Comment un marin soviétique a sauvé le monde d’un accident nucléaire

© Photo Press-service of JSC "PO "Sevmas" Un sous-marin russe
Un sous-marin russe - Sputnik Afrique
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En 1986, le monde aurait pu vivre un accident comparable à Tchernobyl, cette fois dans l’Atlantique, à proximité du littoral américain. Cependant, le monde a été sauvé grâce à la vie d’un marin soviétique qui avait seulement 20 ans.

En 2004, les médias ont rapporté qu'Igor Britanov, ancien officier de la flotte sous-marine soviétique, avait gagné un procès contre une entreprise américaine de cinéma. Sa plainte portait sur le film Péril en mer (1997) où son rôle était interprété pat Rutger Hauer.

L'officier n'avait rien contre l'acteur, mais il était mécontent des altérations à sa biographie et des circonstances de l'histoire sur laquelle se basait le film: un accident à bord du sous-marin K-219 et la perte de l'appareil. La cour a reconnu le bien-fondé des accusations d'Igor Britanov et contraint la compagnie à lui verser une compensation.

Comparée à d'autres catastrophes de sous-marins, l'histoire du K-219 est assez méconnue.

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En septembre 1986, le K-219, sous-marin nucléaire du Projet Navaga, a quitté Gadjievo (nord de la Russie) pour son dernier voyage autonome le long du littoral américain afin d'assurer sa veille habituelle. Le bâtiment portait 16 missiles balistiques d'un étage à combustible liquide RSM-25 et trois ogives nucléaires.

L'un des silos de missiles avait été mis hors d'exploitation à cause de problèmes techniques survenus dans les années 1970. Son capot avait été soudé, ce qui ne perturbait pas les capacités de combat du sous-marin.
Une autre défaillance était une fuite d'eau d'une valve du tube de missiles N°6. Cependant elle était considérée comme peu importante et sans répercussion sur la sécurité.

Sous l'ordre du chef du service de combat N°2 Alexandre Petratchkov, on pompait l'eau du silo vers la cale et personne ne rapportait rien au capitaine.

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Le 3 octobre 1986, une manœuvre effectuée par le sous-marin s'est soldée par une décompression totale du silo, qui s'est rempli d'eau.

Les techniciens ont utilisé une pompe puissante pour se débarrasser de l'eau mais la cuve d'oxydant avait été endommagée. Cette substance, le peroxyde d'azote, est très agressive et crée des vapeurs létales. Le commandant du K-219, Igor Britanov, a enfin été informé de cette situation critique.

Alexandre Petratchkov a proposé de tirer le missile via un lancement d'urgence des propulseurs principaux. Il fallait pour cela remplir le silo d'eau, ce qui devait prendre cinq minutes.

Mais l'équipage n'avait plus ces cinq minutes et le missile a explosé dans le silo. Certaines parties de ce dernier ont été éjectées vers la mer et d'autres ont pénétré dans le sous-marin, produisant des gaz toxiques lors de leur contact avec l'eau. Le compartiment N°4 du sous-marin — celui des missiles — a été rempli de gaz toxiques.

En autre, le K-219 est tombé de 40 à près de 350 mètres de profondeur. Si sa plongée n'avait pas été arrêtée, le bâtiment aurait été détruit et tout son équipage aurait péri.

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Le commandant a ordonné de pomper de l'air dans toutes les citernes de ballast et de démarrer en même temps tous les moteurs afin d'effectuer une remontée d'urgence en surface. Les marins soviétiques avaient peu de chance d'atteindre la surface après une telle explosion mais ils y sont tout de même parvenus.

La situation à bord du K-219 s'aggravait. Un incendie a commencé dans le compartiment accidenté et a même atteint la section voisine N°5 via les systèmes d'électricité et d'aération. L'équipage a dû se retirer vers la poupe à cause du gaz et des flammes.

Il n'y avait plus moyen de conserver le secret: le K-219 avait dévoilé sa position aux Américains.

En plus, le réacteur menaçait de déraper. La température du liquide réfrigérant du premier revêtement augmentait rapidement. La réaction pouvait échapper à tout contrôle et se solder par un accident comparable à Tchernobyl, cette fois à proximité du littoral américain.

Il fallait donc se rendre dans le compartiment du réacteur — rempli de gaz toxiques et réchauffé jusqu'à 70 degrés — pour baisser manuellement quatre grilles de compensation.

Ce sont le commandant du compartiment de réacteur Nikolaï Belikov et le matelot Sergueï Preminine qui se sont attelés à cette tâche. Après avoir baissé trois des quatre grilles — au prix d'efforts énormes — M. Belikov a perdu connaissance. Alors Sergueï Preminine est allé baisser la dernière grille tout seul.

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Il a accompli sa tâche, mais la différence de température et de pression dans les compartiments a déformé la trappe que ni lui ni ses camarades à l'extérieur n'étaient plus en mesure d'ouvrir. Les marins ont essayé jusqu'au dernier moment d'ouvrir la trappe mais on n'entendait plus aucun son en provenance de la salle du réacteur. Sergueï Preminine est resté sans oxygène. Mort à 20 ans, il a sauvé le monde d'une catastrophe nucléaire.

Les navires américains ont été les premiers à venir secourir les marins russes, mais le capitaine a refusé leurs services. Quelque temps plus tard, des navires commerciaux soviétiques se sont finalement rapprochés du lieu de l'accident pour accueillir les blessés et d'autres membres de l'équipage du sous-marin.

L'équipage du K-219 a établi pour l'état-major un rapport sur l'accident et sur la mort de trois personnes, y compris Alexandre Petratchkov.

Le sort du bâtiment était pratiquement scellé: privé de propulsion et d'énergie, il se remplissait d'eau. Tout l'équipage, sauf le capitaine, l'avait déjà quitté. Certains marins pensaient que le commandant voulait périr avec son navire.

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Mais Igor Britanov était resté à bord pour une autre raison: s'il avait quitté le K-219, une équipe américaine de sauvetage aurait pu pénétrer dans sous-marin pour récupérer plusieurs trophées secrets. M. Britanov n'a quitté le sous-marin que quand il ne dépassait plus que d'un mètre au-dessus de l'eau. Deux minutes après, à 11h03 le 6 octobre 1986, le bâtiment a sombré dans les eaux de l'océan Atlantique pour finalement toucher le fond à une profondeur de 5 500 mètres.

En juillet 1987, Sergueï Preminine a été décoré pour son exploit à titre posthume de l'ordre de l'Étoile rouge. En 1997, date de sortie du film Péril en mer aux États-Unis, le président russe lui a également octroyé à titre posthume le titre de Héros de la Fédération de Russie pour son courage et son héroïsme lors du service.

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