Des cellules humaines cultivées dans des embryons de singes suscitent un débat éthique

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Un embryon (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 17.04.2021
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Des embryons de singes contenant des cellules humaines ont été cultivés en laboratoire par une équipe américano-chinoise. La recherche, prometteuse notamment pour la médecine régénérative, suscite toutefois un débat sur son éthique.

Un groupe de scientifiques installés en Chine a réussi à créer en laboratoire 132 embryons comportant un mélange de cellules de singes et d’hommes. Les chercheurs ont introduit des cellules souches humaines dans des embryons de macaques qui ont ensuite été cultivés en laboratoire, relate une étude publiée dans la revue Cell.

Trois de ces embryons se sont développés pendant 19 jours en dehors de l’utérus, puis l’étude a été arrêtée. Le taux maximal de cellules humaines ne dépassait pas 7% dans les cellules de l’embryon chimère.

L’objectif de l’expérience, lancée en 2019, était d’enrichir les connaissances sur la biologie humaine et de pouvoir, à terme, créer facilement des organes et des tissus pour la transplantation. Ceci afin de pallier à la grave pénurie d'organes transplantables.

En effet, environ 130.000 greffes par an s’effectuent sur la planète, soit moins de 10% de celles nécessaires, estime l'Organisation mondiale de la santé. Le professeur Juan Carlos Izpisua Belmonte, chercheur au Salk Institute en Californie et ayant dirigé les travaux, soutient que «chaque année, des dizaines de milliers de patients meurent sur la liste d'attente pour un organe», relate le journal espagnol El Pais. Rien qu’en France, 16.000 personnes attendent d'être greffées, précisait récemment Franceinfo.

Par le passé, d'autres embryons chimères ont déjà été produits, des cellules humaines ayant été implantées dans des embryons de moutons et de porcs. M. Izpisua Belmonte a ainsi contribué, en 2017, à la création des premières chimères porcines humaines. En mai 2020, des chercheurs américains ont développé les premiers embryons de souris composés jusqu’à 4% de cellules humaines.  

Les critiques

Certains scientifiques ont exprimé des inquiétudes au sujet de l'expérience, arguant que si les embryons ont été dans ce cas détruits au bout de 20 jours, d'autres chercheurs pourraient essayer d'aller plus loin.

C’est notamment le cas du professeur Julian Savulescu, titulaire de la chaire Uehiro d'éthique pratique de l'Université d'Oxford, selon lequel cette étude «ouvre la boîte de Pandore aux chimères humaines et non humaines», relate la BBC.

Pour sa part, El Pais cite la biologiste britannique Christine Mummery, présidente de l'International Society for Stem Cell Research (Société internationale pour la recherche sur les cellules souches), qui prévient que les chimères humains-animaux «dépassent les limites éthiques et scientifiques établies». Son organisation publiera de nouvelles directives en mai pour essayer de garantir l'intégrité de ces enquêtes.

Dans le même article du quotidien espagnol, Federico de Montalvo, président du Comité de bioéthique d'Espagne, se demande pourquoi les expériences ont été menées en Chine: «Est-ce parce que scientifiquement ils sont plus avancés ou est-ce parce qu'ils ont plus souples éthiquement?». Il s'inquiète d’une éventuelle double utilisation de ces avancées scientifiques.

La législation

En France, les risques mentionnés font écho à la révision actuellement en cours de la loi de bioéthique. L’article 17 du projet de loi devrait justement encadrer les expériences avec les embryons chimères. Il a créé la controverse: l’Assemblée veut autoriser l’ajout de cellules humaines dans un embryon animal, en interdisant en même temps l’ajout de cellules animales dans un embryon humain, mais le Sénat s’y oppose. La dernière lecture du texte devrait avoir lieu en juin à l’Assemblée nationale.

L’Irlande et l’Allemagne ont pour leur part interdit toute modification du génome de l’embryon humain. Le Royaume-Uni, la Belgique et la Suède autorisent sa modification à des fins scientifiques mais interdisent les modifications à finalité procréative.

Le chercheur chinois He Jiankui a créé scandale en annonçant, en 2018, être intervenu sur le génome d'embryons humains avant une insémination artificielle pour donner naissance à deux enfants à l'ADN modifié. La communauté scientifique a résolument condamné son travail. Même si les règles sont moins strictes en Chine, il y a ensuite été condamné à trois ans de prison et à une amende.

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