L'entraînement est-il vraiment un gage de réussite?

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S'entraîner pour réussir: la formule nous est répétée depuis l'enfance, des cours de gym, aux leçons de piano... Mais les entraînements intensifs servent-ils vraiment à quelque chose?

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En 1973, William Chase et Herbert Simon de l'université Carnegie-Mellon (Pennsylvanie) inventaient la "règle des dix ans", selon laquelle il ne serait possible d'atteindre un niveau professionnel dans un domaine qu'en s'entraînant intensivement pendant dix années minimum. Même s'ils avaient focalisé leur attention sur les joueurs d'échecs de niveau international, la conclusion des chercheurs avait également été confirmée par les résultats d'études similaires portant sur les sportifs, les musiciens et les mathématiciens. Malcolm Gladwell avait apporté sa contribution au débat sur le thème "on ne naît pas génie on le devient" en évoquant en 2008, dans son livre Outliers, la "règle des 10 000 heures" — ou le temps qu'un individu doit pratiquer pour parvenir au succès dans un domaine. Pour réussir, il fallait donc moins de talent que d'assiduité.

Cette approche commence à être remise en question. Les récentes recherches d'une équipe dirigée par Brooke Macnamara de l'université Case Western Reserve (Ohio) indiquent que les entraînements intensifs ne sont que l'un des facteurs qui influencent les résultats d'un sportif éminent. Dans le dernier numéro du magazine Perspectives on Psychological Science, Macnamara et ses collègues ont publié les résultats de leur étude: après avoir étudié 33 travaux sur le lien entre la pratique et la réussite des sportifs, ils ont conclu que les entraînements ciblés n'assuraient que 18% du succès indépendamment de la discipline. Cette recherche a confirmé les résultats obtenus par les experts deux ans plus tôt. A l'époque, ils avaient analysé 88 travaux scientifiques et avaient également établi qu'une pratique ciblée ne déterminait que 4% du succès dans les études scolaires, 21% dans le domaine musical et 26% dans différents jeux.

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De plus, la signification de l'assiduité diminuerait avec l'augmentation du niveau d'entraînement: chez les sportifs de classe internationale, les entraînements ne déterminent plus que 1% du succès final. Autre conclusion intéressante des chercheurs: l'homme n'a pas du tout besoin de pratiquer le sport depuis l'enfance pour devenir professionnel. Les 82% restants du succès, selon Macnamara et ses collègues, sont déterminés par les qualités personnelles et l'assiduité, la prédisposition aux traumatismes et à l'échec suite à une forte tension émotionnelle, les particularités de coordination et d'augmentation de la masse musculaire, la taille, l'attitude de l'individu envers la concurrence et l'indice VO2 max (capacité maximale de consommation d'oxygène pendant l'effort). La motivation joue également un grand rôle: selon certaines études, un sportif visant des fins matérielles comme la gloire, l'argent et les récompenses a plus de probabilités de quitter le sport. Le fait est qu'une telle motivation "extérieure" fait grandir la peur de l'échec, ce qui affecte inévitablement le résultat.

Macnamara et ses collègues ne pensent pas pour autant qu'il faille complètement abandonner la pratique. "Les exercices développeront forcément vos capacités. 18%, c'est beaucoup. Nous cherchons simplement à montrer que la pratique n'est pas l'unique composante du succès", résume-t-elle. Le magazine Vox, qui l'a interviewée, précise également que les informations sur les entraînements et l'expérience des sportifs venaient de leurs propres récits, et que des inexactitudes étaient donc possibles.

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Côté critiques, Anders Ericsson, professeur de psychologie à l'université de Floride, souligne que les chercheurs ont mis toutes les disciplines sur le même plan. C'est, selon lui, une grande erreur: "Pour un musicien professionnel par exemple, les exercices individuels jouent un rôle important dans le développement des acquis". Ericsson est partisan d'un point de vue très différent: en 1993 déjà, dans son travail "Le rôle de la pratique consciente dans la réussite professionnelle", il affirmait que l'expérience du passé et du présent était une pierre angulaire des grandes performances. Toutefois, à l'époque, Ericsson et ses collègues avaient remarqué que le volume d'exercices n'était pas l'unique facteur de succès. La possibilité de pratiquer avec un enseignant, le soutien de la famille et de l'entourage, ainsi qu'une bonne santé et l'absence de traumatismes (il était avant tout question de musiciens dans l'étude) jouaient également un rôle important.

En 2004, les chercheurs canadiens Joseph Baker et Sean Horton, qui s'étaient aussi penchés sur le succès des sportifs, avaient conclu que "même une prédisposition génétique et une éducation dans les conditions les plus favorables ne garantissent pas le succès".

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