Entrave à l’IVG ou entrave à la liberté d’expression ?

© REUTERS / Charles PlatiauL'Assemblée nationale (France)
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L’Assemblée nationale a voté la loi qui vise à élargir au numérique le « délit d’entrave » à l’IVG. Selon l’institut national d’études démographiques, environ 200 000 avortements sont pratiqués en France. Droite parlementaire, militants des libertés publiques et catholiques protestent contre une atteinte à la liberté d’expression.

Quarante ans après la loi Veil, l'IVG reste un sujet sensible. Élargir le délit d'entrave à l'IVG au numérique est né du constat suivant: les sites hostiles à l'avortement sont très bien référencés dans les moteurs de recherche, devenant ainsi source d'information… ou de désinformation, pour certains. « Chacun est et reste libre d'affirmer son hostilité à l'avortement (…) À condition de le faire en toute honnêteté, car la liberté d'expression ne peut se confondre avec la manipulation des esprits », a défendu Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des Femmes.

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Liberté d'opinion ou manipulation des esprits? Selon la député PS Véronique Massonneau: « Certain lobbies, sous couvert d'info, travestissent leur opposition via des sites Internet, d'apparence neutre, voir institutionnelle ». Être contre l'IVG est une opinion, en revanche « entraver volontairement l'accès à l'information est une atteinte aux droits des femmes. » Le texte vise à sanctionner les responsables des sites et non pas à les fermer. Un délit est sanctionné par une peine pouvant aller jusqu'à deux ans de prison et 30 000 euros d'amende.

Cinq heures de débats et 76 amendements, émanant essentiellement des Républicains (LR) et de l'extrême droite. Ces derniers y voient une atteinte à la « liberté d'expression ». Selon le député Les Républicains Jacques Myard, si une femme a décidé d'avorter « elle le fera, quels que soient les conseils qu'on lui donne. […] C'est la raison pour laquelle ce projet de loi a une vision totalement totalitaire de la société et est dangereux pour la liberté d'expression. Je suis même convaincu qu'il est totalement anticonstitutionnel. »

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Les militants des libertés publiques sont également montés au créneau. La Quadrature du Net, une association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, s'inquiète: la notion de « pression psychologique » ne devrait pas inclure ce qui relève « de la mise à disposition de contenus sur Internet ». Elle ajoute: « La création d'un délit pour mise à disposition de contenus, fussent-ils douteux, écœurants ou opposés à la liberté de choix des personnes, porte indiscutablement atteinte à la liberté d'expression. »

L'archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France, Georges Pontier, a directement adressé une lettre à François Hollande. Il estime que la proposition de loi « constituerait, malgré ce qu'affirment ses dépositaires, un précédent grave de limitation de la liberté d'expression sur Internet », qui « ne peut être à plusieurs vitesses suivant les sujets ». Hugues Fourage, porte-parole des députés socialistes, a répliqué en indiquant que « nous sommes dans un État laïc et nous refusons que la loi soit dictée par des considérations spirituelles. »
La proposition de loi sera examinée par le Sénat le 7 décembre.

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