Du pain et des fakes

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Focus sur les plus scandaleuses arnaques journalistiques

"L'épisode le plus affligeant" du New York Times

Quatre années de suite, Jayson Blair, journaliste au New York Times, a fait ce que la direction a qualifié en 2003 "d'épisode le plus affligeant des 152 ans d'histoire du journal". Le jeune Blair (27 ans en 2003) faisait passer un plagiat flagrant pour des "reportages exclusifs sur le terrain" durant son travail au journal.

Des centaines de reportages "sur le terrain" sont ainsi signés par le journaliste, alors même qu'il n'y avait jamais mis les pieds. Blair réalisait ses reportages sur l'Irak en compilant les versions numériques d'autres revues dont les reporters s'étaient rendus sur les points chauds. Le "scoop" des deux snipers de Washington rapporté par le NYT et immédiatement repris par d'autres médias a également été collé à partir de reportages d'autres collègues.

Une enquête interne a révélé également que de nombreux commentateurs des articles de Blair ne se souviennent pas avoir été interrogés par le journaliste. Après enquête, le plagiaire a été licencié avec le rédacteur en chef, le rédacteur exécutif et quelques autres journalistes.

Un Pulitzer pour un mensonge chez USA Today

Autre exemple avec le journaliste Jack Kelley. Contrairement à Blair, il a vraiment été sur les points chauds et a couvert pratiquement tous les conflits armés à partir des années 1980. Il a visité une centaine de pays, interrogé plusieurs dizaines de chefs d'État et a été nominé cinq fois au prix Pulitzer, le plus prestigieux dans le monde journalistique. Entre 1993 et 2004, Kelley a travaillé pour l'un des plus grands journaux américains — USA Today.

"Comme tous ceux qui ont travaillé avec Jack Kelley, je regrette qu'on ne l'ait pas percé à jour plus tôt", a déclaré la rédactrice en chef Karen Jurgensen peu de temps avant sa démission à cause du scandale Kelley. En 2004, des détails ont commencé à alerter le journal après la révélation de la mort tragique de réfugiés cubains près de côtes de Miami. Le journaliste mentionnait parmi les victimes une femme qui était bel et bien en vie et habitait aux USA depuis de nombreuses années. La presse américaine a publié sa photo et sa biographie. USA Today a donc réuni une commission pour vérifier l'authenticité des autres articles de Kelley.

Il s'est avéré que 100 des 720 articles et reportages de Kelley avaient été bidonnés ou écrits en contournant l'éthique journalistique. En réalité, Kelley n'a jamais visité le repaire secret des terroristes égyptiens; il n'a pas interrogé un étudiant pakistanais qui s'apprêtait à commettre un attentat dans un gratte-ciel de Chicago; il n'a pas rencontré la fille d'un général irakien au service de Saddam Hussein. L'article sur un kamikaze palestinien qui s'est fait exploser dans un café avec une ceinture d'explosifs était également une supercherie, de la même manière que la participation de Kelley à l'opération pour capturer Oussama Ben Laden.

Ce scandale l'a forcé à quitter le journal, après quoi la rédactrice en chef de USA Today a également été renvoyée.

Obsédé par son métier

Vlado Taneski a travaillé pendant 20 ans pour le journal macédonien Nova Makedonia à la rubrique faits divers. Ses articles sur les victimes d'un tueur en série violent et insaisissable — trois femmes de ménage âgées entre 55 et 80 ans, violées, battues, étranglées et démembrées — étaient très populaire auprès des lecteurs.

Taneski a rencontré les proches de victimes et suivait minutieusement chaque étape de l'enquête, il décrivait dans les moindres détails les circonstances de la mort, allant jusqu'à la longueur des câbles qui avaient servi à étrangler les femmes. Cette méticulosité a suscité les soupçons des enquêteurs. En 2008, le journaliste a été inculpé pour les trois meurtres et placé en détention. Peu de temps avant l'annonce du verdict il a été retrouvé mort dans sa cellule. Selon la version officielle, il se serait suicidé en se noyant dans un seau d'eau. Par un étrange concours de circonstances, son suicide n'a pas été remarqué par les surveillants ni par ses compagnons de cellule.

Besoin d'un sujet? Commandite un assassinat

Wallace Souza a quitté la police pour devenir journaliste. Il présentait une émission populaire sur le crime pour la chaîne Canal Livre dans l'État d'Amazonas, au Brésil. Souza se distinguait par une rapidité hors-norme: il était souvent le premier sur les lieux du crime, faisait des directs d'arrestations retentissantes et de raids de la police. En 2009, les forces de l'ordre ont expliqué cette rapidité par le fait que Souza était le commanditaire des crimes qui faisaient ensuite l'objet de ses reportages. Le présentateur de 51 ans a été arrêté et accusé d'au moins neuf assassinats, de trafic de drogues, d'intimidation de témoins et de détention d'armes. Avec lui, quinze autres personnes ont été appréhendées, dont le fils du journaliste et quelques collaborateurs de l'émission. Le chef du service de sécurité de l'émission a reconnu avoir commis un meurtre à la demande de l'auteur de l'émission.

En reportage… sur les épaules d'une victime

En 2013, la chaîne indienne News Express a licencié le correspondant Narayan Pargaien pour avoir réalisé un reportage sur l'inondation au nord de l'Inde assis sur les épaules d'une victime de la catastrophe — un jeune homme chétif dans la rivière jusqu'aux genoux.

Le journaliste affirmait que le jeune homme avait lui-même proposé de lui faire traverser l'eau en signe de respect, parce que Pargaien était le premier homme de haut rang à visiter sa maison. Cependant, la direction de la chaîne a décidé de renvoyer le reporter pour comportement inhumain.

Fausses interviews de stars

Personne n'a été tué ou pillé après cet épisode journalistique de 2009 en Norvège. Et ce qui s'est passé suscite plus de compassion pour le journaliste que de condamnations.

Le journaliste norvégien indépendant Bjorn Benkow, 66 ans, a reconnu avoir falsifié plusieurs interviews de célébrités publiées dans le magazine pour hommes norvégien Mann et le journal suédois Aftonbladet. Parmi les supercheries de Benkow — l'interview du président de Microsoft Bill Gates et le pilote de F1 Michael Schumacher. Le journaliste a expliqué sa fraude par les difficultés financières qu'il traversait. Benkow s'est repenti après la déclaration du porte-parole de Microsoft selon laquelle son PDG n'avait accordé aucune interview à la presse norvégienne.

Trop de Photoshop

En 2006, des photographes et des utilisateurs de Photoshop ont attrapé le photographe de l'agence internationale Reuters Adnan Hajj pour falsification de photos de Beyrouth. Il s'agit d'une photo publiée par l'agence montrant la ville en fumée après une attaque de l'aviation israélienne.

Après la diffusion de cette photo dans les plus grands journaux, certains photographes et blogueurs ont constaté que l'image avait été retouchée par Photoshop de manière assez grossière. Hajj a nié et insisté sur le fait que le traitement de sa photo par le rédacteur graphique se limitait au nettoyage des marques de poussière et à la correction de l'éclairage. Il s'est avéré par la suite que Hajj avait emprunté et retouché la photo du photographe d'une autre agence — Ben Curtis d'Associated Press. Reuters a mis fin à sa collaboration avec le fraudeur et a supprimé ses 920 photos de sa banque de données.

Tous les moyens sont bons pour faire de l'audience

En février 2015, la chaîne américaine NBC a suspendu sa célébrité Brian Williams après avoir découvert que plusieurs de ses histoires racontées à l'antenne avaient été inventées. En particulier, l'histoire captivante de l'hélicoptère touché en Irak en 2003 par un missile avec le reporter à son bord. Williams a raconté cette histoire dans plusieurs émissions — pour démontrer le danger du métier de journaliste sur les points chauds de la planète.

Williams aurait probablement continué de raconter son histoire si un membre de l'équipage de l'hélicoptère abattu n'avait pas écrit sur Facebook que le journaliste ne se trouvait pas à bord, mais était arrivé sur les lieux une heure après les faits. Williams a été contraint de présenter ses excuses devant des millions de téléspectateurs. NBC a ouvert une enquête interne, dont les résultats n'ont pas encore été rendus publics.

Pendant ce temps, la presse américaine dénonce l'une après l'autre les fraudes de Williams. Plusieurs cas "d'embellissement" des reportages ont été rappelés au journaliste. Les médias affirment qu'il en a abusé en couvrant les conséquences de l'ouragan Katrina (on dit que même l'histoire de sa contamination par la dysenterie quand il travaillait à la Nouvelle-Orléans était un fake), ainsi que le reportage pendant lequel il s'est fait tirer dessus en 2006 par un hélicoptère du Hezbollah.

Contenu réalisé à partir d'informations émanant de sources ouvertes

 

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