Mais qui étaient exactement ces ancêtres de champignons? Des plantes ou des animaux? On l'ignore encore. De la même manière qu'on peut difficilement rattacher aujourd'hui les champignons à une classe biologique. Au début du XXe siècle les champignons étaient considérés comme des plantes, mais aujourd'hui on les classe comme une forme intermédiaire plus proche des animaux.
Il y a un milliard d'années, quand la surface de la planète abritait seulement des vers de terre et des insectes sans ailes, les champignons avaient déjà créé leur internet: un dispositif de transmission de l'information biologique. Pour cela ils avaient propagé partout sur la planète un réseau d'hyphes — des filaments végétatifs nécessaires à l'absorption d'eau et de substances nutritives. Naturellement, certaines plantes se sont «offusquées» car les champignons leur prenaient leur place sous le soleil. Mais les champignons ont alors proposé un nouveau type de coopération: une symbiose, plus exactement des "housses" pratiques pour les racines — la mycorhize — grâce auxquelles les autres plantes bénéficiaient d'un avantage: non seulement elles étaient protégées contre le dessèchement mais pouvaient également absorber les substances nutritives nécessaires via le réseau d'hyphes.
L'histoire des champignons connaît également ses exploits: par exemple, des champignons géants qui ont atteint 8 mètres et demi de hauteur que les chercheurs ont appelé les prototaxites. En imaginant le Dévonien (il y a 419-358 millions d'années) et les immenses champignons de 8 mètres s'élevant au-dessus des forêts denses (d'un mètre à peine), avec en-dessous un système d'internet ramifié, ne pense-t-on pas aux actuelles tours de communication? Les fossiles des prototaxites retrouvés ne laissaient pas les paléontologues tranquilles.
Les premières formations géantes ont été trouvées et décrites par le géologue canadien John William Dawson en 1857, qui pensait qu'il s'agissait d'un fossile de taxus pourri: c'est pourquoi il l'a nommé Prototaxite. Puis les chercheurs ont convenu qu'il s'agissait d'une algue géante, mais ils ne comprenaient pas la présence d'anneaux sur la coupe de la tige. S'agissait-il d'anneaux de croissance? Mais ils ne ressemblaient pas du tout aux cernes d'arbres — plutôt à des tubes dirigés vers l'intérieur.
C'est seulement récemment que Francis Hueber du National Museum of Natural History de la Smithsonian Institution, après avoir analysé les coupes de nombreux exemplaires de prototaxites de différents pays, a prouvé qu'il s'agissait d'un champignon. Toutefois, il pourrait encore s'agir de lichen (mélange de champignon et d'algue).
Des chercheurs chinois ont réalisé une expérience sur des tomates connectées par un «réseau d'hyphe» et un groupe témoin où la mycorhize a été empêchée. Les scientifiques contaminaient une plante par un champignon, puis, 65 heures plus tard, en contaminaient une autre et observaient sa résistance à la maladie. Il s'est avéré qu'en présence d'une liaison d'hyphe la seconde plante était moins soumise à la maladie, et si elle était tout de même contaminée elle le supportait mieux que les tomates solitaires.
L'information serait donc effectivement transmise? Cela dépend ce que l'on considère comme étant une information.
Alexandre Kourakov, responsable de la chaire de mycologie et d'algologie à la faculté biologique de l'Université d'État Lomonossov de Moscou, explique:
«En effet, les plantes sont très liées entre elles par les mycorhizes, par exemple dans la biocénose forestière où l'on retrouve orchidées, pyrolacées, boisées et herbacées… Elles peuvent échanger des substances nutritives, de l'eau et envoyer des signaux. Elles peuvent également le faire. Mais c'est tout en termes d'informations échangées. Je qualifierais la mycorhize de nouvelles opportunités. Comme une personne qui s'assoit dans une voiture et peut rapidement se déplacer, c'est-à-dire qu'il acquiert de nouvelles capacités. Alors que grâce à la mycorhize une plante, par exemple, devient résistante au dessèchement. Mais rien de plus.»