En ce jour du 24 juin 1945 il pleuvait sans cesse sur Moscou. Les participants au défilé en l'honneur de la Victoire de l'armée soviétique sur l'Allemagne nazie semblaient ne pas remarquer le mauvais temps bien que l'eau ruisselle sur leurs casques et uniformes. A 10 heures pile, aux coups de l'horloge du Kremlin, le maréchal de l'Union soviétique, Gueorgui Joukov, à cheval, entrait sur la place Rouge. Il a écouté le rapport du maréchal Constantin Rokossovski, après quoi les deux commandants légendaires ont fait le tour des troupes.
«Aujourd'hui tout le monde reconnait, a noté plus tard Gueorgui Joukov, que l'Union soviétique a joué le rôle principal, déterminant dans la victoire contre l'Allemagne. Pendant trois ans l'Armée rouge combattait seule les forces armées de l'Allemagne et de ses satellites. Non seulement elle a défendu la liberté et l'indépendance de sa Patrie mais elle a encore libéré les peuples européens du joug allemand.»
40.000 combattants de tous les fronts de la Grande guerre patriotique ainsi que beaucoup de matériels de combat ont défilé sur la place Rouge. Ensuite, l'orchestre militaire s'est tu et dans le silence tombé 80 tambours se sont mis à jouer à coups sonores.
Une compagnie militaire a avancé en portant 200 drapeaux nazis dont les battants quasiment traînaient sur le pavé mouillé. Les sons des tambours remplissaient la place Rouge. Les combattants jetaient avec force les drapeaux ennemis sur deux plateformes élevés au pied du Mausolée de Lénine. Le premier drapeau était celui d'Hitler. Les tribunes se sont explosées aux applaudissements. La cérémonie s'est terminée par le défilé d'un orchestre gigantesque de 1.400 musiciens.
Parmi les heureux participants au défilé était le mitrailleur Nikolaï Morozov, âgé de 19 ans. Il était parti sur le front à l'âge de 17 ans et avait terminé la guerre comme cavalier complet de l'Ordre de la Gloire. Les participants au défilé étaient choisis avec beaucoup de rigueur, raconte Morozov. On acceptait seulement les candidatures de ceux qui s'étaient distingués au combats et étaient décorés d'ordres. Ils devaient être hauts d'au moins 176 cm et âgés moins de 30 ans. Nikolaï Morozov correspondait à toutes ces exigences : il avait défendu Rjev, avait pris part aux batailles de Koursk et du Dniepr et avait libéré Gdansk. En plus, il avait été blessé et était haut et jeune.
«On nous accueillait à merveille, se rappelle Morozov. Je n'oublierai jamais lorsqu'après la place Rouge nous sommes passés par les rues dont je ne sais pas le nom. Les rues étaient remplies de gens, à droite, à gauche. Et nous passions par ces rues. Le peuple était prêt à nous porter sur les bras. On nous offrait des fleurs, nous embrassait.»
Les participants au défilé, aujourd'hui, ne sont pas tous en vie. Mais ceux à qui la santé permettra, viendront sans faute le 24 juin au Jardin d'Alexandre, auprès des murs du Kremlin. Ils vont déposer les fleurs à la tombe du Soldat inconnu, au monument de Guéorgui Joukov et aux tombes des commandants. Bien sûr, les anciens combattants se rappelleront le défilé inoubliable de 1945 lorsque les rangs de la Victoire ont réuni les maréchaux et les généraux, les officiers et les soldats - tous les combattants qui ont vaincu le nazisme.
