Œuvres d’art spoliées par les nazis : la Suisse crée une base de données

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Le ministère de la culture suisse a créé un portail-Internet spécial où sera constituée une base de données sur les biens culturels volés par les nazis.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, la Suisse était une plaque tournante du trafic des œuvres d’art spoliées par les nazis. Il n’est pas étonnant qu’aujourd’hui on trouve dans les musées suisses beaucoup de pièces rares dont l’origine n’est pas établie. C’est ainsi que le gouvernement a décidé de venir en aide aux musées dans la recherche des anciens propriétaires de ces biens culturels. La présentation du portail-Internet a eu lieu le 17 juin au Zentrum Paul Klee de Bern. Benno Widmer, qui dirige le service du transfert des biens culturels et le bureau de l’art spolié au ministère fédéral de la Culture a précisé :

«Plus de 100 personnes ont pris part à la cérémonie d’ouverture, parmi lesquelles beaucoup de représentants des grands musées suisses. Nous considérons que c’est un premier pas vers une plus grande prise de conscience de ce problème par la société. Il est important qu’après l’ouverture du portail, d’autres étapes concrètes suivent. La tâche est de faire apparaître ses points forts et ses points faibles. »

Les autorités suisses n’ont pu juridiquement obliger personne à chercher les origines des biens culturels et encore moins à les leur restituer à leurs anciens propriétaires. En Allemagne, en Autriche, aux Etats-Unis, des services et structures spécialisés, financés par l’Etat, ont été créés, qui se consacrent entièrement au contrôle sur les origines historiques des œuvres. En Suisse, l’Etat ne finance pas de tels programmes, qui sont donc réalisés sur la base du bénévolat. Il existe le même genre de portail en Russie – le projet-Internet du ministère de la culture de la Fédération de Russie « Biens culturels victimes de la guerre » (www.lostart.ru).

L’initiative du gouvernement suisse a lieu dans le cadre de la résolution de la Washington Conference on Holocaust-Era Assets, adoptée en 1998. C’est alors que la Suisse et 43 autres Etats (parmi lesquels la Russie) ont signé une déclaration non contraignante, instaurant des normes et des règles sur la nécessité de traiter le cas des biens culturels spoliés par les nazis. La Suisse a participé aux conférences internationales de Vilnius en 2000, puis de Prague et Terezin en 2009. Et voilà enfin des actions concrètes. Selon Benno Widmer :

« Le nouveau portail-Internet du Ministère de la culture suisse doit être à la disposition des musées et des collections d’art pour les soutenir dans leur recherche sur l’origine de leurs œuvres. Les musées recevront des listes de contrôle des pièces ainsi que des suggestions sur la façon d’établir quelles œuvres relèvent des biens spoliés par les nazis durant la seconde guerre mondiale. »

Après 1945, en vertu du principe de restitution des biens culturels, les œuvres d’art devaient être restituées non pas à leurs propriétaires mais à l’Etat sur le territoire duquel elles avaient été volées. Ensuite les Etats eux-mêmes devaient répartir les trophées entre les musées, les églises et les personnes. C’était la période dite de « grande restitution ». La signature en 1954 à la conférence internationale de l’UNESCO à La Haye d’une Convention sur la protection des biens culturels durant les conflits armés a constitué une charnière importante.

La situation a radicalement changé dans les années 90 avec l’effondrement de l’URSS et la réunification de l’Allemagne. Les désaccords entre la Russie et l’Ouest se sont accentués sur le droit de la propriété des biens culturels. Par exemple le scandale de l’appropriation par les banques suisses de l’or des Juifs victimes du nazisme a eu une résonnance importante. Ces dernières années ont été marquées par une dynamique positive dans la discussion des questions portant sur les « biens culturels déplacés ». Les autorités de la ville de Cologne ont ainsi décidé de rendre le tableau de l’expressionniste autrichien Oskar Kokoschka aux héritiers du célèbre collectionneur d’art Alfred Flechtheim, après plus de quatre ans de discussion.

On peut considérer que l’initiative suisse a lieu dans un contexte général d’amélioration de la compréhension mutuelle au niveau international sur la question de la restitution des biens culturels spoliés/déplacés durant la Seconde Guerre mondiale, et de renforcement de la coopération dans le cadre de la communauté internationale scientifique et muséale. T


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