Medias mensonges? L’affaire Litvinenko

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Alexandre Latsa - Sputnik Afrique
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Le 23 novembre 2006, un "ancien agent des services secrets russes" décède à Londres. Ce décès a agité le monde médiatique pendant des années.

Le 23 novembre 2006, un "ancien agent des services secrets russes" décède à Londres. Ce décès a agité le monde médiatique pendant des années.

Alexandre Litvinenko, ex-lieutenant colonel du FSB (le service de contre-espionnage de Russie) était né le 4 décembre 1962. Il fut un temps chargé de la lutte contre la mafia en Russie, puis il a quitté la Russie après avoir affirmé en 1998  lors d’une conférence de presse qu’il aurait reçu l’ordre d’assassiner le milliardaire russe Boris Berezovksi. Boris Berezovsky n’est pas un inconnu en Russie. Cet homme d'affaires et politique russe est l'un des oligarques les plus célèbres, puisque via ses entrées dans le cercle de l’ancien président russe Boris Eltsine, BAB (Boris Abramovitch Berezovsky) était devenu l’un des premiers milliardaires de la Russie post communiste. C’est lui qui avait contribué politiquement au lancement de la carrière politique de Vladimir Poutine. Pourtant le nouveau président russe ne tarde pas à faire enquêter sur les affaires de Boris Berezovskyen Russie, notamment sa participation à la privatisation de la compagnie aérienne russe Aeroflot. Poursuivi pour fraude et évasion fiscale par le Parquet russe, il s’exile à Londres en octobre 2001.

Presque au même moment (octobre 2001) Alexandre Litvinenko s’envole lui aussi pour la Grande Bretagne (via la Turquie) ou il obtient également l’asile politique, grâce à l’aide logistique d’un homme d’affaire russe du nom d’Alex Goldfrap, proche de Berezovsky. Litvinenko se met à écrire notamment pour le site séparatiste ChechenPress mais soutient également Boris Berezovsky dans ses offensives médiatiques contre le nouveau régime russe de Vladimir Poutine. En 2006, Alexandre Litvinenko devient citoyen Britannique. Son hospitalisation, puis sa mort fin 2006, fera grand bruit. Non seulement l’homme a été empoisonné au Polonium 210 (une substance radioactive), mais cet empoisonnement survient après qu’il ait accusé le FSB d’être a l’origine des attentats de 1999 pour justifier l’intervention en Tchétchénie.

La mort de Litvinenko a entrainé une campagne médiatique sans précédent contre le régime de Vladimir Poutine. Une image est restée : cette photo d’Alexandre Litvinenko sur son lit d’hôpital a fait le tour du monde et elle a choqué les opinions occidentales. L’offensive médiatique a également mis en valeur le fait que cet assassinat d’un ex-agent des services secrets russes avait des relents de guerre froide, ce qui démontrait l’offensive de la dangereuse et nouvelle Russie de Vladimir Poutine. Tout aussi rapidement, un accusé est désigné: Alexandre Lougovoi.  Celui-ci a rapidement réfuté les accusations qui le visaient, mais pourtant, quand  il a été candidat à la députation en 2007 pour le parti nationaliste LDPR, la presse occidentale a crié à la provocation. Enfin cette affaire a aussi permis à nombre de personnalités russes en exil de mettre en valeur médiatiquement leur statut de "réfugiés résistants" face au nouveau pouvoir russe.

Voila pour la version officielle médiatisée.

Mais curieusement, le mainstream médiatique, surtout en Angleterre, a manqué d’enthousiasme pour révéler et analyser certains développements (notamment récents) de cette affaire. Il y a de nouveaux témoignages, de nouveaux faits qui font douter de la version officielle. Par exemple, le fait que Litvinenko était depuis 1994 un proche de Berezovski, pour lequel il travaillait de façon officieuse, bien que cela soit illégal et incompatible avec ses fonctions officielles à cette époque.

Ou encore sur les liens d’Alex Goldfarb, spécialiste en physique nucléaire, ancien employé de Georges Soros, puis depuis 2001 directeur d’une ONG, basée a New-York, financée par Boris Berezovsi et qui s’est fortement impliqué dans le soutien aux ONGs dans les pays Baltes ou encore aux révolutions de couleur, notamment en Ukraine en 2004. Cette association a en outre également financé l’obtention de l’asile politique du leader indépendantiste Tchétchène Akhmed Zakayev.

Au-delà de la version médiatisée de cette affaire, en Russie et en Angleterre, les investigations continuent, pour découvrir la vérité. Récemment (24 avril 2012) le député Alexandre Lougovoi a passé des tests au détecteur de mensonges via une société anglaise qui en a tiré comme conclusion sa non culpabilité dans l’affaire de l’empoisonnement d’Alexandre Litvinenko (voir ici). Celui-ci suspecte désormais ouvertement l’ONG suscitée de permettre moyennant finances l’obtention du statut de refugié politique en Angleterre. Curieusement l’annonce de cette non culpabilité évidente d’Alexandre Lougovoi a été totalement exclue du Main-Stream britannique.

Récemment un nouveau témoin est apparu dans l’histoire avec d’intéressantes révélations. Nikita Chekulin, l’ancien directeur dans les années 2000 de l’institut de recherche pour l’utilisation et la conversion des matériaux explosifs (Росконверсвзрывцентр). Mis à l’écart car son institut fut suspecté de vente illicite d’explosifs, Nikita Chekulin fut providentiellement contacté à cette époque  par Boris Berezovski qui lui permit d’obtenir le statut de refugié politique en Angleterre. En échange de quoi il lui fut demandé de parler à une conférence organisée à Londres devant divers médias, conférence durant laquelle fut notamment annoncé, via l’aide du spécialiste russe en explosifs Nikita Chekulin, que les attentats de 1999 avaient été organisés par le FSB. Celui-ci accepta, pour affirmer plus tard que le texte de sa déclaration avait été rédigé par … Alex Goldfrap.

La veuve d’Alexandre Litvinenko a fait une prestation très surprenante dans le Talk-Show de Charlie Rose, affirmant que son mari n’avait non seulement jamais été un espion russe mais qu’il travaillait pour les services secrets britanniques. Cela car Boris Berezovski aurait à  une époque cessé de le financer et qu’Alexandre Litvinenko se serait retrouvé sans revenus, trahi par celui en qui il croyait le plus. Pourquoi les medias occidentaux n’ont jamais cessé de définir Alexandre Litvinenko comme un espion russe?

Le père d’Alexandre Litvinenko lui aussi est revenu sur ses premières déclarations. Apprenant que son fils avait travaillé pour les services secrets anglais, il affirme désormais que celui-ci était un traitre et que s’il l’avait su, il n’aurait jamais accusé Vladimir Poutine. Veillant son fils le jour de sa mort, il affirme également qu’aucune lettre posthume n’était dans sa chambre d’hôpital et que la fameuse lettre "J’accuse Poutine" de son fils était un faux, probablement écrit par Boris Berezovski ou Alex Goldfrap.

Nikita Chekulin tout comme le père d’Alexandre Litvinenko semblent du reste sérieusement suspecter les opposants russes en exil d’être liés a la mort d’Alexandre Litvinenko. Pourquoi? Peut être parce que celui-ci avait organisé la visite d’un mystérieux Kazakh qui aurait soit disant menacé la vie de Berezovski en Angleterre, lui permettant ainsi d’obtenir son statut de refugié politique. Lorsque Boris Berezovski cessa de le financer, Alexandre Litvinenko s’apprêtait à rentrer a Moscou, pouvant à tout moment révéler tous ces secrets.

Enfin on à beaucoup parlé récemment de manipulations d’images et de créations d’émotions. Cette photo d’Alexandre Litvinenko sur son lit de mort et sans cheveux avait fait le tour du monde et marqué pour longtemps les opinions occidentales. Pourtant d’après le père d’Alexandre Litvinenko, l’entourage de son fils lui a volontairement rasé les cheveux sur son lit de mort pour que la photo soit plus choquante. Qui croire ? Une chose est certaine, l’affaire Litvinenko n’a sans doute pas fini de livrer de nouvelles révélations…L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

* Alexandre Latsa est un journaliste français qui vit en Russie et anime le site DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie". Il collabore également avec l'Institut de Relations Internationales et Stratégique (IRIS), l'institut Eurasia-Riviesta, et participe à diverses autres publications.


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