Robert Bartini, un génie italien de l’aéronautique au service de l’URSS

Robert Bartini, un génie italien de l’aéronautique au service de l’URSS
Robert Bartini, un génie italien de l’aéronautique au service de l’URSS - Sputnik Afrique
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L’histoire de ce personne étonnant est digne d’un roman, Robert Ludvigovich Bartini est l’un de ces hommes aux opinions bien arrêtées qui préféra s’exiler en Russie soviétique et qui mit tout son génie dans la conception de prototypes d’avions surtout lourds. Il fit partie de l’élite des ingénieurs aéronautiques de l’URSS et resta longtemps dans l’ombre des secrets parmi les mieux gardés de l’Union soviétique.

De son vrai nom Robertos Oros di Oroji, il était né dans l’Empire austro-hongrois en 1897 dans la petite ville croate de Rijeka (Fiume). Il était issu d’une famille aisée de fonctionnaires fidèles à l’Empire, ce qui lui ouvrir les portes d’études supérieures. Au départ pas tellement destiné à devenir l’un des génies de l’aéronautique du XXème siècle, il entre après le lycée dans une école d’officiers à Banska Bystrica aujourd’hui en Slovaquie. Au moment où la Première Guerre mondiale éclate il est encore sur les bancs de l’école, l’Empire austro-hongrois a le plus grand besoin d’officiers de qualité, c’est une des armées les moins bien encadrées d’Europe.

En 1916, frais moulu de l’école militaire, il est dirigé immédiatement sur le front Oriental, face à la Russie. La guerre sur ce front est très indécise, les Allemands doivent voler plusieurs fois au secours de l’allié austro-hongrois tandis que les Russes subissent des échecs retentissants alternés d’offensives victorieuses. Il est fait prisonnier au mois de juin 1916 lors de l’offensive russe du général Broussilov. Cet épisode va révolutionner sa vie. Il est en effet conduit en captivité aux confins de la Russie, d’abord à Khabarovsk puis à Vladivostok. Il restera trois années prisonnier des Russes. Lors de son séjour, il assiste de loin à la Révolution et à la guerre civile et ne sera rapatrié chez lui qu’en février 1920.

C’était assez long pour s’imprégner durablement de la culture russe, de sa langue et surtout de sa Révolution. A son retour, Robert Bartini retrouve sa ville natale, qui par les résultats de la Grande Guerre 14-18 est au cœur d’un sévère désaccord entre les vainqueurs de la guerre. La ville dont le statut ne fait pas l’unanimité et que les Italiens voudraient annexer est érigée en ville indépendante, étrange état. Reconnu par les Alliés, la France, les USA et la Grande-Bretagne, l’Etat de Fiume n’aura qu’une courte existence. La montée du fascisme en Italie va le happer dans la sphère italienne. En 1922 un coup d’état fasciste renverse le gouvernement et en 1924 un accord, celui de Rome avalise l’annexion de la ville par l’Italie.

Pendant ce temps Robert Bartini s’engage chez le constructeur de moteur italien Isotta Fraschini et apprend à piloter. Très vite, il intègre en 1921 les rangs du parti communiste. L’année suivante, il suit des cours à l’Ecole polytechnique de Milan mais l’arrivée au pouvoir de Mussolini et la défaite complète des communistes en Italie lui indique la route à suivre : il gagne clandestinement l’URSS étant déjà ingénieur aéronautique. Il fera une carrière remarquable, père de nombreux prototypes, responsable de la formation ou de la découverte de brillants talents parmi la pépinière des ingénieurs soviétiques.

De 1923 à 1925, il dirige la section scientifique et technique de l’Armée rouge, avant d’être nommé ingénieur en chef du complexe aéronautique de la mer Noire. Son rôle est capital dans ses années de reconstruction et d’innovation, tout est à faire en URSS. A partir de 1928, il travaille particulièrement sur les hydravions, domaine où les ingénieurs italiens ont toujours brillé. Dès 1929, il élabore un plan définissant trois catégories d’hydravions nécessaires à l’aéronavale soviétique. Des moyens importants lui sont confiés et il rejoint Moscou ayant sous son autorité deux usines. En août 1930, ayant osé adresser une critique à Staline à propos du collectivisme, il est immédiatement limogé, mais ses talents sont déjà incontournables.

Cela lui sauve probablement la vie, mais il est réduit à un rôle subalterne dans un simple bureau d’études. Il développe un premier avion révolutionnaire le Stal-6, qui fut testé en 1933 et 1934. C’est sur ce prototype que pour la première fois en URSS un pilote dépassa les 400 km/h, mais l’avion était sujet à des problèmes techniques, il ne fut pas retenu. Bartini poursuivi toutefois ses travaux dans plusieurs directions qui accouchèrent du Bartini DAR, hydravion de reconnaissance à long rayon d’action pour l’arctique et du Stal-7 avion de transport qui devînt la base du seul bombardier stratégique de Seconde Guerre mondiale. Présenté au Salon aéronautique de Paris en juin 1937, il devait effectuer une tentative de record en effectuant un tour du monde. 27 réservoirs pour 7 400 litres de carburants sont installés sur l’appareil mais l’avion est victime d’un accident au décollage, c’est le drame.

Son échec, juste après les terribles purges staliniennes lui sont fatales, il est arrêté le 14 février 1938 et accusé injustement d’espionnage au profit de l’Italie fasciste, la dent de Staline à son égard était dure. Il est interné à Moscou puis déporté à Omsk après un procès mascarade. Il restera prisonnier jusqu’en 1946. Les Soviétiques ne peuvent toutefois se passer d’un tel génie, et il reprend ses travaux à partir de 1943 dans un bureau d’études contrôlé par le NKVD. Il participe au projet d’un avion de transport de blindés, le T-117 qui ne verra pas le jour, ainsi que d’autres projets d’avions de transport, T-200 et T-210, hybride comprenant des moteurs à piston et des turbomoteurs.

Enfin libéré en 1946, il est envoyé à Taganrog dans le bureau d’études Beriev et par la suite à Novossibirsk en 1952. Il dessine de nouveaux prototypes, un avion supersonique le T-203, un bombardier stratégique supersonique le A-57. Staline étant mort en 1953, il est réhabilité en 1956. Il peut regagner Moscou et poursuivre ses travaux dans un bureau chez Kamov qui depuis 1948 était spécialisé dans la recherche et la conception d’hélicoptères. La course au décollage vertical était en effet largement entamée. Le programme ayant été fermé en 1963, il est à la base de nouveaux projets, dont le prototype de l’étonnant VVA-14, étrange avion à la fois amphibie et terrestre pouvant se poser et décoller dans tous les milieux.

Sur la fin de sa vie, il dessine les prototypes d’aéronefs à effet de sol, les ékranoplanes, invention soviétique des années 50. Ces engins volent à une faible hauteur au-dessus de l’eau ou d’une surface plane en utilisant l’effet de sol et font toujours l’objet de développement en Russie mais aussi aux USA. Bartini grand rêveur, espérait la conception d’impressionnants et gigantesques appareils, de véritables avions-croiseurs d’assaut. Ses rêves ne virent pas le jour, mais L’Union soviétique produisit en effet quelques prototypes, dont le KM, le « Monstre de la Caspienne » en 1966, avion de plus de 100 mètres de long pour 550 tonnes propulsé par 10 moteurs à 3 mètres au-dessus de l’eau. Ce génie de l’aéronautique soviétique, meurt à Moscou le 6 décembre 1974, ayant participé à plus de 60 projets d’aéronefs.

Son nom est associé à ceux des plus grands concepteurs d’avions soviétiques : Iliouchine, Antonov, Yakovlev et en particulier Sergueï Korolev qui a affirmé qu’il fut son maître. Il a laissé d’importants travaux et écrits, notamment sur les transports de masse, les flottes aériennes, la physique mais il était aussi peintre, poète, philosophe et polyglotte.

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