Le marché des obligations des sociétés russes : les tendances et les perspectives

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MOSCOU, 8 octobre. /par Nina Koulikova, RIA Novosti/. Les tendances du développement du marché obligataire russe, en premier lieu son secteur des titres de sociétés, ont fait l'objet d'un débat le 4 octobre dans le cadre d'une conférence intitulée "Marché obligataire : l'état et les perspectives du développement".

Avant 1999 le marché russe des valeurs mobilières était orienté principalement de manière à satisfaire les besoins grandissants de l'Etat en ressources financières, les activités consistant en des opérations spéculatives sur plusieurs titres de créances largement négociables. Depuis 1999, il s'est mis à revenir à sa fonction essentielle, ce qui a eu pour effet, entre autres, un développement intense de la négociation des titres des diverses sociétés. La période 1999-2003 a été marquée par une croissance des investissements due à l'émission d'obligations. La valeur nominale totale des titres de créances négociés a augmenté en passant de 12,9 à 148,2 milliards de roubles.

Selon les données recueillies par S.Laline, directeur général de la société "Sbonds.ru", le marché des titres de sociétés (émissions placées au nominal) se montait à 218 milliards de roubles le 31 août 2004, soit 36% de croissance par rapport à août 2003.

Cette progression solide est due à une série de facteurs extérieurs positifs qui influent sur la demande de titres de sociétés en Russie à l'heure actuelle. De l'avis du professeur Y.Mirkine, de l'organisation autorégulatrice NFA, un des facteurs positifs durables est la concentration excessive de la propriété des sociétés russes qui n'ont pas intérêt à la disperser. Depuis ces derniers temps elles cherchent à se débarrasser de la dépendance envers différentes institutions financières pour se tourner vers l'ensemble du marché.

Le facteur à moyen terme est le prix élevé des matières premières d'exportation qui favorise la monétisation de l'économie russe. Cet indice (rapport entre la masse monétaire et le PIB) traduit la stabilité du marché financier intérieur et affiche l'ampleur de la demande d'instruments financiers dans le pays. Avant 1995, ce rapport était de 50%. Pendant la période 1996-1998, il a reculé à 16-17% en entraînant un rétrécissement du marché intérieur et une dépendance plus serrée envers les investisseurs étrangers. A la fin de 2003, il était remonté à 30%, chiffre caractéristique des marchés en développement, et reste maintenu à ce niveau cette année. S'il continue d'augmenter, sa croissance encouragera la demande des titres de sociétés, ce qui signifiera finalement un essor économique.

La structure de la répartition du crédit intérieur a elle aussi évolué de façon radicale depuis ces temps deniers. La répartition des créances à l'intérieur du pays entre l'Etat et le secteur privé a changé à l'avantage de ce dernier. En 1998, environ 65% des crédits allait à l'Etat mais ensuite sa part dans le crédit intérieur a commencé à chuter. Vers 2003, seulement 19% des emprunts intérieurs ont été contractés par l'Etat. C'est une tendance positive du point de vue du développement des instruments financiers émis par les sociétés parce qu'elle signifie une diminution des demandes publiques de ressources financières qui deviennent accessibles au secteur privé.

Pourtant le marché des titres de sociétés reste confronté à de nombreux problèmes. Les investisseurs qui opèrent sur ce terrain peuvent être divisés en trois groupes : les banques (70% à 80%), les investisseurs institutionnels (jusqu'à 30%) et les investisseurs divers (5% au maximum). Les investisseurs institutionnels regroupent les fonds de placement, les fonds de retraites et les compagnies d'assurance. De ce côté, le problème, pour le marché, est le faible potentiel financier de ce groupe : le montant total de ses investissements n'excédait pas 15 à 20 milliards de dollars en 2003. L'intervention des fonds de placement sur le marché des obligations de sociétés ne dépassait pas 2,5%. Celle des fonds de retraites était encore moins importante. En ce qui concerne les compagnies d'assurance, on n'a pas de chiffre exact mais on sait qu'elles affichent un rythme de croissance rapide et que leurs actifs sont d'ores et déjà supérieurs à 300 milliards de roubles. Leur activité peut prendre de l'ampleur sur le marché obligataire mais, en attendant, leur intervention sur ce marché n'est pas très importante.

Ainsi, sur le marché russe des obligations de sociétés on voit se dessiner un groupe dominant, celui des banques commerciales, qui en représente 80% environ. De l'avis de S.Laline, ce ne sont pas les obligations mais les crédits bancaires qui sont actuellement le principal instrument de financement. Le rapport entre le montant des obligations des sociétés et celui des crédits bancaires s'élevait à 6,1% à la fin de septembre 2004. Cet indice est en progression mais reste encore bien modeste. D'où la dépendance excessive du marché obligataire envers les banques. L'instabilité constatée cet été dans le secteur bancaire a montré que les fluctuations dans le secteur bancaire se répercutent de façon négative sur le marché obligataire. Plusieurs émetteurs importants, notamment Transneft et MTS, ont renoncé à placer leurs titres sur le marché.

Le marché obligataire intérieur russe a cela de particulier qu'il est en concurrence avec le marché des euro-obligations et le lui en cède à bien des égards. Les placements faits au cours des huit premiers mois de 2004 s'élèvent à 2,5 milliards de dollars sur le marché intérieur et à 6,25 milliards de dollars sur le marché des euro-obligations. L'explication en est le taux d'intérêt qui est plus bas pour les euro-obligations (7% à 9% par an en dollars) que pour les titres libellés en roubles (8% à 10%). D'autre part, sur l'euromarché il est possible de faire appel à un montant plus important en une seule fois. D'après R. Sielberg, Gazprom a recueilli huit fois plus de capitaux sur l'euromarché qu'en Russie.

Les participants à la conférence ont abordé aussi des problèmes de la législation, notamment la nécessité d'annuler l'enregistrement du compte rendu des placements de capitaux. De l'avis de S.Laline, c'est une norme russe qui ne répond pas aux standards internationaux. Elle augmente le prix des capitaux empruntés, dissuade de nombreux investisseurs étrangers et freine de ce fait le développement du marché. Le représentant du Service fédéral des marchés financiers, Vladimir Goussakov, qui a pris part à la conférence a déclaré qu'un effort de réflexion était en cours pour simplifier cette procédure.

Ainsi le marché obligataire russe se développe rapidement et représente un compartiment important du marché financier car il permet aux entreprises russes d'attirer des ressources nécessaires à leur développement. De l'avis des spécialistes, le processus de remplacement des crédits bancaires par l'émission de créances sera poursuivi. D'une façon générale la conjoncture économique extérieure et la stabilité du marché se sont améliorées depuis ces dernières années. Malgré les insuffisances et les problèmes structurels qui persistent le marché obligataire est devenu une réalité macro-économique, un mécanisme d'emprunt de capitaux qui constitue une alternative au crédit bancaire.

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