Fin de la pub pour les produits polluants? Il faut «retrouver du temps de cerveau disponible», selon un député LFI

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Sale temps pour la réclame. Entre la crise sanitaire qui l’a frappée de plein fouet et les Français qui la boudent, la publicité devait déjà affronter de nombreux défis. Désormais, ce sont les écologistes qui militent pour son encadrement… voire sa suppression. Loïc Prud’homme, député LFI, en fait partie. Il explique pourquoi à Sputnik.

Cachez cette publicité que je ne saurais voir!

Le député écologiste Matthieu Orphelin (Écologie Démocratie Solidarité et ex-LREM) a tenté en vain de rallier la commission du développement durable de l’Assemblée nationale à sa cause. Mais celle-ci n’a pas voté sa proposition «Loi Évin climat», qui visait notamment à interdire progressivement l’affichage digital, restreindre les campagnes publicitaires pour l’automobile (véhicules les plus polluants) et certains trajets en avion. Ce projet doit être examiné le 8 octobre en séance publique dans l’hémicycle.

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Plusieurs députés présents ont pointé les limites du dispositif. Jean-Marie Sermier (LR) craint que celui-ci puisse «déséquilibrer» plusieurs filières. Sophie Auconie (UDI et indépendants) a abondé dans son sens en avançant qu’avant «même de leur proposer des alternatives», des secteurs entiers «seront pénalisés». La députée Modem Aude Luquet a, quant elle, affirmé qu’il était impossible «de procéder à des interdictions pures et simples pour certaines catégories de produits, sauf en cas de problèmes de santé publique, comme pour le tabac.»

La publicité dans le viseur des écolos

Sur le plateau de LCP, Matthieu Orphelin a déclaré, un brin amer, que «les professionnels et les lobbyistes de la publicité ont réussi à intoxiquer tout le monde en faisant croire que c’était une [loi, ndlr] qui allait interdire les publicités sur toutes les voitures, tout l’aérien». Alors que son objectif est de «réguler la publicité sur les produits les plus polluants.»

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Une volonté d’encadrement qui semble faire d’ailleurs son chemin dans la tête d’une partie des Français. Lors de la convention citoyenne pour le climat, l’une des propositions était de «réguler la publicité pour réduire les incitations à la surconsommation» et d’«interdire de manière efficace et opérante la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, sur tous les supports publicitaires». C’est d’ailleurs une piste qui doit apparaître dans le projet de loi qui sera porté en fin d’année par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique.

Interrogé par Sputnik, Loïc Prud’homme, député LFI de Gironde qui a pris part à la commission, n’est pas étonné par la levée de boucliers face à de telles mesures. «Les arguments que j’ai entendus de la droite ou de La République En Marche, c’est surtout: ne changeons rien au modèle», ironise-t-il.

«Cette filière publicité est inhérente au modèle d’économie hyper-libéralisée, hyper-capitaliste, axée sur l’accumulation sans limites, qui nous est proposé depuis plusieurs décennies. Quand des gens comme moi –et dans une moindre mesure Matthieu Orphelin– pensent mettre un frein ou changer ce modèle, on vous dit que ce n’est pas possible.»

Pourtant, le député LFI a émis de fortes réserves quant à la «Loi Évin Climat». Selon lui, il faudrait «opérer une rupture» dans les plus brefs délais, au vu de l’urgence climatique.

«Proposer des choses avec une échéance fixée à l’horizon 2030, c’est trop tard. Il faut assumer cette rupture. Matthieu Orphelin voudrait que les gens continuent de travailler dans ces secteurs, mais de manière plus vertueuse, pour nous vendre des voitures moins “pourries”, je n’y crois pas une seconde.»

Le député de Gironde a déposé mi-septembre une proposition de loi qui «va beaucoup plus loin». Et pour cause, l’un de ses objectifs est de «sortir de l’espace public tout message commercial». Une initiative pour le moins radicale, mais qui serait bénéfique pour la société, explique Loïc Prud’homme.

«C’est pour se libérer, retrouver du temps de cerveau disponible, mais pour autre chose que pour consommer encore plus. Retrouver la liberté d’être dans l’espace public sans être assailli de messages nous enjoignant à changer de smartphone ou d’acheter une voiture.»

Néanmoins, interdire tout simplement la publicité ne serait-ce pas infantiliser les Français, en décrétant qu’ils n’auraient pas la capacité de faire des choix en conscience?

Sortir de l’espace public tout message commercial

Pour Loïc Prud’homme, cet argument est «complètement faux» et «battu en brèche de nombreuses études scientifiques

«Les consommateurs ne sont pas libres […] On n’est pas armés pour faire des choix en liberté, en conscience, en connaissance de cause. C’est d’ailleurs le boulot de la publicité de nous faire faire des choix “contraints” ou du moins de nous aiguiller», assène-t-il.

Déjà frappé par la crise sanitaire, le marché de la publicité devrait finalement reculer de 20% en 2020, pour atteindre 27,2 milliards d’euros de recettes nettes, soit 7 milliards de moins, d’après les données l’IREP et France Pub en association avec le SRI (régies Internet) et l’UDECAM (agences médias), cités par Le Figaro. Interdire la réclame pourrait donc avoir des effets délétères sur une filière qui compte plus de 10.000 entreprises (chiffre AFDAS).

«Aujourd’hui, cette activité est-elle socialement soutenable? Est-ce que l’on a besoin de publicités pour nous vendre des produits qui ruinent notre santé et l’environnement?», rétorque le député LFI.

D’autant plus que le rapport des Français et la publicité évolue. Désormais, près de 86% d’entre eux aimeraient vivre demain dans une société où la consommation prend moins de place, mais surtout, 9 Français sur 10 estiment que les entreprises poussent à la surconsommation, d’après le baromètre GreenFlex de la consommation responsable, réalisé par l’institut de sondage YouGov.

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