Les mystères de l’histoire russe : le super espion « Heine» prend contact

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Le dossier de l’opération inédite montée par le renseignement soviétique sous le nom de code de « Monastère » est resté strictement confidentiel plusieurs décennies durant et nous sommes toujours loin de tout savoir sur cette affaire. Pourtant, même une information incomplète suffit pour comprendre que c’était un grand succès des services secrets soviétiques.

L’Allemagne hitlérienne a fondu sur l’URSS en été 1941, déclenchant la plus cruelle et la plus sanglante des guerres dans l’histoire de la Russie. Si les soldats combattaient sur le front, les services secrets livraient leur combat dans les arrières de l’ennemi.

Peu après le début de la guerre, le service soviétique de contre-espionnage a découvert à Moscou un groupe de monarchistes sous le nom de « Trône ». Il était composé d’hommes âgés qui n’étaient pas vraiment dangereux et attendaient la venue des hommes d’Hitler et le renversement du régime bolchevik abhorré. Le plus facile eût été d’arrêter ces vieux inoffensifs mais le renseignement soviétique a décidé de se servir du « Trône » pour infiltrer son agent chez les Allemands.

L’agent en question était un certain Alexandre Demianov d’origine noble dont le père était un officier de l’armée tsariste. C’est pour cette raison qu’il a vite gagné la confiance des monarchistes. Demianov a promis à ses nouveaux « amis » qu’il allait passer du côté des Allemands pour les informer de leur organisation et recevoir les instructions nécessaires. Les monarchistes ont accepté avec enthousiasme. C’est ainsi qu’a commencé l’opération « Monastère ».

Demianov a fait défection en décembre 1941. Lors de l’interrogatoire, il a parlé aux Allemands du « Trône » et déclaré que lui et son organisation souhaitaient travailler pour l’Allemagne. Les hommes d’Hitler ont mis longtemps à corroborer cette information. Ils ont même simulé de passer par les armes Demianov, mais ce dernier s’en tenait à sa version des faits même sous la menace de mort. Des agents allemands ont rendu visite aux membres du « Trône » à Moscou, qui ont confirmé les dires de l’agent. C’est alors seulement à ce moment là que les Allemands l’ont cru. L’agent « Heine » a été infiltré en Union Soviétique, comme membre du renseignement allemand. Revenu en Union Soviétique, Demianov s’est mis à abreuver les Allemands de « renseignements importants », c’est-à-dire d’une désinformation habilement sélectionnée. Son statut s’est accru avec le temps : l’agent « Heine » a fait savoir à Berlin qu’il avait réussi à occuper un poste de responsabilité à l’état-major général soviétique. La quantité de désinformation que recevaient les Allemands a été multipliée grâce à la « promotion » de l’agent.

Demianov rencontrait dans sa planque de Moscou des agents et des saboteurs allemands. Faut-il dire qu’ils se retrouvaient tous sous la cloche du contre-espionnage soviétique. Si les uns se faisaient arrêter, les autres étaient étroitement surveillés pour mettre en évidence leurs liaisons. Le « Trône » n’était pas oublié non plus. Les journaux soviétiques ont annoncé en 1942 qu’un acte de sabotage avait été commis dans une grande usine d’armement en Sibérie. Des centaines de témoins ont entendu des explosions et vu un incendie se déchaîner dans l’enceinte de l’usine. Demianov a informé les Allemands que le sabotage était le fait des combattants du « Trône » qui avaient agi sur ses instructions, alors qu’en réalité c’était une mise en scène habile. En effet, l’incendie allait démolir un vieux bâtiment et dégager ainsi le terrain pour un nouvel atelier. Les services de renseignement soviétique en ont profité et les Allemands ont non seulement cru au sabotage mais ont encore décoré leur agent « Heine » d’une « croix de fer ».

Le jour même, le commandement soviétique remettait à Demianov l’ordre de l’Étoile Rouge. Aussi est-il devenu simultanément cavalier des ordres des deux États belligérants. Moscou a été plus d’une fois averti par ses alliés britanniques que les Allemands avaient une taupe dans l’état-major général soviétique qui avait accès aux informations classées strictement confidentielles. Les Anglais citaient à l’appui le texte des radiogrammes envoyés par Demianov et contenant de la désinformation. Ils ne devaient jamais apprendre qui travaillait sous le masque de cet « espion ». Walter Schellenberg, le chef du renseignement allemand, ne l’a pas su non plus. Il a mentionné après la guerre dans ses mémoires un de ses meilleurs agents. Ce « super espion » était justement Alexandre Demianov.

Quatre 4 années durant, « Heine » a mené en bateau le renseignement allemand. Son travail a permis au commandement soviétique de lancer plusieurs opérations militaires réussies contre les Allemands désorientés. Demianov avait réussi à dénoncer plus de 50 espions et saboteurs ennemis mais les Allemands lui faisaient tellement confiance qu’ils restaient en contact avec lui même quand les troupes soviétiques montaient à l’assaut de Berlin. C’est en mai 1945 que Demianov a reçu le denier radiogramme de ses supérieurs : « l’ennemi l’a emporté sur l’Allemagne. Nos rompons le contact et Vous remercions pour vos loyaux services ». La guerre était finie et l’opération « Monastère » a pris fin.

Après la victoire, Alexandre Demianov a travaillé comme ingénieur dans un Institut de Moscou et est décédé en 1978. Ce n’est que bien des années plus tard qu’on devait apprendre qui était réellement ce modeste ingénieur. /N

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