L'élection présidentielle en Serbie: troisième essai

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par Pavel Kandel, chef de section des conflits ethniques à l'Institut de l'Europe de l'Académie des sciences de Russie, pour RIA-Novosti Pour la troisième fois, le 16 novembre, les Serbes vont tenter d'élire leur président. Les deux premières tentatives de la fin 2002 n'avaient rien donné. Ni les élections sur deux tours (les 29 septembre et 13 octobre), ni les élections du 8 décembre n'avaient atteint le seuil minimal de votants. Dans les deux cas, la participation électorale tournait autour de 45%. Or la loi exige la participation d'au moins la moitié des électeurs pour valider un scrutin. Voilà pourquoi l'ex-président de la République Fédérale de Yougoslavie, Vojislav Kostunica n'a pas été reconnu président élu du désormais Etat de Serbie-Monténégro, bien qu'il ait remporté deux fois la présidentielle.

Cette fois-ci, Vojislav Kostunica n'a même pas présenté sa candidature, doutant probablement de la participation électorale et peu désireux de se retrouver une fois encore dans cette situation inconfortable de vainqueur vaincu.

A mon avis, des six candidats enregistrés par la Commission électorale centrale, Dragoljub Micunovic est le mieux placé. Patriarche du mouvement démocratique serbe, il représente la coalition au pouvoir en Serbie, l'Opposition démocratique de Serbie. En fait, et Vojislav Kostunica et l'ex-premier ministre serbe Zoran Djindjic, assassiné en mars dernier, peuvent être considérés comme des disciples de Dragoljub Micunovic. Certes, les disciples ont emprunté par la suite des voies très différentes, et Zoran Djindjic a beaucoup fait pour torpiller les élections de l'année dernière et restreindre la participation électorale, barrant ainsi le chemin de la présidence à Vojislav Kostunica.

En 2002, les principaux concurrents de Vojislav Kostunica étaient Miroljub Labus, célèbre économiste et alors vice-premier ministre du gouvernement fédéral, et Vojislav Seselj, président du Parti radical serbe. Aujourd'hui, aucun de ces trois leaders ne figurent sur la liste des candidats à la présidence. Et ce seul fait témoigne du faible intérêt que les hommes politiques portent à ces élections. Et il est permis de penser que les électeurs ne s'y intéresseront pas plus, ne voyant aucun nom connu sur la liste des prétendants, à l'exception de Dragoljub Micunovic.

Il est peu probable qu'il trouve forte concurrence du côté de Tomislav Nikolic (Parti radical serbe), Marjan Resticevic (Parti populaire paysan), Velimir Ilic (Parti "Nouvelle Serbie"), Dragan Tomic (Parti populaire socialiste) ou encore Radoslav Avlijas (parti démocratique "Patrie"). Et tous ces noms étant peu connus des électeurs, il est vain d'espérer une participation suffisante. Mais si par miracle les électeurs se rendaient tout de même aux urnes en nombre suffisant, ils feraient le jeu de Dragoljub Micunovic. Celui-ci deviendrait alors président, à condition - je tiens à le répéter - d'un taux de participation suffisant.

Dans ce cas, même un second tour ferait l'affaire de Dragoljub Micunovic, le seuil de participation n'existant plus au second tour. L'emporte alors celui qui recueille la simple majorité des voix des votants, quel que soit leur nombre.

Une question légitime se pose: "Est-ce que Vojislav Kostunica a définitivement renoncé à la lutte pour le pouvoir?" Il me semble que tel n'est pas le cas. Puisque sa victoire présidentielle invalidée de l'année dernière ne lui a rien apporté, Vojislav Kostunica a probablement décidé de conquérir le pouvoir par d'autres moyens, notamment par le combat parlementaire. Pour l'instant, le parlement est contrôlé par l'Opposition démocratique de Serbie, la coalition au pouvoir, dont le leader était le premier ministre Zoran Djindjic. Font partie de cette coalition et Zoran Zivkovic, actuel premier ministre, et Natasa Micic, présidente du parlement et présidente intérimaire de la république. Des élections législatives anticipées auront bientôt lieu. Vojislav Kostunica et son organisation politique, le Parti Démocratique de Serbie, essaieront certainement de remporter la majorité parlementaire. Et dans ce cas, d'ailleurs, cette majorité pourrait modifier la loi électorale et annuler le seuil de participation de 50%, barrant deux fois à Kostunica le chemin de la présidence.

Vojislav Kostunica est certainement l'homme politique le plus populaire en Serbie, mais, pour s'assurer de la victoire aux législatives, il n'est pas exclu qu'il propose une alliance à son ancien adversaire Miroljub Labus, ex-partisan de Zoran Djindjic. Miroljub Labus et plusieurs autres économistes libéraux avaient constitué un "groupe des Dix-sept" qui avait incité les Serbes à aller voter lors des élections de l'année dernière, ce qui jouait objectivement en faveur de Vojislav Kostunica. Bien que la plate-forme politique de Miroljub Labus et de son groupe ne coïncide pas avec celle de Vojislav Kostunica, leur alliance temporaire est envisageable sur la base d'une communauté d'intérêts ponctuelle, frayant le passage vers la majorité parlementaire.

Mais les élections législatives relèvent de l'avenir. D'un avenir peut-être proche mais avenir tout de même. Alors que l'élection présidentielle nous pend au nez. Soit elle révélera le nom du nouveau président de Serbie, soit elle démontrera une fois de plus que la crise politique dans la république non seulement continue, mais en plus qu'elle s'approfondit. Souhaitant sincèrement la stabilité dans toute la région des Balkans, la Russie voudrait que la Serbie élise enfin son président. Moscou ne cache pas ses sympathies pour telles ou telles personnalités politiques, notamment en Serbie. Mais, en fin de compte, estime Moscou, le dernier mot doit appartenir au peuple serbe et personne ne doit l'empêcher d'exprimer sa volonté.

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