Gouvernement électronique: Big Brother ou un bien pour la population? L’avis de la Banque mondiale - exclusif

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Le gouvernement peut devenir d’ici 10 ans totalement électronique, suggère au micro de Sputnik Renaud Seligmann, directeur de la Banque mondiale en Russie. À part ses avantages évidents pour la population, il y a aussi des risques de cybercrimes, la surveillance par l‘État, la difficulté d’accès aux services et la complexité des démarches.

La pandémie a accéléré le développement de différents domaines de la vie sociale et politique, favorisant l’automatisation des entreprises mais aussi la transition numérique dont le gouvernement électronique.

Les avantages, les inconvénients et les risques de ce dernier ont été abordés par Renaud Seligmann, directeur et représentant permanent de la Banque mondiale en Russie lors d’une interview accordée à Sputnik.

Interrogé après le forum Open Innovations qui s’est tenu en octobre en Russie et lors duquel la transition digitale du monde entier a été largement discutée, M. Seligmann a évoqué un principe important du passage vers le gouvernement électronique sur fond de crise sanitaire:

«Il est évident que beaucoup de gens qui sont à risque, et même les gens qui ne sont pas dans des catégories à risque, ne peuvent plus avoir le luxe de faire la queue dans un centre administratif pour obtenir des services indispensables à la vie quotidienne».

Les services numériques publics destinés à les remplacer devraient être simples d’utilisation:

«On pourrait dire que payer ses impôts, obtenir une carte d’identité ou un permis de construire ne devrait pas être plus compliqué que de commander une pizza».

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À part la rapidité et la transparence du service, «il y a un certain nombre de conditions qui doivent être remplies et qui ne le sont pas toujours» pour le bon fonctionnement des services, a-t-il souligné.

Problèmes de restructuration

Premièrement, l’informatisation des procédures administratives devrait être accompagnée par une restructuration pour mettre «l’expérience de l’usager au cœur de l’action publique» et permettre d’éviter une «automatisation des mauvaises habitudes.

«Imaginons que vous vouliez obtenir une carte d’identité. Si pour cette étape différente de la procédure papier vous reproduisez ces étapes en procédure électronique, évidemment, vous ne gagnez pas au change», explique M.Seligmann.

Deuxièmement, il existe un risque d’inégalité d’accès: «Tout le monde n’est pas aussi à l’aise avec l’informatique que peut-être notre génération, la génération de nos enfants».

Les considérations de classes et de revenus sont également à prendre en compte. Par exemple dans les pays en développement l’absence d’accès à l’électricité ou à Internet peut compliquer ces opérations. C’est pourquoi la Banque Mondiale travaille activement sur ces questions. 

Le troisième problème concerne le manque de cohérence des systèmes, lorsque chaque administration exerce son activité à sa guise: 

«Dans ce cas, non seulement ça coûte cher, mais de plus on perd beaucoup d’opportunités d’identifier les synergies, de croiser les données et d’identifier les sources de fraudes, les sources de gâchis et d’améliorer la qualité des services à l’usager», indique Renaud Seligmann.

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Enfin viennent les questions de cybersécurité, de fraude et de protection des données personnelles. En plus de cela, «il y a un risque de surveillance d’État. Le risque de Big Brother existe et il faut en tenir compte non seulement dans la gestion du respect de la vie privée mais aussi dans la communication du secteur public à l’égard des usagers».

Deux scénarios possibles

Comme la technologie et les besoins de la population évoluent, le potentiel du gouvernement électronique peut ne jamais être «totalement réalisé», suggère M. Seligmann. Néanmoins, «d’ici peut-être 10 ans, l’expression "gouvernement électronique" deviendra un pléonasme»:

«Tout le gouvernement sera électronique par défaut, de la même manière que le commerce électronique n’aura plus de sens, ce sera le commerce. Cela deviendra la seconde nature du gouvernement électronique d’être avant tout un gouvernement à base de numérique».

Grâce à l’intelligence artificielle, il sera alors possible de personnaliser les services à partir des données personnelles, individuelles et collectives, poursuit-il. Dans un scénario positif, le gouvernement électronique sera également impliqué dans l’anticipation des besoins actuels et futurs des usagers:

«Avant même que la femme n’accouche, le gouvernement anticipera le besoin d’une place en crèche ou de services de pédiatrie ou de vaccination et connaîtra déjà qu’il sera nécessaire dans trois ans de prévoir une place en maternelle et que dans huit ans il faudra une place en école primaire et dans dix-huit ans une place à l’université, etc.».

Cette aspiration existe déjà dans un certain nombre de pays dont la France, Israël, la Finlande, l’Estonie et Singapour, a-t-il ajouté.

Cependant, il existe un autre scénario qui comporte un risque potentiel que les données soient utilisées à des fins initialement non prévues. Afin de prévenir ce risque, il est indispensable de s’assurer de la «transparence des algorithmes de l’intelligence artificielle, qui peuvent être biaisés» et la protection des données personnelles. 

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