoureuse dans ce contexte de la Relativité Genérale d’Eisntein, c'est que les masses positives attirent tout, et que les masses négatives repoussent tout. Ainsi, quand deux particules de masses opposées se rencontrent, la masse positive s’enfuit, poursuivie par la masse négative :

 

Image fournie par Jean-Pierre Petit

LVdlR : Et cette course, digne du dessin animé Alice au Pays des Merveilles, se termine comment ?

J.-P.P. : Elle ne se termine pas. Les particules accélèrent indéfiniment, du moins jusqu’à la vitesse de la lumière, sans que rien ne puisse s’y opposer puisque la somme de leur énergie cinétique ½ m V2 reste constante, étant donné que l’une des masses est négative !

LVdlR : Ca a l’air absurde.

J.-P.P. : C’est absurde, mais c’est ce qui ressort de la Relativité Générale où on n’a qu’une seule « métrique ». Avec deux métriques, les lois d’interaction changent.

 

Image fournie par Jean-Pierre Petit

On obtient alors :

- Les particules qui ont des masses de même signe s’attirent selon la loi de Newton

- Les particules qui ont des masses de signes opposés se repoussent, selon « anti-Newton ».

Les conséquences sont alors immenses. Dans l’univers primitif, qui émerge de sa « phase radiative », la population à masse négative possède une densité plus forte que celle ayant une masse positive. Elle forme donc des amas, en repoussant la matière positive, la nôtre, dans ce qui reste d’espace. Celle-ci s’agence à la manière de « bulles de savon jointives », d’un diamètre moyen de 100 millions d’années-lumière. Et c’est ce qu’on observe. Notre univers est « lacunaire ».

Image fournie par Jean-Pierre Petit

J.-P.P.: Et voilà ce qu’on obtient avec des simulations effectuées sur ordinateur :

Image fournie par Jean-Pierre Petit

LVdlR : Selon ce schéma, des amas de matière négative se situent au centre de ces bulles. Or on ne les voit pas !

J.-P.P. : Parce qu’on ne peut pas les voir. Les atomes de masse négative émettent des photons d’énergie négative, qui ne peuvent être captés, ni par nos yeux, ni par nos télescopes.

 

À suivre

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