A trois semaines de la présidentielle en Russie, les jeux sont faits

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Par Viatcheslav Nikonov, président de la fondation Politika

L'élection présidentielle en Russie aura lieu le 14 mars, c'est-à-dire dans trois semaines. Cependant, il est d'ores et déjà évident que le chef de l'Etat, Vladimir Poutine, n'a au fond pas de concurrent et qu'il sera réélu pour un second mandat. La stabilité de la situation dans le pays, un essor économique patent, l'amélioration du niveau de vie de la population, le renforcement des positions internationales sont à mettre à l'actif du quadriennat de Vladimir Poutine. La cote de popularité dont il jouit ne laisse planer aucun doute sur l'issue du scrutin présidentiel de mars.

L'absence d'une concurrence digne de ce nom est la particularité essentielle de la campagne électorale. Par exemple, l'élection de 1996 avait été marquée par une lutte extrêmement serrée entre le président sortant, Boris Eltsine, et le leader du Parti communiste, Guennadi Ziouganov, et un second tour avait même été nécessaire pour les départager (d'ailleurs, de nombreux experts doutent encore de l'"honnêteté" de ce scrutin et de la véracité des résultats). A la présidentielle de 2000, il n'y avait déjà plus eu de suspens. Vladimir Poutine l'avait remporté dès le premier tour, même si Guennadi Ziouganov, son principal concurrent, avait confirmé sa réputation de politique confirmé en recueillant à peu de choses près un tiers des suffrages.

Maintenant la suprématie de Vladimir Poutine est telle et l'issue du scrutin est si évidente que ses principaux opposants ont préféré lancer dans la campagne des seconds couteaux. C'est ainsi que Guennadi Ziouganov s'est trouvé un remplaçant en la personne de son fidèle allié Nikolaï Kharitonov, leader du groupe agrarien à la Douma de la législature précédente et actuellement vice-président du Comité de l'agriculture de la chambre basse actuelle. Le leader du Parti libéral-démocrate de Russie, Vladimir Jirinovski, candidat lors des présidentielles de 1991, 1996 et 2000, a emprunté la même voie. Il est vrai que peu de monde s'attendait à ce qu'il choisisse pour "doublure" son garde du corps Oleg Malychkine, 50 ans. Seulement tant que Vladimir Jirinovski et sa formation réaliseront régulièrement des scores supérieurs à la barre des 5 pour cent donnant accès à la Douma, les farces de ce genre ne pourront que se reproduire.

La campagne électorale avait inopinément été sortie de sa torpeur par le politique russe Ivan Rybkine que les Russes avaient totalement oublié. Président de la Douma de la première législative (1993-1995), puis secrétaire du Conseil de sécurité de Russie, il avait ensuite disparu pour longtemps de la scène politique. Mais il vient de refaire surface en briguant la magistrature suprême. Au demeurant ce n'est un secret pour personne qu'Ivan Rybkine a été remis en selle par le célèbre homme d'affaires russe Boris Bérézovski, vivant actuellement à Londres car ayant des ennuis avec la justice russe. Jadis adjoint de Rybkine au Conseil de sécurité, Boris Bérézovski a probablement conservé d'agréables souvenirs de cette collaboration. Tellement agréables qu'il a décidé de financer la candidature d'Ivan Rybkine. Bien évidemment, l'homme d'affaires est trop expérimenté pour espérer voir son poulain menacer tant soit peu Vladimir Poutine, mais pour lui l'essentiel est de faire une crasse à Vladimir Poutine.

En ce qui concerne les politiques sérieux et connus engagés dans la course à la présidence, il faut citer Sergueï Mironov, le président du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement), le leader du bloc Rodina (Patrie) Sergueï Glaziev, et Irina Khakamada, vice-présidente de la Douma de la législature précédente et qui représente les forces libérales de droite. Sergueï Mironov est connu en tant que partisan de Vladimir Poutine, par conséquent il est peu probable qu'il lui fasse de l'ombre, se contentant de vulgariser le programme du Parti de la vie qu'il dirige. Par contre, c'est avec beaucoup de plaisir que Sergueï Glaziev et Irina Khakamada auraient tenté de contester à Vladimir Poutine sa suprématie écrasante, mais ils sont bien conscients de ne pas en avoir réellement la possibilité. Ce que Sergueï Glaziev cherche surtout à faire, c'est se signaler à l'opinion dans l'optique de la présidentielle de 2008 (ses chances dans quatre ans ne doivent pas être sous-estimées). Quant à Irina Khakamada, il lui faut reprendre pied en tant que politicienne libérale surtout après la défaite cuisante enregistrée par les forces de droite lors des dernières législatives? Ces forces pensent moins à une revanche qu'au rétablissement de leur réputation.

Pour résumer, on peut dire que le pays attend cette présidentielle avec sérénité et que la plupart des électeurs ont déjà fait leur choix. Sans le récent attentat terroriste meurtrier dans le métro de Moscou, on aurait pu évoquer l'ancienne période soviétique, la bonne humeur des gens la veille des élections, leur tranquillité et leur certitude du lendemain. Hélas, il n'en est pas ainsi. Le calme paisible ne règne pas, certes, mais il n'y a pas non plus le désarroi sur lequel les terroristes misaient en perpétrant leur forfait peu de temps avant le scrutin. Par contre, il est notoire que le danger soude les gens, surtout en Russie. Il les soude entre eux et aussi avec le pouvoir, surtout quand celui-ci est déterminé à en finir avec le terrorisme et à garantir la sécurité de la population. "La Russie ne négocie pas avec les terroristes, elle les extermine". Ces propos de Vladimir Poutine montrent que le chef de l'Etat a bien compris l'état d'esprit du peuple. D'où la confiance dont il jouit auprès des gens.

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