En Chine, des agents anti-divorce "éloignent" les maîtresses pour 60.000 EUR

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Le taux de divorce en Chine a progressé d'environ 70% au cours de la dernière décennie et est désormais plus élevé que la moyenne de l'UE. Et à Pékin, 73.000 couples ont divorcé en 2015, soit trois fois plus qu'en 2006. C'est la raison d'être de l'entreprise "Weiqing" ("Protection des sentiments").

Lorsque Mme Wang, 37 ans, a découvert effarée que son mari la trompait depuis plusieurs années, elle a fait appel à des agents secrets, les "éloigneurs de maîtresses", ultime recours pour sauver les mariages en Chine.

Plutôt que de demander le divorce, ce qui lui aurait fait perdre son statut social et financier, Mme Wang a recruté une espionne, chargée en toute discrétion de gagner la confiance de la maîtresse par la ruse, puis de la persuader de quitter l'époux volage, et en deux mois, la longue relation adultérine a volé en éclats.

Mme Wang, qui se décrit comme "simple employée", dit avoir payé "entre 400.000 et 500.000 yuans"(54.000 à 67.000 euros) pour cette prestation, soit au minimum 70 fois le salaire mensuel moyen dans la province du Guangdong (sud), où elle réside.

"Je pense que ça en valait la peine. Je suis satisfaite", a-t-elle déclaré à l'AFP.

A tel point qu'elle envisage désormais de devenir elle-même éloigneuse de maîtresses.

"De cette manière, je pourrai aider d'autres femmes à protéger leur famille et leurs droits", a-t-elle estimé.

A signaler qu'en Chine où divorces et adultères explosent, ce marché est porteur.

L'entreprise "d'éloignement de maîtresses", utilisée par Mme Wang, "Weiqing" ("Protection des sentiments"), possède 59 filiales à travers le pays, proposant également conférences et conseils juridiques gratuits. Son fondateur, Shu Xin, 48 ans, dit avoir 300 agents sous ses ordres.

"Mon objectif est d'empêcher les divorces", a assuré à l'AFP M.Shu, en affirmant que son entreprise sauvait chaque année 5.000 couples.

Selon lui, diplômés de psychologie, de sociologie ou de droit, ces Sherlock Holmes du cœur doivent avoir trois ans d'expérience dans le conseil avant d'être envoyés "sur le terrain", où ils se font passer pour des voisins, des concierges, voire des baby-sitters.

L'une d'elle, Ming Li, 47 ans, a trois ans de métier.

"En général, je suis plus âgée que la cible, donc elle m'écoute", a-t-elle raconté.

Et d'expliquer que quand la cible se rendait par exemple dans un parc, au supermarché ou au travail, l'"éloigneuse" allait à sa rencontre.

"Et même si elle est casanière, je peux prétexter une fuite d'eau dans mon appartement et lui demander de l’aide (…). On trouve toujours un moyen de rentrer en contact", a indiqué Ming Li.

Elle a évoqué certaines de ses méthodes.

"Une fois, j'ai joué le rôle d'une diseuse de bonne aventure. Intriguée, la maîtresse m'a demandé de l'analyser. Evidemment, je savais déjà tout d'elle via l'épouse trompée. Donc je n'ai eu aucun mal à l'ébahir et lui faire quitter le mari. C'était l'un des cas les plus rapidement résolus", a-t-elle raconté.

L'avocat du cabinet pékinois Yingke et spécialiste des divorces, Zhu Ruilei, a exposé les raisons d'être de telles entreprises.

"La libéralisation des mœurs, les tensions liées aux différences de revenus mari-épouse, l'incompatibilité d'humeur, mais aussi la volonté, plus affirmée qu'avant chez certains conjoints, de poursuivre des rêves personnels", a-t-il listé, en signalant qu'avec Internet, être infidèle était facile.

Selon une étude du site de rencontre chinois Baihe.com, la moitié des couples chinois sont confrontés à l'adultère lors du premier mariage: l'époux a une maîtresse (21,5% des couples), ou la femme un amant (20%), et parfois la tromperie est mutuelle (8,7%).

Quoi qu'il en soit, les maîtresses restent mal considérées en Chine, où elles sont appelées des "xiaosan", un terme péjoratif signifiant "tierce personne de rang inférieur (à l'épouse)", et elles font parfois l'objet de violentes représailles.

"Les maîtresses, c'est mondial. En Chine, la spécificité, c'est qu'elles (les concubines, ndlr) sont entretenues: le mari, souvent riche, leur paie appartement de standing, voiture, produits de luxe", a détaillé le patron de "Weiqing".

Evoquant son entreprise "d'éloignement de maîtresses", il souligne: "On gagne beaucoup. Mais on perd beaucoup aussi, car en cas d'échec, l'intégralité de la somme est remboursée".

Weiqing engage des frais coûteux pour l'opération: salaire des détectives, loyer de l'appartement servant de couverture, cadeaux onéreux (bijoux, vêtements) pour la maîtresse ou même voyages pour développer l'amitié…

"Pour l'instant, la loi chinoise ne considère pas ces activités comme illégales", a précisé Zhu Ruilei, l'avocat.

Il fait valoir que ces services, s'ils sont bien réalisés, ont une utilité, mais les problèmes sont nombreux: violation de la vie privée, relation enquêteur-maîtresse basée sur la duperie…

"Et puis il y a aussi le risque de blesser les sentiments des gens", a-t-il fait remarquer.

Or, Ming Li, l'éloigneuse, a dit avoir une solution.

"Parfois j'aide la maîtresse à retrouver un petit ami. C'est ma manière de lui apporter, à elle aussi, le bonheur ", a-t-elle expliqué.

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