Journal de voyage au Mali

© RIA Novosti . Valeri Melnikov / Accéder à la base multimédiaLe Mali d'aujourd'hui
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Le correspondant de RIA Novosti Alexeï Eremenko s'est rendu au Mali afin d'explorer les causes de la crise qui secoue actuellement ce pays africain et de découvrir les traces de l'influence soviétique.

Le correspondant de RIA Novosti Alexeï Eremenko s'est rendu au Mali afin d'explorer les causes de la crise qui secoue actuellement ce pays africain et de découvrir les traces de l'influence soviétique.

Bamako – prise de connaissance

Des cages vétustes remplies de poulets exposés pour la vente peuvent paraître ordinaires au premier abord - après tout, ce ne sont que des poulets. Mais la cage remplie de graisse et des pigeons savoureux le prouvent: nous ne sommes plus au Kansas. Bienvenue à Bamako.

La capitale malienne sent le charbon : les températures descendant à +20 degrés Celsius en plein hiver, les habitants gelés de Bamako se chauffent la nuit au combustible noir. Dans la chaleur étouffante du jour, ils roulent à scooters bruyants s'arrêtant aux stations-service où l'essence se vend dans des bouteilles en plastique, ou font la sieste à côté des marchandises qu'ils étalent au bord des routes - des bananes, des tongs, des bananes, des moustiquaires, des bananes, de la volaille, des bananes, du bois, on y trouve du tout.

Quant aux dames, ces dernières portent sur leurs têtes des paniers remplis de marchandises. Les cous européens ont mal rien qu'à les voir. Pourtant, la tête levée, les Maliennes portent leur charge avec plus d'élégance qu'un maître de ballet du théâtre Bolchoï.

Comme des pigeons placés parmi des poules, les étrangers vous sautent aux yeux dans les rues de Bamako. L'ambassade de France est le seul endroit de la ville où l'on ne se sent pas en sécurité - armé de pied en cap, un béret vert malien dévie le trafic de son point de passage.

Un groupe de journalistes russes traînant dans les rues de la ville et regardant les murs en argile rose et des caniveaux secs n'attirent qu'un intérêt occasionnel – rien ne peut rivaliser avec la rencontre entre le Mali et le Ghana lors de la 2ème journée du groupe B de la Coupe d'Afrique des nations de football 2013. Mais les Black Stars sont venus à bout des Aigles maliens sur penalty (1-0). Les ados baissent alors le volume assourdissant du hip-hop français qu'ils écoutent dans la rue, et la bière locale à un arrière-goût de larmes.

Il paraît impensable que les islamistes puissent mettre fin à tout ça – au  commerce anarchique,  à la musique, au football, aux robes colorées, à la bière aqueuse et à cette ambiance décontractée. Instaurer la loi islamique à Bamako n'a pas plus de sens que d'introduire la charia à la Nouvelle-Orléans ou à Moscou. Et maintenant que les soldats français repoussent cette guerre dans le désert, d'où elle venait, le fantôme des islamistes d'Ansar Dine ne semble être qu'un rêve fébrile du genre Ben Laden.

"Etre ou ne pas être… comme avant?" 

La première réfugiée avec qui nous avons discuté est originaire de la ville de Sévaré (à proximité de Mopti). Elle est persuadée que le conflit opposant les autorités maliennes affaiblies aux insurgés islamistes s'éteindra de lui-même. Selon la réfugiée, même avant la libération de Sévaré par les troupes françaises et maliennes, elle était sûre qu'un jour elle pourrait retourner vivre comme avant dans sa ville natale, qu'elle avait quitté il y a huit mois.

"Tout sera comme avant", a-t-elle confié en bambara à notre guide. On n'arrive pas à distinguer son prénom, son fils Ali essayant sans cesse de mettre son petit doigt dans la bouche de maman. Ali, six mois, est né dans un camp de réfugiés situé à quelque 500 km de la ville natale de sa mère.

Uangara, 30 ans, est originaire de Gao, ville considérée comme un bastion de Touaregs au même titre que Tombouctou. Elle explique qu'auparavant on ne rencontrait les Touaregs qu'au marché. Ils vivaient dans le désert. Mais un jour, ils sont venus pour expulser l'armée malienne de la ville et pour proclamer l'Etat indépendant de l'Azawad.

"Je me fous aussi bien du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), que des islamistes d'Ansar Dine", indique-t-elle ajoutant qu'elle doute fort qu'un jour tout redevienne comme avant.

En dépit de stéréotypes existants, la zone de distribution de l'aide humanitaire n'a rien de commun avec une lande de souffrance et de désespoir, ressemblant plutôt à un mélange entre un meeting et un hypermarché en période de soldes. On y voit des femmes en robes colorées attroupées autour de l'homme distribuant des bons d'alimentation. Agacé, il crie leurs noms. Nous avons eu l'impression d'assister à une action de désobéissance civile, mais les habitants locaux ont assuré que c'est comme ça qu'ils "font la queue".  Lorsque mon collègue se met à installer sa caméra, il se retrouve encerclé par des femmes.

Beaucoup de réfugiées portent des bijoux en or, d'ailleurs, leurs téléphones portables ne cèdent en rien aux nôtres. Les hommes sont absents. Un contrôleur de la zone nous explique qu'ils sont tous partis faire des petits boulots en ville. Les femmes refusent de nous parler des exécutions de masse et des viols. La plupart d'elles ont quitté la ville dès les premiers combats.

Certaines acceptent de faire part des détails de leur fuite et d'autres histoires terribles. Une refugiée nous confie que son frère a été jeté en prison et torturé pour un paquet de cigarettes trouvé sur lui – le tabagisme est interdit par la charia. Il n'a été libéré qu'après avoir perdu la raison. L'autre nous assure que les islamistes ont forcé un de ses proches à devenir leur conducteur et que ce n'est qu'après un mois qu'il est parvenu à s'enfuir.

La troisième raconte qu'il n'y a avait plus de tickets de bus et que sa famille et elle ont dû faire 25 kilomètres dans une charrette tirée par un cheval pour quitter Gao assiégée. Mais elles préfèrent ne pas trop parler du chagrin, et sont heureuses que la France soit intervenue dans le conflit. "Dieu est français", affirme une refugiée.

Mais ce bonheur, persistera-t-il après le retour de tous les réfugiés?

"Je retournerai chez moi, mais ne garderai plus de rapports amicaux avec les Touaregs", assure Safiétou Maïga de Gao.

 

 

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